Chose promise, chose due : le Conseil Permanent des Ecrivains ainsi que l'ensemble des organisations représentatives des auteurs, illustrateurs, dessinateurs, sociétés de gestion et on en passe, et on en oublie, se regrouperont ce 21 mars, lors du Salon du livre de Paris. « Pour la première fois tous les auteurs du livre, tous secteurs éditoriaux confondus et toutes associations syndicats et sociétés qui les représentent, s'unissent pour alerter l'opinion sur leur condition », expliquent-ils.
Le 17/03/2015 à 10:59 par La rédaction
Publié le :
17/03/2015 à 10:59
Réunis pour défendre leurs conditions « de plus en plus fragilisées », les auteurs souhaitent alerter sur la faiblesse de leurs revenus, les réformes sociales et la fragilisation du droit d'auteur en Europe. Une lettre ouverte vient d'être communiquée, et s'inscrit dans la continuité de la mobilisation qui aura lieu le 21 mars, à 15 h.
Ce sera une mobilisation historique, expliquait-on, en fin de semaine passée : « Il y a la fusion de la Maison des Artistes avec l'Agessa, le droit d'auteur, que l'Europe souhaite et s'applique manifestement à émietter... Et en tout premier lieu, la précarité des auteurs, illustrateurs, dessinateurs, écrivains : c'est l'essence même du slogan que nous avons choisi. Sans auteurs, plus de livres. Si les créateurs ne peuvent vivre de leurs œuvres, cela conduira à la fin d'un pan culturel. Ce rassemblent collectif sera une première dans l'industrie du livre, et le Salon donnera l'occasion de porter le message le plus loin possible. »
« Avec le temps, les questions numériques occupent l'esprit et le temps de chacun, et l'on en oublie que le papier se vend le plus, et que les droits d'auteurs sur ces ventes sont toujours aussi faibles », nous rappelait un membre. « Nous nous battons pour avoir une rémunération juste avec les livres numériques pour les auteurs, mais il faut penser avant tout aux ventes papier, qui restent la source de rémunération principale. »
Nous reproduisons ici la lettre ouverte dans son intégralité.
Les auteurs qui souhaitent ajouter leur signature à cette lettre ouverte peuvent envoyer un mail à l'adresse pasdauteurspasdelivres@gmail.com en précisant « nom/prénom, auteur, je signe ».
À ceux qui oublient qu'il faut des auteurs pour faire des livres
Des revenus à la baisse, des réformes sociales préoccupantes, un droit d'auteur fragilisé par la politique européenne... Les auteurs de livres sont clairement en danger. Et à travers eux, c'est la création éditoriale qui est menacée, dans sa liberté et dans sa diversité.
Des revenus dérisoires
À l'auteur la part la plus maigre
En 2015, les deux tiers des auteurs de livres perçoivent pour l'édition imprimée moins de 10% de droits d'auteur sur le prix public de vente des livres. Pire : un auteur sur cinq est rémunéré à un taux inférieur à 5 %. Ni salarié, ni travailleur indépendant, non seulement l'auteur est souvent payé plusieurs années après avoir commencé à écrire, non seulement il ne perçoit ses droits qu'une fois par an, mais en plus, sur l'œuvre qu'il a créée, il reçoit, dans la répartition de la chaîne éditoriale, la part la plus maigre, ceci dans un manque avéré de transparence.
Rappelons-le, la moyenne des droits perçus par l'auteur est d'1 € par livre vendu, à peine le prix d'une baguette. Il est urgent que soit rééquilibré le partage de la valeur au profit des auteurs, sans lesquels évidemment les livres n'existeraient pas. Face à la stagnation du chiffre d'affaires de l'édition, multiplier à l'infini le nombre de nouveautés, est-ce vraiment la meilleure stratégie ? Avec deux cents nouveaux titres publiés par jour (dimanche compris) comment les auteurs peuvent-ils vivre de leur métier ? Comment les libraires peuvent-ils défendre les œuvres ? Comment le lecteur peut-il s'y retrouver ? La surproduction n'est pas la diversité.
Par ailleurs, dans une économie numérique en plein devenir les droits d'auteur ne doivent pas servir de variable d'ajustement. Il est essentiel que les marges dégagées fassent l'objet d'un nouveau partage dont il n'est pas question que l'auteur soit écarté. Il convient a minima que toute baisse de prix de vente soit compensée par une augmentation des taux.
Quelle protection sociale pour les auteurs ?
Pourquoi seul l'auteur ferait-il les frais de toute réforme ?
Le projet actuel de réformes simultanées de la sécurité sociale et de la retraite des auteurs a créé des inquiétudes. Il faut qu'une concertation large et ouverte permette de rassurer les auteurs sur les droits qui en résulteront et de respecter la diversité des activités, des pratiques et des modes de rémunération. Notamment, il importe qu'une réforme d'ensemble des cotisations sociales n'aboutisse pas à une baisse brutale des revenus des auteurs.
