#Essais

Joséphine, le paradoxe du cygne

Pierre Branda

Elle ne s'appelait pas Joséphine de Beauharnais, mais Marie-Joseph-Rose de Tascher de La Pagerie. C'est par la grâce de Napoléon qu'elle prit le nom de Joséphine, puis le titre d'impératrice. Ce premier mystère en cache beaucoup d'autres, dont Pierre Branda lève successivement les voiles. Certes, la Créole avait la grâce du cygne, dont elle se fit un instrument efficace, au point d'être désignée comme " l'incomparable ", de sa naissance à la Martinique en 1763 jusqu'à sa mort à Malmaison en 1814. Mais, bien plus que ses prouesses et ses trahisons amoureuses réelles ou supposées, l'auteur fait valoir la femme de réseaux, d'influence et d'argent, l'hostilité jamais démentie du clan Bonaparte à son égard et envers ses deux enfants, son goût pour la nature et les arts, et surtout ce lien complexe et indéfectible avec Napoléon dont elle accompagna la vertigineuse ascension sans connaître la chute ultime. Loin de la légende noire comme des potins anecdotiques, Pierre Branda redonne vie à une femme de tête autant que de corps, aux prises avec la grande histoire, dont elle sut tirer parti tout en subissant ses coups.

Par Pierre Branda
Chez Librairie Académique Perrin

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Genre

Histoire de France

« La grâce protège : en lissant son aile,
le cygne s’en fait une cuirasse. »

Henri Frédéric AMIEL,
Grains de mil (1854).

« Le chemin de la vérité est celui du paradoxe :
pour l’éprouver, il faut la contempler sur la corde raide.
Quand la vérité devient acrobate, nous pouvons la juger. »

Oscar WILDE,
Les Ailes du paradoxe (1996).

 

 

 

 

Cette histoire commence, ou plutôt s’achève par une fiction. Cette fiction porte un nom : Joséphine de Beauharnais. Oui, une fiction, presque une mystification. Avant d’entreprendre ce travail, je n’y avais à vrai dire jamais vraiment prêté attention tant ce nom nous est désormais familier. En l’entendant, on pense aussitôt à la femme légère, indolente, sournoise, infidèle, dépensière bien sûr, frivole et évanescente que beaucoup ont dépeinte livre après livre. Comme d’autres, j’ai aimé ce roman d’une vie. Parfois, je me suis bien demandé comment Napoléon avait pu tomber amoureux d’elle. Lui si rationnel et ordonné. Probablement l’avait-elle envoûté, cette « diablesse », on ne sait trop comment. Tout à la fois cygne blanc pour la majesté de son allure, mais aussi vrai cygne noir lunaire et féminin, Joséphine est un modèle d’intrigante à qui cependant on pardonne tout. Alors, comme nom d’héroïne, Joséphine de Beauharnais, c’est plutôt joli, charmant même. Il n’a pourtant jamais été prononcé du vivant de la première impératrice des Français et sonne aussi faux que tout ce qui précède. Il fut imaginé sous un régime, celui de la Restauration, pour des raisons politiques. Ce prénom, Joséphine, est une pure invention. Il vit le jour sous la plume enflammée d’un général plein d’avenir. Ce nom,Beauharnais, n’était pas non plus le sien. Elle en hérita après un mariage improbable, et pour finir calamiteux. Sa véritable identité, Marie-Joseph-Rose de Tascher de La Pagerie, s’est ainsi entièrement effacée de sa pierre tombale. D’autres noms ont cependant traversé les âges et peuplent parfois notre mémoire. Dans sa jeunesse, elle répondait au doux nom de Yeyette. Adolescente, elle préféra le prénom deRose, celui que portait aussi sa mère, ou de Marie-Rose, pour éviter toute confusion avec sa génitrice. Puis elle devint la vicomtesse de Beauharnais. Elle fut aussi un temps la citoyenne Beauharnais, avant que la tragédie ne crêpe de noir la veuve Beauharnais. Après son second mariage, la citoyenne Bonaparte fit son apparition. Au bas de ses lettres, elle signait cependant le plus souvent Lapagerie Bonaparte ou même parfois Lapagerie Buonaparte, sans doute pour se différencier d’une belle-famille qui par ailleurs la détestait. Et Joséphine ? Napoléon fut le premier à l’appeler ainsi, et longtemps même il fut le seul. Elle-même n’adopta ce nouveau prénom qu’une fois son époux devenu maître de la France. Sous l’Empire, on célébrait l’impératrice Joséphine ou tout simplement l’impératrice. Après le temps des défaites, les bureaux royalistes de la censure l’appelleront un temps la mère du prince Eugène, avant de lui préférer l’immortel Joséphine de Beauharnais. Alors proscrit, le nom Bonaparte lui fut retiré, et plus question de l’appeler par son seul prénom car il fallait oublier la souveraine déchue.

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07/01/2016 464 pages 24,50 €
Scannez le code barre 9782262040864
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