#Polar

Maudit printemps

Antonio Manzini

Chiara Breguet, héritière d'une riche famille d'industriels du Val d'Aoste, étudiante brillante admirée de ses pairs, n'a plus donné de ses nouvelles depuis plusieurs jours. Persuadé que cette disparition est inquiétante, Rocco Schiavone se lance dans une course contre la montre pour sauver la jeune femme et découvrir ce que dissimule la façade impeccable de ce milieu nanti. Pendant ce temps, la neige tombe sur Aoste en plein mois de mai, et cette météo détraquée ne fait qu'exacerber la mauvaise humeur légendaire de Rocco.

Par Antonio Manzini
Chez Editions Denoël

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Genre

Policiers

Oh-oh, z’ai cru voir un Grominet.

TITI

 

 

Lundi


L’éclair déchira la nuit et immobilisa en un flash photographique la camionnette blanche qui filait à vitesse soutenue de Saint-Vincent vers Aoste.

« Il commence à pleuvoir, dit l’Italien au volant.

— Alors ralentis », répondit celui à l’accent étranger.

D’abord le tonnerre, puis la pluie, qui arriva à seaux sur le pare-brise. L’Italien actionna les essuie-glaces, sans réduire sa vitesse pour autant. Il se contenta d’allumer les phares.

« Le bitume mouille et la route devient savon », dit l’étranger en sortant son portable de la poche de sa veste.

Mais l’Italien ne ralentit pas.

L’étranger déplia une feuille de papier et commença à composer un numéro.

« Mais pourquoi tu mets pas les numéros dans ton répertoire comme tout le monde ?

— Il n’y a pas répertoire. Complètement plein. Et puis occupe-toi tes fesses », répondit-il en composant le numéro.

La camionnette prit un nid-de-poule et les deux hommes sursautèrent.

« Je vais vomir, dit celui à l’accent étranger en portant son téléphone à l’oreille.

— Tu appelles qui ? »

L’autre ne répondit pas. Il entendit un « Allô… C’est qui ? » ensommeillé dans le combiné. Il fit une grimace et raccrocha.

« Trompé », marmonna-t-il en enfonçant nerveusement les touches du vieux téléphone taché de peinture. L’opération terminée, il remit son téléphone dans sa poche et regarda par la fenêtre. La route était pleine de virages, et les panneaux blancs qui avertissaient de l’arrivée d’un tournant apparaissaient au dernier moment. Le moteur déraillé et le pot d’échappement troué produisaient un bruit de ferraille qu’on aurait laissée tomber dans un escalier. À l’arrière, la caisse à outils n’arrêtait pas de glisser d’un côté à l’autre selon l’inclinaison de la camionnette.

« Le déluge universel a commencé, mon ami !

— Je ne suis pas ton ami », répondit l’étranger.

Malgré les phares, la route Saint-Vincent-Aoste était invisible. L’Italien continuait à faire grincer les vitesses et à enfoncer l’accélérateur.

« Pourquoi tu ralentis pas ?

— Parce que l’aube arrive bientôt. Et à l’aube, je veux être à la maison ! Fume une clope et me casse pas les couilles, Slawomir. »

L’étranger se gratta la barbe.

« Je m’appelle pas Slawomir, abruti. Slawomir, c’est polonais, et je suis pas polonais.

— Polonais, serbe, bulgare… pour moi, vous êtes tous pareils.

— Tu es un connard.

— Pourquoi, c’est pas vrai ? Vous êtes tous des merdes. Des voleurs et des gitans. » Puis il ajouta : « T’as peur des virages ? » Il rit entre ses dents. « Hein, gitan ? T’as peur ?

— Non, ce qui me fait peur, c’est que tu conduis mal. Et je suis pas gitan.

— Quoi, t’es énervé ? Quel mal il y a à être gitan ? Pas la peine d’avoir honte… »

Un éclat soudain l’interrompit. La camionnette s’inclina sur le côté.

« Merde ! »

Il tenta de redresser.

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trad. Samuel Sfez
04/05/2017 291 pages 20,90 €
Scannez le code barre 9782207133705
9782207133705
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