« La vie est courte, c’est une raison
d’en user jusqu’au bout. »
À Joana.
Le 15 janvier 1986…
Il est tard ce matin-là. À peu près 10 heures. Mais pourquoi se lever ? C’est si doux de pouvoir rester au lit lorsqu’on a cette chance. La nuit a été longue, comme c’est souvent le cas à l’époque. Une nuit comme les autres, où l’on snobe le lendemain avec beaucoup trop de bière, des copains qui débarquent à l’improviste, un tarot interminable, mais aussi un article à boucler sur les Communards, le groupe anglais de passage à Paris pour défendre son nouveau titre, « You Are My World ».
La radio est allumée depuis une demi-heure… sans que je perçoive exactement le propos. Richard, mon ami, est déjà levé : il monte le son. Personne n’aime beaucoup ça, monter le son… Le matin, c’est rarement pour de bonnes raisons. C’est plus souvent pour écouter une mauvaise nouvelle dans l’actualité qu’une bonne chanson. Surtout à cette heure-ci : je les connais bien, les programmes de ma radio… La dernière fois qu’il a fallu le faire, je m’en souviens encore… Nous venions d’apprendre la mort de Simone Signoret. Même si nous nous y étions un peu préparés, nous étions quand même terrassés de tristesse, malheureux, orphelins – sans être de la famille. Une conscience en mouvement perpétuel s’était éteinte. L’événement était peut-être prévisible, mais je considérais que ce n’était pas franchement le moment, au regard de la lourdeur des nuages sombres qui obscurcissaient un peu plus chaque jour la lumière de l’époque… La montée du racisme, Le Pen trépignant pour entrer à l’Assemblée nationale, la gauche gouvernementale dont les derniers idéaux venaient de sombrer dans les eaux du Pacifique avec le Rainbow Warrior… Simone Signoret partie, qui donc allait nous tenir réveillé ? Je me souviens m’être posé cette question, imaginant alors que Daniel Balavoine allait dorénavant avoir encore plus de boulot, lui qui disait souvent : « Il y a des gens qui veulent faire passer des réponses. Moi, je veux faire passer de l’éveil… » Comme Simone Signoret, marraine de la petite main de SOS Racisme. Elle s’était d’ailleurs confiée à Michel Drucker le jour de la désormais légendaire confrontation à la télévision entre Balavoine et Mitterrand, à Saint-Paul-de-Vence : « Ce p’tit gars, il est bien, lui. Il n’a pas la langue dans sa poche… Il n’est pas tiède, lui ! »
Ce matin du 15 janvier, à peine éveillé, je comprends instinctivement que je vais à nouveau avoir beaucoup de peine. Parce que la voix du journaliste trahit une grande tristesse : « C’est à l’étape de Gourma-Rharous, à l’issue de la deuxième spéciale du Paris-Dakar, vers 20 heures, qu’un concurrent, le numéro 347, Charles Belvèze, a alerté les organisateurs : un hélicoptère, tous feux éteints, l’avait survolé et, pris dans un vent de sable, s’était écrasé. À son bord, les cinq occupants sont morts : le pilote François-Xavier Bagnoud, le mécanicien Jean-Paul Le Fur, la journaliste envoyée spéciale duJournal du dimanche, Nathalie Odent, Thierry Sabine, l’organisateur du rallye, et… le chanteur Daniel Balavoine. »
Extraits
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