Ainsi, la mise en œuvre de la réforme du RAAP devrait se faire progressivement, afin de laisser la possibilité d'en mesurer les effets dans le temps, à la fois sur les revenus des auteurs et sur les droits qu'ils acquièrent. Dans une période transitoire, la possibilité serait ouverte aux auteurs qui le souhaitent de payer une cotisation supplémentaire pour ne pas perdre des droits futurs.
De même, d'autres pistes de financement pour la protection sociale des auteurs de livres doivent être envisagées et étudiées : augmentation de la participation des éditeurs, prélèvement sur les ventes relatives au domaine public du livre et sur le marché du livre d'occasion.
La menace européenne
Une extension alarmante des exceptions au droit d'auteur
Le droit d'auteur constitue le principe essentiel de la protection des œuvres et celui d'une rémunération juste des auteurs. Il est la condition indispensable d'une création libre, indépendante et diversifiée.
Les risques les plus importants d'une déstabilisation de notre législation viennent de l'actuelle orientation des institutions européennes, dont les objectifs sont incompatibles avec les spécificités économiques et culturelles de chaque pays. Les récentes propositions du rapport Reda visant à étendre le nombre ou le périmètre des exceptions et limitations au droit d'auteur sont alarmantes.
La stratégie communautaire devrait au contraire favoriser le développement dans l'univers numérique de nouveaux modèles et de nouveaux usages, qui respectent les légitimes attentes des publics sans toutefois sacrifier le droit d'auteur. L'absence d'interopérabilité technique constitue le véritable frein à la diffusion des œuvres et à leur accès par le plus grand nombre. Nous nous inquiétons de l'absence totale de responsabilité des grands acteurs d'internet face au développement du piratage des livres.
Et l'Europe aggrave la situation en obligeant la France à relever le taux de TVA sur le livre numérique de 5,5 à 20 %, avec des conséquences néfastes pour les lecteurs comme pour les auteurs.
À force de mettre les auteurs en danger, la création est en péril. Pas d'auteurs, pas de livres !
Premiers signataires :
Mohammed Aïssaoui, Béatrice Alemagna, Alfred, Jean-Pierre Andrevon, Christophe Arleston, Gwenaëlle Aubry, Ayerdhal, Gaël Aymon, Ronan Badel, Pénélope Bagieu, Denis Bajram, Philippe Beck, Azouz Begag, François Begaudeau, Fred Bernard, Jean-Philippe Blondel, Marc- Antoine Boidin, Pascal Boille, Jean-François Bourgeon, Elisabeth Brami, Maïa Brami, Colette Camil, Belinda Cannone, Christophe Chabouté, Sorj Chalandon, Jacques Charpentreau, Evelyne Châtelain, Noëlle Châtelet, Sophie Chauveau, Sylvestre Clancier, Philippe Claudel, Catherine Clément, Christian Cler, Jean Contrucci, Céline Curiol, Maurice Cury, Catherine Cusset, Didier Daeninckx, Alain Damasio, Chantal Danjou, Jeanne-A Debats, Cécile Deniard, Pierre Denieuil, Agnès Desarthe, Régine Detambel, Philippe Djian, Simone Douek, Annie Ernaux, Colette Fellous, Jérôme Ferrari, Michèle Fitoussi, Pierrette Fleutiaux, David Foenkinos, Paul Fournel, Irène Frain, Yves Frémion, Mathieu Gabella, Corinna Gepner, Sylvie Germain, Valentine Goby, Guillaume Guéraud, Brigitte Gyr, Nicolas Hénin, Françoise Henry, Joël Houssin, Nancy Huston, Serge Joncour, Maylis de Kerangal, Laurence Kiefé, Nathalie Kuperman, Lola Lafon, Marie-Hélène Lafon, Mathias Lair, Manu Larcenet, Camille Laurens, Ronan Lebreton, Pierre Lemaitre, Emmanuel Lepage, Gilles Leroy, Serge Le Tendre, Laure Limongi, Henri Lœvenbruck, Régis Loisel, Alain Mabanckou, Carole Martinez, Laurent Mauvignier, Moka, François Montmaneix, Jean-Claude Mourlevat, Marie-Aude Murail, Marie N'Diaye, Véronique Olmi, Pascal Ory, Véronique Ovaldé, Benoît Peeters, Olivier Poivre d'Arvor, Claude Pujade-Renaud, Marie Quentrec, Michel Quint, Gwendoline Raisson, Mathieu Riboulet, Pascale Roze, Sapho, Claude Seban, Marie Sellier, Joann Sfar, Mathieu Simonet, Gilbert Sinoué, Joy Sorman, François Taillandier, Olivier Tallec, Laurence Tardieu, Carole Trebor, Lewis Trondheim, Sylvain Vallée, Martin Veyron, Christian Vila, Martin Winckler, Jo
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