#Roman étranger

Pirates

Michael Crichton

1665, la Jamaïque est une petite colonie britannique perdue au milieu des possessions de l'Empire espagnol. Port Royal, capitale de l'île, n'est pas un endroit où s'établir si l'on veut vivre centenaire: c'est un véritable coupe-gorge où se bousculent aventuriers, loups de mer, filles de mauvaise vie et autres repris de justice. Du point de vue du capitaine Edward Hunter, cependant, la vie sur l'île est riche de promesses. Il faut juste s'y entendre un peu en matière de piraterie... La rumeur circule justement qu'un navire chargé d'or est à quai dans le port voisin de Matanceros. Gouvernée par le sanguinaire Cazalla, l'un des chefs militaires favoris du roi d'Espagne, l'île est réputée imprenable. Qu'à cela ne tienne! Hunter met rapidement sur pied une équipe pour s'emparer du galion. Une femme pirate, fine gâchette dotée de la meilleure vue des Caraïbes, un ancien esclave, muet doué d'une force herculéenne, un vieillard paranoïaque expert en explosifs, et le plus remarquable barreur du Nouveau Monde seront ses compagnons de voyage...

Par Michael Crichton
Chez Robert Laffont

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Genre

Littérature étrangère

PORT ROYAL

Sir James Almont, gouverneur de la Jamaïque de par la grâce du roi Charles II, se levait généralement tôt. D’abord, parce que ce veuf, les années passant, souffrait de plus en plus de la goutte, mais aussi parce qu’il tenait à profiter des quelques heures de fraîcheur précédant la chaleur et l’humidité qui s’abattaient sur la colonie jamaïcaine dès le milieu de la matinée.

Au matin du 7 septembre 1665, fidèle à sa routine, Sir James Almont quitta son lit pour se rendre directement à la fenêtre afin de juger sous quels auspices se présentait la journée. Le palais du gouverneur, une impressionnante demeure en brique couverte d’un toit de tuile rouge, se trouvait être la seule construction sur trois niveaux de Port Royal. Elle offrait ainsi à Sir James, de sa chambre au dernier étage, une vue unique sur la cité. Dans les rues en contrebas, les allumeurs de réverbères se chargeaient à présent de les éteindre. Sur Ridge Street, la première patrouille de la garnison ramassait les ivrognes et les cadavres étalés dans la boue alors que, juste sous ses fenêtres, résonnait le grondement du premier tombereau des porteurs d’eau qui revenaient du Rio Cobra, situé à quelques kilomètres de la ville, leurs barriques remplies d’eau fraîche. Sinon, tout était calme. Port Royal jouissait d’un bref répit entre le moment où les derniers fêtards, hébétés par l’alcool, avaient cessé de brailler et le début de l’activité commerciale, du côté des docks.

Délaissant les rues étroites et encombrées pour ramener son regard vers le port, Sir James contempla la forêt de mâts et les centaines de navires de tous gabarits mouillés dans la baie ou amarrés aux quais. Il aperçut au loin un brick anglais qui avait jeté l’ancre de l’autre côté de la caye, au large du récif de Rackham. Sans doute arrivé pendant la nuit, il avait prudemment choisi d’attendre le jour pour entrer au port. D’ailleurs, sous les yeux du gouverneur, il déferla ses huniers dans l’aube naissante tandis que deux chaloupes se détachaient de la côte, près du fort Charles, afin de le haler jusqu’au port.

Le gouverneur Almont, ou James le dixième comme d’aucuns le surnommaient en raison de sa tendance à détourner vers ses coffres personnels un dixième des prises des corsaires, quitta sa fenêtre et, clopinant sur sa jambe gauche fort douloureuse, partit faire sa toilette. Aussitôt le navire marchand fut oublié car, en ce matin précis, Sir James avait la désagréable obligation d’assister à une pendaison.

La semaine précédente, les soldats avaient capturé une fripouille, un Français du nom de Leclerc, accusé d’avoir mis à sac le village d’Ocho Rios, sur la côte septentrionale de l’île. Grâce au témoignage de quelques survivants, il avait été condamné à être pendu publiquement au gibet de High Street. Le gouverneur Almont ne s’intéressait pas plus au Français qu’à son châtiment ; il lui incombait cependant d’assister à l’exécution. D’où cette déplaisante matinée en perspective.

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trad. Christine Bouchareine
03/06/2010 301 pages 20,50 €
Scannez le code barre 9782221115152
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