Le port du masque rendu obligatoire en tous lieux a mis au chômage tous les espions spécialistes de la lecture à distance sur les lèvres. Mais handicape également nos propres relations au quotidien. Manon Berthod, éducatrice pour jeunes enfants et Solène Laferrière, graphiste, ont décidé d’apporter une solution, ludique et pédagogique.
Le 17/11/2020 à 14:25 par Victor De Sepausy
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Publié le :
17/11/2020 à 14:25
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Si les yeux sont le reflet de l’âme, ne plus voir les sourires, les grimaces ou toute autre expression de la bouche devient un problème. D’ailleurs, le problème est réel : en Charente-Maritime, la municipalité de Dompierre-sur-Mer a décidé de distribuer des masques transparents. Ces derniers sont destinés aux adultes qui travaillent avec la petite enfance.
« On a estimé que c’était important pour les enfants de 0 à 3 ans de pouvoir voir le visage des adultes qui prennent soin d’eux. Avec les autres masques, on prive les enfants de plus de la moitié du visage, les enfants ne voient plus les expressions de la bouche, ne voient plus les sourires », indique Marie Devers, adjointe de la mairie à la vie scolaire auprès de France 3. De quoi perturber l’acquisition du langage, de toute évidence.
En attendant la généralisation de ces masques inclusifs et transparents, il nous faudra apprendre à décrypter les visages, à moitié couverts. D’ailleurs, les ingénus qui portent leur masque sous le nez apprendront peut-être à corriger le tir : le masque doit couvrir bouche et appendice nasal… Soit.
Avec le projet de livre Les yeux qui parlent, mis en financement participatif sur Ulule, le succès a été fulgurant.
Le projet initialement déployé en version numérique en mai dernier a été diffusé librement et gratuitement durant 6 mois. Les deux autrices basculent donc vers un format d’autopublication pour transformer le PDF en imprimé.
« L’idée de créer un outil pédagogique, sous forme de livre, lui vient assez rapidement : en ouvrant le dialogue entre l’adulte et l’enfant, en permettant de mettre des mots sur ce geste protecteur, en créant un temps de manipulation, cet outil leur permettra d’avoir des éléments supplémentaires pour déchiffrer les expressions », expliquent-elles.
L’objet sera constitué de papier couché 250 g avec des pages translucides pour démasquer l’expression que le masque dissimule. Le tout monté sur une spirale métallique facilite le passage d’une page à l’autre.
Depuis le 10 novembre, 85 % du projet a été financé — 5796 € sur les 6800 € nécessaires, avec 135 contributeurs au moment où nous mettons l’article en ligne. 17 jours restent pour s’emparer de ce livre en devenir.
Or, si la pandémie qui a pris ses quartiers nous contraint au port inconfortable de l’objet, le port de masque n’est pas une nouveauté pour bien des professions. Au-delà de la crise sanitaire — même si cet après semble difficile à aborder — l’album deviendrait un outil à destination « services pédiatriques des hôpitaux par exemple où les enfants sont confrontés aux masques depuis toujours », notent les autrices.
Et pour ne pas verser dans une infantilisation risquée, elles soulignent qu’en tant qu’outil pédagogique, le livre serait en mesure d’accompagner adolescents ou adultes en situation de handicap.
Les intéressés apporteront leur contribution à cette adresse.
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Marie
18/11/2020 à 08:51
Au lieu de "lire ce que disent nos"...muselières, il faudrait réaliser les méfaits que ce carcan provoque au moins dans deux situations :
- la naissance : le nouveau-né en ouvrant les yeux ne voit ni les yeux ni la bouche de sa Maman, et les spécialistes considèrent que c'est une lacune grandement dommageable pour l'avenir.
- l'école maternelle : comment poursuivre son apprentissage du "parler" sans le mouvement des lèvres, le sourire? Sans noter l'audibilité nécessairement déformée?
Jujube
19/11/2020 à 19:56
Bien sûr, le port du masque limite la connaissance de l'autre et l'oeuvre de Mesdames Manon Berthod et Solène Laferrière ne prétend pas apporter une solution universelle. (Ce qui pourrait paraitre prétentieux, d'ailleurs). Le texte ci-dessus indique clairement son intention et sa portée. Il suffit de bien le lire.
LE remède au mal, LA panacée pour tous n'ont jamais existé...car nous sommes tous différents, qu'on le veuille ou non.
Dévoiler ce qui est caché n'est pas n'est pas une mince affaire. Le camouflage est tout un art. Tant chez les plantes comme les animaux, nos si proches. Dévoiler, c'est aussi prendre un risque: celui de se tromper par exemple ou rendre le sujet voilé tout à coup vulnérable. Mais laissons là cette réflexion et revenons à nos masques.
Ils sont devenus obligatoires: ça énerve! Mais ils nous protègent quand même un peu contre le coronavirus, non? Et peut-être encore mieux si nous les portons correctement. Bien sûr, ils occultent une partie de notre anatomie, mais ne nous invisibilisent pas, quand même! Il nous reste d'ailleurs - comme compagnons - le geste et la parole pour nous identifier, non ? Et puis, nous cesserons un jour de les porter...et remiserons certains pour le carnaval ou la fête; patience donc!
Je félicite les autrices pour leur bel effort d'ouverture sur le monde. Je désire pour elles succès et grande diffusion de leur livre.
Et que se multiplie le nombre de personnes restées optimistes et créatrices, malgré tout, en ce temps triste si difficile.