4 Novembre, début d’après-midi
J’ai faim. Il n’y a plus rien à manger dans la cuisine.
Plus d’eau courante depuis ce matin, plus de gaz depuis hier, plus d’électricité depuis trois jours. J’ai eu beau actionner tous les interrupteurs en tâtonnant sur le mur, à l’aveugle, essayer d’allumer les luminaires du séjour, pas de résultat, rien, aucune lumière. L’appartement est plongé dans l’obscurité dès la tombée de la nuit, vers 19 heures.
J’ai heureusement retrouvé deux torches dans la commode de l’entrée. Il faut que je me procure d’urgence des piles pour les alimenter et des bougies pour compléter mon éclairage. Je dois aussi me faire une réserve de charbon de bois et d’allumettes pour entretenir le feu de la cheminée.
Il commence à faire froid. Et j’ai besoin de vivres.
Lego miaule sans arrêt. Il n’a plus de croquettes spéciales chatons. Il crève de faim lui aussi. Il déchiquette les fauteuils et les canapés pour se venger. Il lamine tout ce qui traîne, il m’a même piqué ma montre. Je me l’étais achetée avec mon argent de poche, par Internet. J’en avais fait un objet collector, en gravant moi-même au dos le sigle de WOT avec mon cutter. Impossible de remettre la main dessus.
Il me faut donc aussi des piles pour le réveil, sinon je n’aurai même plus l’heure.
J’ai tellement peur de sortir. Je dois affronter Paris avant que la nuit n’envahisse les rues.
La ville que j’observe par la fenêtre n’est plus la mienne, cette ville est inacceptable.
Hier, j’ai vu des hommes en combinaisons d’astronautes, avec des sortes de masques à gaz. Ils ramassaient les cadavres et les entreposaient dans leurs camions blindés. Tous ces corps, qu’ils entassent les uns sur les autres, où les emmènent-ils ? Vers les fosses communes ? Ou bien vont-ils les brûler ? Ces hommes, ils savent peut-être ce qui tue tout le monde. C’est quoi, ce putain de virus qui frappe et extermine en quelques heures ?
Est-ce qu’ils pourraient me dire pourquoi moi, je ne suis pas mort ? J’ai eu envie de courir les rejoindre, mais je n’ai pas bougé de ma fenêtre, incapable de réagir. Leur demander secours, ça m’obligerait à admettre la réalité de ces morts, de ce silence, de cette odeur. Et ça, non, je ne le peux pas. Je ne le veux pas.
Sortir.
Il faut que je sorte, il faut que j’aille nous chercher à manger. Tant pis si j’attrape la maladie.
Quitte à mourir, je préfère mourir de l’épidémie à l’extérieur que mourir de faim à l’intérieur.
Mon grand-père m’avait dit de ne pas sortir. Mais peut-être suis-je immunisé contre le virus ? Peut-être suis-je en vie pour remplir la mission de Khronos avec les autres Experts ? Je dois tenir jusqu’au 24 décembre et me rendre sous la plus vieille horloge de Paris pour savoir si ce retour dans le passé est possible.
C’est quoi, ce bruit dans le salon ?
Merde, le grincement s’intensifie. J’y vais.
C’est une nouvelle invasion de rats ! Ils sont énormes. Comment sont-ils entrés chez moi, ces saloperies de rongeurs ? Bon Dieu, quel cauchemar !
Extraits
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