« Et de nouveau ça devient sérieux », me disais-je tout à l’heure malgré moi, avant de me mettre en chemin vers ma table où je suis assis maintenant avec l’intention d’apporter une certaine – ou incertaine – clarté à l’histoire de mon ami disparu, le fou de champignons. Et dans le même temps, je me disais malgré moi : « Ce n’est pas possible ! Tout ce sérieux au moment d’aborder et d’écrire une chose qui, quoi qu’il en soit, ne va pas changer la face du monde ; une histoire qui, en préambule (mot qui, pour une fois, est à sa place) à cet essai, m’a fait revenir à l’esprit le titre d’un film italien remontant à plusieurs dizaines d’années, avec Ugo Tognazzi dans le rôle-titre : La Tragédie d’un homme ridicule – pas le film lui-même, juste le titre. »
Pourtant l’histoire de mon ancien ami n’est même pas une tragédie, quant à savoir s’il était ou est quelqu’un de ridicule : voilà déjà une chose qui pour moi n’est pas claire et ne semble pas vouloir s’éclaircir ; et une fois encore malgré moi je dis et j’écris maintenant : « Puissent les choses rester ainsi ! »
Un autre film m’est encore revenu à l’esprit avant que je me mette en chemin vers ma table. Cette fois, ce n’était pas le titre mais l’une des scènes du début, si ce n’est la scène du tout début. Il s’agissait – une fois encore… – d’un western de – bien deviné – John Ford ; et James Stewart, qui joue le célèbre shérif Wyatt Earp, cela semble se passer bien longtemps après ses aventures à Tombstone devenues entre-temps légendaires, est assis au début de l’histoire, désœuvré et songeur comme seul sait l’être James Stewart, sous la véranda de son bureau de shérif à l’abri du soleil du Sud, du Texas ?, ne faisant rien d’autre que de laisser passer le temps, apparemment aussi paisible que résolu, son chapeau à larges bords à moitié ramené sur les yeux, situation à la fois enviable et contagieuse. Mais ensuite, sinon ce ne serait évidemment pas un western, départ pour une nouvelle aventure, plutôt à contrecœur au début et, si je me souviens bien, uniquement motivée par l’appât du gain, et la direction est plutôt celle du Nord que du vaste Ouest. Et pourtant par la suite, surtout à la fin de l’histoire : toujours cette façon évidente d’intervenir, cette attention douce, cette présence d’esprit tranquille et généreuse, comme seul James Stewart, une fois de plus, a su l’exprimer et continue de l’exprimer. Non seulement « Two Rode Together », pour rependre librement le titre du film, le second cavalier étant Richard Widmark : beaucoup plus d’hommes chevauchaient ensemble à la fin, beaucoup, si ce n’est (presque) tous. Pourquoi m’est justement revenu à l’esprit le début de ce film, les jambes allongées et bottées du shérif à la nonchalance contagieuse, qui ne remue même pas le petit doigt, livrant avec aplomb le soi-disant gardien de l’ordre aux rires, oui, libérateurs, avant le départ, oui, pour ma table.
Extraits
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