#Roman francophone

Un si long chemin jusqu'à moi

Fabienne Périneau

Tout commence à Roissy, ce fameux jour de 2010 où le volcan islandais au nom imprononçable, le Eyjafjöll, s'est brusquement réveillé, stoppant ainsi tout le trafic aérien et provoquant un chaos intégral. C'est aussi ce jour-là que Mathieu, obstétricien de renom, et Arielle, restauratrice de tableaux, devaient s'envoler pour le Japon. Leur vol est annulé, impossible de trouver un taxi pour rentrer à Paris. Mathieu est fou de rage, Arielle curieusement apathique : elle vit depuis des années sous la coupe de son mari qui l'a isolée de ses amis, poussée à ne plus travailler et à prendre des médicaments pour la calmer, dit-il… D'autant plus que Daniel, son frère jumeau, son confident, est mort brutalement il y a quelques mois. Son chagrin est immense et pourtant, plus elle pleure, plus il la rejette, la malmène, l'humilie… Dans le chaos de l'aéroport, à travers ses larmes, Arielle aperçoit Jack. Jack est séduisant et étonnamment généreux. D'ailleurs, il leur propose de les ramener en voiture à Paris. Hasard ou coïncidence ? En tout cas, ce sera l'amorce d'une renaissance pour Arielle. Est-ce le volcan islandais qui se réveille ce jour-là ou bien est-ce Arielle, enfin décidée à se battre et à sortir de sa torpeur existentielle et conjugale ?

Par Fabienne Périneau
Chez Editions Denoël

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Genre

Littérature française

 À Denis,

mon frère jumeau,

à Cassandra et Asia,

mes filles

 

« Je suis né, je commence encore une fois. »

Jacques AUDIBERTI

 

 

C’est là que tout avait recommencé.

Impossible d’atterrir ou de décoller à l’aéroport de Roissy.

Dix-huit heures.

Il ne l’a pas remarquée tout de suite.

Elle n’est pas remarquable non plus, avec son visage enfoui derrière ses longs cheveux bruns. Ses yeux bleus, rouges de trop de larmes. Son teint fané par les cigarettes et les verres d’alcool ingurgités ces dernières semaines. Son pull taché de morve et de rimmel. Ses bottes sales de tant de gadoue.

Le corps éteint dans un imperméable noir, le ventre rongé par une bande de rats qui grouillent à l’intérieur, ce ventre qui lui fait si mal.

Depuis quatre mois, Arielle grelottait de tristesse.

Elle est assise sur un de ces bancs en fer gris, international, froid, sans géographie précise.

Dans le hall, des voyageurs, arrêtés dans leur envol. Un jeune couple s’engueule, leur voyage de noces au Mexique est remis à plus tard. Un guitariste en jean sort sa guitare. Un homme, polo et pull cachemire, s’excuse au téléphone, il ne rentrera pas chez lui ce soir, soulagé, il raccroche et respire. Un groupe de touristes marseillais parle anglais à un groupe de touristes libanais. Un homme d’affaires, en transit, desserre sa cravate. Une jeune fille blonde regrette son short enfilé trop vite, Bangkok ce n’est pas pour demain. Un Asiatique éteint son portable, sa femme remonte ses chaussettes. Un Zimbabwéen, en tongs et Ray Ban, explique à une journaliste que son visa français expirera dans deux heures, et qu’il sera donc officiellement clandestin. Le guitariste gratte deux accords. Un couple de vieux, qui en a vu d’autres, se donne la main. Deux petites filles, longues en jambes, jouent à maison magique sous le regard émerveillé de leurs parents qui n’en reviennent pas de tant de grâce. Dans un coin, une femme en fauteuil roulant patiente le temps que la vie s’écoule.

Qu’on soit d’ici ou là, peu importe, on est tous en transit.

Arielle attend.

À côté d’elle, Mathieu, son mari, concentré sur ses derbys en cuir marron clair, Anilou Mélèze, c’est la dénomination exacte dans le catalogue. Il ne regrettait vraiment pas son choix d’investir deux fois par an dans une belle paire de chaussures, hors de prix certes, mais indémodable et inusable. Elles sont vraiment impeccables, comme neuves. Le vendeur avait insisté, ne pas mégoter sur le cirage, faire un roulement, ne pas les porter deux jours de suite. Peut-être qu’il devrait les faire ressemeler, au bout de huit ans peut-être que… ? Oui, huit ans. Quelques semaines après avoir rencontré Arielle. Elle l’avait accompagné, et ils avaient choisi le modèle et la couleur ensemble. Il allait toujours dans la même boutique, boulevard des Capucines, le vendeur le reconnaissait ou peut-être faisait-il semblant, mais depuis deux ans il allait acheter ses chaussures seul.

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22/09/2016 219 pages 18,90 €
Scannez le code barre 9782207135426
9782207135426
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