Avec le temps, Trump se taille une solide réputation de sale type. Plus spécifiquement pour toute créature qui a un cœur et ne paie pas d’impôts. Ainsi, inutile de protéger la nature, les animaux ni rien de tout cela, totalement inutiles aux finances de l’Amérique. Heureusement, la Justice a encore quelques considérations pour le vivant…
Le 14/08/2020 à 11:21 par Victor De Sepausy
Publié le :
14/08/2020 à 11:21
Valerie E. Caproni, juge fédérale à New York, a fait voler en éclat les intentions de l’administration Trump. Cette dernière prévoyait des changements législatifs en matière de protection des volatiles. Et, plus spécifiquement, pour faciliter la vie des sociétés pétrolières : en cas de déversement d’hydrocarbures, elles peuvent entraîner la mort massive d’oiseaux.
Avec les modifications apportées, les entreprises auraient été exemptes de toute responsabilité, dès lors qu’elles démontraient l’accidentalité de leurs actions. En somme, la doctrine du « Je voulais » voire du « Nous ne l’avons pas fait exprès ni intentionnellement » l’aurait emporté.
Il existe cependant une loi, le Migratory Bird Treaty, qui, en matière de protection environnementale, légifère depuis un siècle. Or, elle n’intervient que si les animaux tués sont spécifiquement ciblés par l’action humaine, estime l’administration Trump. Voilà qui arrangeait donc bien les intérêts de l’industrie pétrolière : fin des amendes en série.
En 2010, la société BD, responsable de la marée noire du Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, avait entraîné la mort d’un million d’oiseaux. La révision du texte l’aurait exemptée de toute conséquence économique.
La position de Caproni s’est opposée au ministère de l’Intérieur… en citant To Kill a Mockingbird, de Harper Lee (Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, trad. Isabelle Stoïanov). Inédit, et très inattendu : la littérature fait rarement jurisprudence dans un tribunal.
Voici donc que, devant les avocats du ministère, Caproni assène : « It is not only a sin to kill a mockingbird, it is also a crime. » Ce n’est pas simplement un péché de tuer un oiseau moqueur, c’est également un crime… Et d’ajouter : « Telle est la lettre de la loi depuis un siècle. Mais si le ministère de l’Intérieur arrive à ses fins, de nombreux oiseaux moqueurs et autres oiseaux migrateurs qui ravissent le public et servent à l’écosystème de tout le pays seront tués sans conséquence juridique. »
Sarah Greenberger, responsable de la conservation par intérim de la National Audubon Society (en référence au naturaliste Jean-Jacques Audubon, auteur d’un ouvrage spectaculaire sur les oiseaux d’Amérique), s’en félicite : « Voilà une victoire immense pour les oiseaux, et qui arrive à un moment critique : les scientifiques nous indiquent que nous avons perdu trois milliards d’oiseaux en moins d’une vie humaine, et que les deux tiers des volatiles Nord-Américains sont menacés d’extinction en raison des changements climatiques. »
Faut-il dépénaliser les comportements non-intentionnels, tendance que l’administration Trump dessine depuis quelque temps ? Faut-il s’assurer que Donald ne lira pas que des extraits du livre ou des résumés, pour mieux comprendre la décision ? Admettra-t-il qu’il n’a pas lu le livre, mais qu’assurément Harper Lee est une mauvaise patriote ?
Le sort de 1000 espèces de volatiles vient en tout cas d’être sauvé. Quand on répète que la littérature est une arme…
via Washington Post
illustration : Oiseaux moqueurs, d'après JJ Audubon
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