#Polar

Les amazones de Pyongyang

Gérard de Villiers

Malko rouvrit les yeux. Son agresseur avait sorti un pistolet de sa poche et il vissa au bout du canon un gros cylindre. La culasse claqua : il venait de faire monter une balle dans le canon. Paisiblement, il ajusta la tête de Malko en train de se relever, la vue encore brouillée.

Par Gérard de Villiers
Chez Gérard de Villiers

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Genre

Policiers

CHAPITRE PREMIER

Le sergent Chan Soon Ho, de garde sur le mirador-pagode aux tuiles multicolores dominant la Freedom House – le bâtiment administratif sud-coréen –, contemplait d’un air absent la ligne invisible, à quelques mètres en contrebas, qui coupait en deux la Corée, depuis l’armistice de 1953. En 1950, la Corée du Nord, sous influence sino-soviétique, avait envahi la Corée du Sud. Après deux ans de combats acharnés et grâce à l’aide des Américains, les troupes nord-coréennes avaient été repoussées sur leurs lignes de départ. Pan Mun Jom était depuis le seul lieu de contact entre le Nord et le Sud.

Le sous-officier sud-coréen détourna les yeux pour consulter sa montre. Onze heures cinquante. Plus que dix minutes avant d’être relevé. Et deux mois avant de retourner à Séoul. Il avait déjà effectué vingt-cinq mois de son service militaire dans la Zone Démilitarisée de Pan Mun Jom et aspirait à retrouver la vie civile.

À Pan Mun Jom, les nerfs étaient mis à rude épreuve. Les glapissements des haut-parleurs nord-coréens installés le long de la ligne de démarcation clamant la gloire de Kim Il Sung1 ne cessaient ni jour ni nuit. La zone démilitarisée était un univers clos, hérissé de barbelés et de mines d’où l’on ne pouvait s’échapper. Le sergent Chan Soon Ho reprit sa veille.

La Corée du Nord commençait à quelques mètres de lui, exactement au milieu des bâtiments bleus aux toits de tôle abritant la «  Military Commission Armistice  ». Derrière le pagodon où il se trouvait, quelques arbustes entourant un grand bassin enjambé par un pont de pierre blanche, le tout pompeusement baptisé «  the Sunken Garden 2  » aménagé afin d’égayer un peu la tristesse des bâtiments administratifs. Ensuite, il n’y avait plus rien que la route menant au Camp Bonifas à trois kilomètres. Un bataillon de troupes américano-coréennes stationnait là, protégeant la «  Joint Security Area  », la zone tampon.

Autour, c’était un no man’s land de mines, de barbelés et de fossés antichars.

Le village de Pan Mun Jom avait été détruit durant la guerre de Corée, bien avant l’armistice de 1953. Il n’en restait qu’une douzaine de familles regroupées dans des maisons préfabriquées, exploitant leurs rizières sous la protection des Casques Bleus. Tenues à se calfeutrer chez elles dès onze heures du soir, elles passaient leurs journées à affirmer aux visiteurs de la «  Joint Security Area  » leur fierté de se trouver aux avant-postes de la Liberté...

Le regard du sergent Chan Soon Ho repéra soudain trois gros oiseaux en train de survoler la Sachon River à moins d’un kilomètre, en Corée du Nord. Il prit ses jumelles pour suivre leur vol. C’étaient des grues de Mandchourie, à la superbe tête écarlate. Se dirigeant vers le sud. Indifférentes à la ligne qui depuis trente-cinq ans coupait la Corée en deux à la hauteur du 38e parallèle... L’une d’elles se détacha de la formation et perdit de l’altitude. En vol plané, elle vint se poser délicatement sur le bord du grand building blanc de deux étages au toit plat qui se dressait à cent mètres devant le sergent Ho, de l’autre côté de l’invisible ligne de démarcation.

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21/04/2016 252 pages 7,95 €
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