J’ai subi cela pendant cent soixante-trois jours. J’ai relu mon journal intime des années plus tard pour compter. Et voilà qu’elle a écrit un livre. Impensable. Cette femme est une étoile montante. Une experte en pardon, quelle ironie. Je contemple sa photo. Elle est encore mignonne avec sa coupe garçonne et son nez retroussé. Mais son sourire est désormais sincère, ses yeux ne sont plus moqueurs. À la simple vue de son visage, pourtant, mon cœur bat la chamade.
Je jette le journal sur ma table basse et le reprends aussitôt.
REVENDIQUEZ VOTRE HONTE
Par Brian Moss pour le Times-Picayune
LA NOUVELLE-ORLÉANS – Présenter ses excuses peut-il guérir de vieilles blessures, ou vaut-il mieux taire certains secrets ?
D’après Fiona Knowles, une avocate de trentequatre ans à Royal Oak, dans l’État du Michigan, faire amende honorable pour se racheter de ses fautes est une étape cruciale dans la quête de la paix intérieure.
« Il faut du courage pour revendiquer sa honte, affirme Knowles. Chez la plupart d’entre nous, faire preuve de vulnérabilité est source de malaise. Nous préférons dissimuler notre sentiment de culpabilité dans l’espoir que personne ne voie ce qui se terre au plus profond de nous. Exposer sa honte peut s’avérer libérateur. »
Et Mme Knowles est bien placée pour le savoir. Elle a mis sa théorie à l’épreuve au printemps 2013 en rédigeant trente-cinq lettres d’excuses. Dans chaque courrier, elle a inclus une pochette contenant deux pierres qu’elle a baptisées « pierres du Pardon ». Le destinataire reçoit ainsi deux requêtes simples : pardonner et demander pardon.
« Je me suis rendu compte que les gens cherchaient désespérément un prétexte – une obligation, même – afin de se racheter, explique Knowles. Comme les graines d’un pissenlit, les pierres du Pardon ont été emportées par le vent et se sont disséminées. »
Que ce soit grâce au vent, ou grâce à l’utilisation intelligente des réseaux sociaux dont a su faire preuve Mme Knowles, les pierres du Pardon ont rencontré un succès incroyable. À ce jour, on estime le nombre de pierres en circulation à environ 400 000.
Mme Knowles sera présente à la librairie Octavia Books jeudi 24 avril pour parler de son nouveau livre, justement intitulé Les Pierres du Pardon.
Je sursaute quand mon portable vibre et m’annonce qu’il est 4 h 45 – l’heure d’aller au travail. Je fourre le journal dans mon sac. Mes mains tremblent. J’attrape mes clés, mon thermos de café et me dirige vers la porte.
Trois heures plus tard, après avoir parcouru le bilan épouvantable de l’audimat de la semaine passée et avoir été briefée sur le sujet captivant du jour – comment appliquer correctement son autobronzant –, je suis assise dans ma loge avec des bigoudis en Velcro dans les cheveux et une cape en plastique qui protège ma robe. C’est le moment de la journée que j’aime le moins. Après dix ans devant la caméra, on pourrait croire que je suis rodée. Mais passer au maquillage implique d’arriver le matin sans m’être apprêtée, ce qui pour moi revient à essayer un maillot de bain en public à la lumière d’un néon. Je m’excuse toujours auprès de Jade, qui doit voir de véritables cratères, qu’on appelle couramment des pores, sur mon nez, ou les demi-lunes noires sous mes yeux, comme si j’allais entrer sur un terrain de foot américain. Un jour, j’ai essayé d’arracher le fond de teint de la poigne de fer de Jade, dans l’espoir de lui épargner la tâche horrible et impossible de camoufler sur mon menton un bouton gros comme le volcan de Mauna Loa. Comme disait toujours mon père, si Dieu voulait que le visage de la femme soit nu, il n’aurait pas créé le maquillage.
Extraits
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