#Polar

Tuez Iouchtchenko !

Gérard de Villiers

Son pistolet équipé du silencieux au bout du bras, Stephan Oswacim, dissimulé derrière sa porte, faillit se faire surprendre, n'apercevant que de dos Malko Linge qui regagnait sa chambre. Il attendit quelques secondes et, poussant avec précaution un des battants de la porte, déboucha dans le couloir. Il aperçut alors l'occupant de la chambre 408, qui allait tourner ou coin du couloir. Stephan Oswacim se lança à sa poursuite à pas de loup, puis arrivé assez près s'arrêta, allongea le bras et bloqua sa respiration. Deux balles dans le dos de l'agent de la CIA, puis deux dans la tête et il pourrait enfin filer, l'âme en paix.

Par Gérard de Villiers
Chez Gérard de Villiers

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Genre

Policiers

CHAPITRE PREMIER 

 

Roman Marchouk, collé à une des fenêtres donnant sur Mykoly-Bazhana Prospekt, la grande voie filant vers l’est, au milieu de la forêt de bouleaux enneigés, se retourna en poussant un juron. 

— Bolchemoi ! Qu’est-ce qu’ils font ? Ils ont une heure de retard. 

Les mains dans les poches de son blouson de cuir, la grosse ceinture de son jean disparaissant sous les plis de sa panse, il tournait dans la petite pièce comme un fauve en cage, le regard fixe, les traits tirés par l’angoisse. Avec ses cheveux clairsemés, sa barbe de deux jours, ses vêtements chiffonnés, il avait l’air d’un clochard. 

— Ils ont dû être pris dans un embouteillage, plaida Evguena Bogdanov. Tu sais bien que dans le centre, à cette heure-ci, on roule très mal. 

À son tour, elle s’approcha de la fenêtre, scrutant le flot de voitures venues par le pont Pivdenny, un des quatre ouvrages franchissant le Dniepr qui coulait paresseusement au milieu de Kiev, coupant la ville en deux. Dans ce quartier moderne de l’est, pas d’immeubles baroques aux couleurs pastel ni de flamboyantes églises aux coupoles dorées, mais de sinistres clapiers de vingt étages alignés des deux côtés de Mykoly-Bazhana Prospekt, vestiges de l’Union soviétique. Là s’entassait une bonne partie des cinq millions d’habitants de la capitale de l’Ukraine, dont beaucoup avaient quitté la région industrielle sinistrée du Donetz pour trouver du travail. 

En se penchant, Evguena Bogdanov fit remonter un peu plus sa mini de cuir noir fendue sur le côté droit, qui lui arrivait tout juste en haut des cuisses. Avec ses bottes blanches à talons aiguilles et son pull moulant, elle était carrément provocante, comme de nombreuses jeunes ukrainiennes désireuses d’améliorer leur position sociale. Au lieu de s’emmitoufler, elle allait, même en hiver, les jambes nues, couverte seulement d’une courte veste de fourrure synthétique. Cette tenue, ajoutée à ses cheveux blonds réunis en natte, à sa bouche trop rouge et à son regard effronté, accrochaient les regards des hommes quand elle allait prendre un thé à la Maison du Café, un endroit branché tout près du boulevard Khreschatik, les Champs-Élysées de Kiev. On y croisait des hommes politiques, des businessmen, des journalistes, qui venaient là draguer les filles seules. 

Evguena Bogdanov resta le nez collé à la vitre, s’angoissant à son tour. Ce n’était pas possible qu’on lui fasse faux bond ! La nuit commençait à tomber, bien qu’il ne soit qu’un peu plus de cinq heures. Seize étages plus bas, on distinguait tout juste les formes des voitures qui défilaient dans les deux sens. Quelques flocons de neige se mêlaient à une pluie fine qui réduisait encore la visibilité. 

Roman Marchouk s’éloigna de la fenêtre en maugréant entre ses dents, puis revint se placer derrière Evguena Bogdanov, scrutant la grande avenue par-dessus son épaule. La jeune femme pouvait sentir son souffle court dans son cou. Pendant quelques instants, ils contemplèrent en silence la circulation, puis l’Ukrainien explosa de nouveau. 

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13/04/2005 252 pages 7,50 €
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