François L.

Lherbier Philippe

1960. François a onze ans. Il vit chez "Mamie" , une femme âgée qui l'a élevé depuis son premier jour. Sa mère est décédée, il n'en conserve qu'un souvenir magnifié, un immense et douloureux ressenti d'absence. Les échos de la guerre d'Algérie lui parviennent au coeur d'un petit village du Loiret. Vie immobile, seulement ponctuée par les moissons, les vendanges, la mort d'Hélène Chauvat, les enterrements. Lucien Chauvat cherche à connaître les raisons du geste désespéré de sa femme. Cette mort tragique rapprochera l'adulte en quête de vérité et l'enfant à la recherche de certitudes. La préhistoire les réunira dans une même passion. Lucien Chauvat va rencontrer Marie. Elle, c'est l'étrangère, l'allemande, la juive, que les villageois ne côtoient qu'avec réserve. Doucement va s'écrire une histoire d'amour dans le brouhaha des passions politiques. François et ses amis d'école vont être le bras de justice qui obligera le responsable de la mort d'Hélène à se dévoiler. François va enfin obtenir la certitude que sa mère ne l'a pas abandonné.

Par Lherbier Philippe
Chez Les Editions du Net

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Genre

Littérature française

« …avec des craies de toutes les couleurs

sur le tableau noir du malheur

il dessine le visage du bonheur »

Paroles. Jacques Prévert

 

 

Noyolles

Les jours coulent lentement sous les feuilles des grands platanes qui font à Noyolles cette entrée majestueuse lorsqu’on arrive par Maltaverne. Maltaverne, c’est là qu’habite le Maire Mathias Leleu. De grands murs sombres, au carré, un lourd portail de bois à deux battants, que peu de gens peuvent se vanter d’avoir franchi, une autre porte à l’arrière, invisible de la route, par où sortent et rentrent les familiers. Les murs qui bordent le chemin d’accès sont ceux de l’étable et de la porcherie : on sait cela parce qu’à deux mètres du sol il y a d’étroites meurtrières que l’on devine s’évasant dans l’épaisseur de pierre, comme celles qui subsistent sur les murs ruinés de la vieille chapelle enfouie sous la végétation, au bord de la Sainte Rose. Par ces ouvertures méfiantes filtrent quelques bruits de la ferme, chaînes heurtant les auges de pierre, grognements des porcs et parfois les jurons du fermier lorsque les bêtes énervées n’obéissent pas à sa volonté. On ne sait pas grand-chose sur la vie, les rythmes, l’égrènement des jours et des travaux à Maltaverne. Les hauts murs protègent bien contre les curieux et pour le reste, si vous avez quelque chose à demander, il vaut mieux vous adresser directement à la secrétaire de Mairie qui fera suivre à Monsieur le Maire. 

Mathias Leleu ne vit pas seul dans sa ferme. Il a d’abord ses porcs, ses vaches et ses volailles, qui constituent l’essentiel des ressources de l’exploitation avec la production de pommes de terre. Il emploie un garçon de ferme, Bébert, un peu innocent. Tout le monde dit en souriant « Bébert les grandes feuilles » parce qu’il est sourd, enfin pas tout à fait, et c’est même curieux comme on a appris à se surveiller dans le village, beaucoup plus qu’il n’est habituel avec un sourd, les rares fois où il s’arrête à l’épicerie buvette de Catherine. Il y a aussi Madame Leleu, Claire, qui ne sort jamais. Et l’on raconte qu’elle est folle ou malade, que parfois on l’a entendue crier pendant des heures avec des gémissements de bête. Et puis il y a Anselme son beau-frère, qui conduit l’exploitation presqu’à lui seul, avec qui il partage la partie habitation de la ferme. 

Deux chiens loups, toujours enchaînés, montent la garde derrière le portail ou, parfois, à l’entrée du sentier qui longe le mur et conduit à la porte arrière du domaine. Ils n’aboient presque jamais mais ils sont toujours étonnamment en éveil, debout et barrant le chemin de leur laisse tendue, lorsqu’on approche. 

Marie Bruckman est l’une des rares à avoir pénétré à Maltaverne. Elle habite cinq cent mètres plus loin, à mi coteau en revenant vers le bourg. Un jour, les cochons du maire laissés en liberté dans un terrain vague, mi pré, mi bourbier, le long de la Sainte Rose qui coule en cet endroit parallèlement à la route, peut-être parce qu’ils en avaient assez du sinistre calme de Maltaverne, ont descendu cette voie naturelle qu’est la rivière. En vue de la ferme de Marie Bruckman ils ont, sans vergogne, après avoir eventré les berges molles, dévasté le champ de maïs qui se plaît à mi pente, chaque année, parce que le sol y est tout juste ce qu’il faut, humide et riche à la fois et bien exposé au soleil. Quel gâchis ils avaient fait, tout le monde a pu s’en rendre compte, parce qu’on aperçoit le champ de la route et qu’il a fait beaucoup d’envieux : on y récolte le plus beau maïs de la région. Quatre fois Marie Bruckman a refusé de le vendre. Ce que quelques-uns ont pu voir, c’est lorsque la Bruckman s’est aperçue du saccage : elle n’a pas perdu une heure, pas une minute, elle a mis son fichu de soie blanche, celui qu’elle porte souvent lorsqu’elle descend au village. Il paraît que l’on en trouve de semblables aux Galeries Lafayette à Paris, vous vous rendez compte ! 

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04/09/2015 262 pages 15,00 €
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