Personnels et intersyndicale du Réseau Canopé ont entamé ce mardi 14 janvier une série d'actions pour protester contre ce qui est perçu comme un « démantèlement » annoncé de l'établissement public. Celui-ci exerce une mission d'édition, de production, de développement ainsi que de mise à disposition de ressources et de services éducatifs pour la communauté éducative. Suppression de postes, disparition du maillage territorial et réduction des budgets laissent craindre au personnel une disparition du réseau.
Didier Lacroix, directeur par intérim de Réseau Canopé, a eu droit à un accueil un peu particulier, ce 14 janvier, à Chasseneuil-du-Poitou, qui abrite le siège de l'établissement public. Une partie des personnels et l'intersyndicale (CGT, FSU, Sgen-CFDT, Snptes, UNSA Éducation) avaient préparé un tapis des publications du réseau, qu'il devait symboliquement fouler en entrant dans le bâtiment.
Une mise en scène qui exprime le sentiment des personnels depuis les annonces de la tutelle du Réseau Canopé : la disparition de 47 équivalents temps plein travaillé (ETPT), pour passer de 1425 à 1378 ETPT d'ici la fin 2020. Doublé d'une baisse d'un peu plus de 3 millions € sur la subvention de 90 millions € dont il bénéficie.
Pour les départs, la direction entend placer la priorité « sur les fins de détachements, en les anticipant parfois » et sur les départs volontaires en regard de la situation de Réseau Canopé. « L'idée est de ne pas mettre fin à des contrats de façon brutale », indique-t-on.
Une autre annonce de la tutelle préoccupe aussi les personnels : « Le 18 décembre, un conseil d'administration annonce la disparition des 101 ateliers départementaux du réseau, qui seront reversés aux rectorats pour le 1er janvier 2021 », explique ainsi Nadège Gohier, porte-parole des personnels du Réseau Canopé.
Né du Centre national de documentation pédagogique (CNDP), le Réseau Canopé, sous la tutelle de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), assure des missions qui vont de l'édition de revues et contenus pédagogiques à l'accompagnement des enseignants, en passant par la création d'outils destinés aux professionnels de l'éducation. Le tout avec une attention particulière portée au numérique dans l'éducation.
Outre le siège, à Chasseneuil-du-Poitou, le Réseau Canopé dispose de directions régionales, correspondant aux différentes académies, et d'ateliers départementaux. « Des lieux de proximité, d'animation, de formation, d'emprunts ou d'achats de livres, de test des nouvelles technologies », explique un habitué. Ces ateliers permettent surtout aux acteurs du système éducatif de rester en lien avec le réseau, qui met en avant une logique de co-construction des ressources.
Un service public de proximité qui risquerait de disparaitre avec la suppression des ateliers d'ici 2021, dénoncent syndicats et personnel. « Depuis 2015, nous avons entamé une refondation de Réseau Canopé, où l'objectif était de mutualiser les moyens : nous avons construit l'ensemble de nos productions avec le réseau, avec une répartition des activités. En d'autres termes, nous avons besoin des territoires pour travailler ensemble », souligne Nadège Gohier.
En mode résistance! Non au démantèlement! pic.twitter.com/Pc0F0ItavP
— Réseau Canopé en Danger (@RCenDanger) January 14, 2020
La direction du Réseau Canopé évoque un « rattachement administratif » de ces ateliers aux rectorats, et non une suppression : « Le souhait de la tutelle est d'en faire un outil de proximité supplémentaire, qui soit au service de la formation exclusive des enseignants », précise-t-elle. « Nous allons continuer à alimenter ces lieux en production, ressources et services, mais chaque rectorat utilisera ces ateliers comme il l'entend : certains en diminueront la portée, d'autres non. Déjà, aujourd'hui, nous ne sommes pas déconnectés des rectorats », précise-t-elle.
Cependant, la mobilisation des personnels dénonce, outre les grandes lignes de ce projet, une absence de communication : « Nous ne comprenons pas le bien-fondé de cette décision, nous n'avons pas de calendrier, pas de contenu, nous avons l'impression d'une amputation sauvage », explique Nadège Gohier.
