« Love et moi »
Le plus ennuyeux dans la vie, c’est ce manque de mémoire général. Les gens traversent des épopées, et ne se souviennent pas réellement des choses, des mots, des gestes, des couleurs, des ondes qui passent. Ils connaissent juste la fin des histoires, jamais le pourquoi…
Love, c’est moi. J’ai vingt-six ans et deux mois, et les yeux ouverts sur le monde, ouverts à en faire peur. On m’appelle Love, parce qu’immanquablement, les hommes, les femmes aussi, pensent à faire l’amour en me voyant.
Moi, je joue là-dessus, Je leur fais miroiter Love, pour qu’ils ne devinent pas l’Autre, la très grande, la très pure, la très puissante et la très sûre qui se cache à l’intérieur de Love, de l’inoffensive Love.
Quelquefois, certains la perçoivent inconsciemment, et proposent à Love des tâches que nul ne songerait à lui offrir à priori. Love cache bien l’Autre. Elle est tout miel, tout sourire, tout amour. Mais de temps en temps, L’Autre laisse fuser, comme par mégarde, une pointe d’ironie brûlante, une conclusion des plus synthétiques pour clore une conversation, un ordre à la cantonade, pour démêler une situation. Alors, tout le monde regarde Love étonné.
Mais Love n’a pas bougé; sa peau a des reflets de soie; elle sourit, tendre énigme… Love ne prend jamais part aux discussions; son visage interroge…
Et les gens pressés parlent d’autre chose, finissent d’avaler leurs pommes sautées, arrosent leur ulcère à l’estomac… « Quelle horreur ! », dit Love…
Love m’appartient. Elle est à moi. Je la pénètre toute entière, et l’on joue, l’on joue à se jouer des félons… Et ils sont légions…
Man, c’est l’homme qui vit avec Love, avec l’Autre aussi. Il les connait toutes les deux et je crois qu’il les aime autant l’une que l’autre. Man, c’est l’archétype du mâle, et avec Love, il forme un couple parfait, sculptural. Il n’est pas une femme qui n’ait rêvé d’être à Man : il émane de lui une telle force ou chaleur, que fondent les plus glaciales. C’est tout à fait normal qu’il ait rencontré Love, voir la loi de l’électricité, pôle positif et pôle négatif, je vous ferai un dessin…
Je ne vous décrirai pas la Cité sortilège, Atalana, lumière de la Terre, qui brille de cinquante années d’avance sur les autres villes. Love habite Narghil, capitale de la République Nirgalienne et voisine ancestrale du Royaume Bussonnique (capitale : Libra). Ces deux états appartiennent au continent Atlante et connaissent un développement proche de votre monde actuel. Aujourd’hui, je me sers de l’auteur pour vous transmettre, dans votre langue, ce témoignage du temps ou Man et moi n’avions pas encore détruit l’Atlantide par nos découvertes…
Lundi, jour de repos.
C’est idiot : il faut quand même se lever, car après deux ans de travail, la direction bussonnique de Love se déplace pour la rencontrer. C’est l’Autre qui pousse Love à mettre sa robe des grands jours, au décolleté provoquant; et Love se sent femme, super femme.
Extraits
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