Houellebecq l'avait toujours assuré: musicalement, il n’avait pas dépassé les années 70. Fort bien. Mais dans Sérotonine, il nous exécute un splendide dérapage incontrôlé. « Une grosse boulette », souligne le lecteur qui, photo à l’appui — et confirmation apportée par la version numérique — montre comment Houellebecq a légèrement perdu le sillon.
Le 06/01/2019 à 10:56 par Nicolas Gary
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06/01/2019 à 10:56
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On retrouve le narrateur du roman avec son ami Aymeric, obsédé par l’équilibre financier de son héritage : un château, pour lequel il est vaguement aidé par les Monuments historiques. Des travaux seraient à prévoir — sa femme les envisage sérieusement — afin d'ouvrir un hôtel, ou peut-être un gite. Une quarantaine de chambres disponibles, cela laisse de quoi voir venir.
Et dans sa collection de cinq mille vinyles, il va choisir, pour accompagner le chablis qu'on glougloute, d’écouter les Pink Floyd. Houellebecq a le nez creux en choisissant l’album : Ummagumma , sorti le 25 novembre 1969 — eh oui, un cinquantième anniversaire en vue. Aymeric choisit la ballade pastorale Grantchester Meadows. Un solo acoustique sobre, interprété par Roger Waters — et quand on dit pastoral, on frisouille le bucolico-virgilien.
« Le disque à vache, c’est de circonstance… », indique Aymeric. Pardon ? Oui, mais non : Ummagumma, c’est une pochette réalisée par Hipgnosis, avec une photo prise dans la maison de la petite amie de Storm Thorgerson — ami photographe. Les quatre membres du groupe y sont représentés, avec David Gilmour assis sur un tabouret. Si vache ici il devait y avoir, elle apparaîtrait probablement rose fushia, et sa placidité sauvage ne serait que l’effet d’un excès de Chablis…
Surtout que la description faite de la chanson est tout à fait juste... Vincent Bélet, gérant de la librairie Payot à La Chaux-de-Fonds (canton de Neuchâtel), qui a relevé la boulette : en réalité, Houellebecq nous la met à l’envers — ou simplement l’éditeur n’avait pas de correcteur assez fin pour trouver l’erreur.
Parce que cette vache « de circonstance » dont parle son personnage, apparaît en réalité sur la pochette de l’album Atom Heart Mother, sorti en octobre également, mais le 2 octobre 1970. Ah là, oui : on voit bien Lulubelle III, de trois quarts arrière, tête vers le photographe. Le cliché par Thorgerson, encore lui, répondait à la volonté du groupe de quelque chose de simple : il avait alors pris sa voiture, roulé dans la campagne et rencontré Lulubelle III…
Une bévue qui prête à sourire : l'erreur est humaine, autant que labour est dans le pré.
Mise à jour 23 janvier : Les éditions Flammarion, alertées par des correcteurs et traducteurs étrangers, qui avaient signalé l’anomalie introduite par Houellebecq, avaient demandé des précisions à l’auteur. Sa réponse est épatante :
« Pour Pink Floyd, je persévère dans l’erreur. Je sais bien que Grantchester Meadows est dans Ummagumma, mais j’aurais préféré qu’il soit dans Atom Heart Mother. Il y a d’autres erreurs (le concert de Deep Purple n’a pas eu lieu à Duisburg, mais dans une autre ville allemande dont le nom me plaît moins). »
Une distorsion, estime-t-il, qui permet le dialogue entre les deux protagonistes, faisant référence au disque « à la vache ».
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8 Commentaires
COLPIN Didier
06/01/2019 à 12:36
En écho aussi à 'Grantchester Meadows' :
2706 DES GUITARES POUR PERCHOIRS…
Une musique aléatoire
Sur un chemin qui ne l’est pas
Vient nous offrir un répertoire
L’étonnement nous tend les bras…
Des mandarins d’un coup de patte
-Experience à la Hendrix-
Dans un réel qui se dilate
Chantent le clair autant que Nyx…
L’instinct les pousse et les dirige
Dormant au nid puis s’envolant
Puis se posant pour un prodige
Où le son va batifolant…
Où le son va dans l’innocence
De ces oiseaux de leurs couleurs
Pour un light-show nu sans défense
Privant de voix les beaux-parleurs…
Dans un émoi qui le déroute
Le spectateur est en 3D
Une splendeur soudain l’envoûte
-Lui qui n’avait rien demandé-…
L’Art est ici tout sauf farouche
Comme un écho d’Ummagumma
De Sysyphus ou de sa mouche
Il s’affranchit de tout format…
L’Art constamment doit nous surprendre
Nous émouvoir -brisant le temps-
C’est un bonheur qu’il sait répandre
Dans des instants tous éclatants…
L’Art est alors aussi céleste
L’oiseau devient un ménestrel
Par la grandeur qu’il manifeste
Il se révèle intemporel…
Fait générateur :
Visite à Nantes en septembre 18 d’une exposition abritant la volière de Céleste Boursier-Mougenot
Nota : Ummagumma est nom du 4° album des Pink Floyd (1969).
Les parties 2 et 3 du titre Sysyphus me sont spontanément venues à l’esprit en visitant cette exposition.
Le vol d’une mouche est intégré au morceau Grantchester meadows.
COLPIN Didier
Aotus
06/01/2019 à 13:42
Bonjour, vous écrivez "Ummugumma, c’est une pochette réalisée par Hipgnosis, avec une photo prise dans la maison de la petite amie de Storm Thorgerson — ami photographe"
Storm Thorgerson n'est pas juste un "ami photographe", mais bien le co-fondateur de Hipgnosis, avec Aubrey Powell, et le concepteur de la plupart des pochettes de Pink Floyd.
Hipgnosis fera aussi des pochettes pour des albums de Genesis (de The lamb lies down jusqu'à And then they were 3), Peter Gabriel, Led Zeppelin, Alan Parsons Project...
Leateuteu
06/01/2019 à 15:50
Grande fan depuis très très longtemps de punk Floyd,j'ai adoré,les explications,et la connaissance du groupe,quand à Houellebecq,no comment,je ne comprends pas la complaisance des éditeurs et lecteurs à son en contre?
Fref
06/01/2019 à 18:16
On pourrait penser qu'il a également confondu Niort avec une autre ville....
Christophe
06/01/2019 à 19:40
Son ghost n'a pas fait gaffe ?
Loïc
07/01/2019 à 11:56
et la description en dessous, c'est pas plutôt "Signs of Life" de l'album Momentary Lapse of reason? il nous a fait un sacré medley pour le coup! LOL
Prout
08/01/2019 à 01:23
Quand on veut faire plus cultivé qu'on ne l'est réelement...
Peter
08/01/2019 à 18:11
Ce que je trouve ahurissant, ce n'est pas tellement Niort ou Pink Floyd, mais que personne ne relève ses injures gratuites envers les gays, qualifiés de pédales et autres gracieusetés. Ces injures méritent des poursuites judiciaires. Qui peut s'en charger?