Le budget défini pour 2020, qui ne couvrirait que les dépenses liées au personnel, ne permettrait aucune amorce de nouveaux projets, selon l'intersyndicale et les mobilisés. La direction, elle, met en avant la hausse des ressources propres de l'établissement public, grâce à la vente de revues, livres, abonnements et autres formations payantes. Le chiffre d'affaires de 115 millions € a ainsi vu sa partie commerciale en hausse de 7 % sur l'année 2018.
Si la communication avec le personnel reste minimale pour le moment, la DGESCO, tutelle du Réseau Canopé, ignore en tout cas les dernières observations du Sénat sur les opérateurs de la mission « Enseignement scolaire ». Dans ce rapport qui porte sur le projet de loi de finances pour 2020, les sénateurs soulignent que la création du Réseau Canopé en 2014 a permis de rationaliser l'organisation du service public numérique pour l'éducation, très sévèrement critiquée à l'époque par la Cour des Comptes.
« La création du réseau Canopé par décret du 26 décembre 2014 a constitué la réponse du Gouvernement à cette critique. Ainsi que la Cour le note dans son rapport thématique de juillet 2019, le réseau Canopé est devenu aujourd'hui un acteur clé du service numérique éducatif », notent les sénateurs. « Davantage qu'une réduction des moyens du réseau Canopé, c'est une clarification de la stratégie numérique de l'État dans le secteur éducatif qui parait aujourd'hui nécessaire », poursuivent-ils.
Avant de conclure que « l'opérateur-pivot » Réseau Canopé devrait être renforcé.
La direction donnée pour les prochains mois du Réseau Canopé pousse donc un peu plus les personnels vers la mobilisation, renforcée par l'arrivée de Didier Lacroix, directeur par intérim. Ce dernier a récemment mené une autre restructuration, celle de l'éditeur qu'est l'ONISEP, Office national d'information sur les enseignements et les professions, que les syndicats qualifient plus volontiers de « démantèlement ».
Soutien aux personnels du réseau Canopé. #CanopéSOS@RCenDanger@cgt_educ@PresseFSU@SgenCFDT@SNPTES@UNSA_Educationpic.twitter.com/ebSuBWnkSz
— Fidel Navamuel (@outilstice) December 19, 2019
Les annonces de la tutelle laissent certains penser qu'à terme, le Réseau Canopé pourrait perdre son identité et se retrouver intégré à la DGESCO, ou bien devenir un Réseau Canopé cantonné à la numérisation de documents, sans projet vis-à-vis du numérique éducatif – sujet qui n'emballerait pas le ministère de Jean-Michel Blanquer. D'autres parlent d'une fusion ou d'un rapprochement avec le CNED, Centre national d'enseignement à distance, notamment évoquée par le président de Grand Poitiers, Alain Claeys.
Car la feuille de route pour l'instant tracée par la direction met l'accent sur la formation, pour répondre « aux difficultés observées dans la formation continue des enseignants » : l'organisation territoriale nouvelle, avec le passage des ateliers aux rectorats, en serait l'expression.
La rencontre avec le personnel, ce 14 janvier, n'a en tout cas pas porté ses fruits : « Il nous a écoutés, longuement, mais n'a répondu clairement à aucune question », rapporte Nadège Gohier. Le 27 janvier, une rencontre des représentants du personnel avec Édouard Geffray, le directeur de la DGESCO, en présence de Didier Lacroix, devrait être l'occasion de relancer le dialogue.
3 Commentaires
duval
17/01/2020 à 13:30
Quand les enseignants eux-mêmes ignorent qu’on écrit « la canopée »... à moins qu’ils ne confondent avec « le canapé », mais Réseau Canapé, ça fait un peu bizarre pour des profs !
coucou
21/01/2020 à 11:56
Canopé est un acronyme et non le nom commun canopée, ceci explique cela !
Lol
30/01/2020 à 11:34
Le Réseau Canopé n'a jamais été un acronyme.
Jamais.
Pour une fois.