#Essais

Marie-Antoinette racontée par ceux qui l'ont connue

Arthur Chevallier

Cette anthologie rassemble exclusivement des textes écrits par des personnes qui ont connu la plus célèbre des reines de France. Les auteurs en sont, entre autres, sa portraitiste officielle, Elisabeth Vigée Le Brun, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de Louis XV, le duc de Choiseul, certaines de ses plus proches amies, comme la princesse de Lamballe, sa femme de chambre madame Campan ou la gouvernante des enfants de France, la duchesse de Tourzel. Ces témoins de première main racontent Marie-Antoinette comme personnage privé tout autant que comme personnage public. Ils révèlent son intimité, sa parole, ses goûts, mais aussi la nature de ses rapports avec le roi, ses enfants, et ses passions amicales comme celle qu'elle a eue pour la duchesse de Polignac. On découvre comment elle a réagi aux scandales qui l'ont touchée, en particulier la fameuse affaire du collier. On aimait la qualifier de reine sotte et indigne du prestige Versailles ? On la voit défendre la monarchie avec courage et habilité. C'est aussi l'occasion de découvrir des anecdotes rarement relatées, comme sa toute première danse dans la Galerie des glaces, après son mariage avec Louis XVI, ou encore son opiniâtreté lors des interrogatoires par les révolutionnaires, avant son procès, à la prison du Temple. Et nous la suivons dans son calvaire jusqu'à la guillotine. Voici Marie-Antoinette charmante et irritante, frivole et appliquée, ingénue et déterminée, souvent naïve, parfois calculatrice, toujours attachante. En annexe, et pour la première fois en volume, on trouvera les deux lettres décryptées en 2016 de Marie-Antoinette à Axel de Fersen : " Je vous aime à la folie et (...) jamais, jamais je ne peux être un moment sans vous adorer ".

Par Arthur Chevallier
Chez Grasset & Fasquelle

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Genre

Histoire de France

PREMIERE PARTIE


Un port de reine

 

 

Portrait de la reine en 1770.

Marie-Antoinette a quinze ans.


J’eus l’honneur de lui être présentée, ainsi que plusieurs autres jeunes filles de qualité. Elle nous reçut avec une simplicité et une bonne grâce qui lui gagnèrent tous nos cœurs, s’informa de nos noms, nous adressa à chacune un mot aimable, et ne nous renvoya qu’après nous avoir fait distribuer de superbes bouquets envoyés par les chambres des Treize et des Quinze, du Sénat et des autres autorités de la ville. J’en ai conservé la plus belle fleur séchée dans un herbier de souvenir, que j’ai donné depuis à la princesse Dorothée.

Madame la dauphine était, à cette époque, grande et bien faite, quoiqu’un peu mince. Elle n’a que très peu changé depuis ; c’est toujours ce même visage allongé et régulier, ce nez aquilin bien que pointu du bout, ce front haut, ces yeux bleus et vifs. Sa bouche, très petite, semblait déjà légèrement dédaigneuse. Elle a la lèvre autrichienne plus prononcée qu’aucun de son illustre maison. Rien ne peut donner une idée de l’éclat de son teint, mêlé, bien à la lettre, de lis et de roses. Ses cheveux, d’un blond cendré, n’avaient alors qu’un petit œil de poudre. Son port de tête, la majesté de sa taille, l’élégance et la grâce de toute sa personne, étaient ce qu’ils sont aujourd’hui. Enfin tout en elle respirait la grandeur de sa race, la douceur et la noblesse de son âme : elle appelait les cœurs.

On avait élevé, pour recevoir l’archiduchesse, un pavillon composé de trois parties dans l’île du Rhin. Je ne sais qui imagina d’y placer cette tapisserie représentant Médée et Jason, avec leurs massacres et leurs querelles de ménage. La princesse en fut frappée, et sa suite autant qu’elle.

« Ah ! dit la jeune dauphine à sa femme de chambre allemande, voyez quel pronostic ! »

On lui retira, comme c’est d’usage, les personnes de sa maison ; elle pleura beaucoup, et les chargea d’une infinité de choses pour l’impératrice, pour les archiduchesses ses sœurs et pour ses amies de Vienne. On l’habilla à la française des superbes atours envoyés de Paris, elle parut mille fois plus charmante. Elle fut logée au palais épiscopal, où le vieux cardinal de Rohan eut l’honneur de la recevoir. M. d’Antigny, comme chef du magistrat (prêteur royal), la reçut lorsqu’elle mit le pied sur le territoire. On se crut obligé de la haranguer en allemand : elle interrompit l’orateur avec une présence d’esprit et un charme incroyables :

« Ne parlez point allemand, messieurs : à dater d’aujourd’hui je n’entends plus d’autre langue que le français. »

L’accent qui accompagnait ces paroles les rendait encore plus touchantes ; tout le monde les a retenues et répétées en ce temps-là. Hélas ! Elles sont bien oubliées maintenant !

 

 

Baronne d’Oberkirch, Mémoires sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789

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02/11/2016 286 pages 9,80 €
Scannez le code barre 9782246862413
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