Fait connu et malheureusement avéré, les artistes, en particulier dans le secteur de l'édition, voient leurs revenus diminuer. Des députés de La France insoumise ont déposé à l'Assemblée une proposition de loi visant à l’institution d’un fonds de soutien à la création artistique. Délivrant des aides ponctuelles à la création ainsi qu'un droit au soutien à la création, ce fonds serait alimenté par un prélèvement sur les utilisations commerciales du domaine public.
Le 9 janvier dernier, à l'Assemblée nationale, une quinzaine de députés de La France insoumise a déposé une proposition de loi visant à l'institution d'un fonds de soutien à la création artistique « dans des disciplines relevant des arts plastiques, graphiques et visuels, des arts cinématographiques, audiovisuels et photographiques, de la littérature et de l’illustration ». Ce fonds viendrait contribuer « au développement de l’activité des artistes auteurs par l’attribution d’aides ponctuelles à la création et par la mise en œuvre d’un droit au soutien à la création ».
Toute personne dont les revenus sont inférieurs à un seuil déterminé par un décret et dont l'activité artistique constitue l'activité principale pourrait soumettre un projet au conseil chargé de l'administration du fonds, pour obtenir une aide.
Le fonds serait alimenté, explique la proposition de loi, par un prélèvement obligatoire, à hauteur de 1 %, sur les bénéfices « tirés de l’utilisation commerciale et à but lucratif d’une œuvre ne faisant plus l’objet d’une protection au titre du droit d’exploitation reconnu à l’auteur ou à ses ayants droit ». Par exemple, la réédition d'une pièce de Molière par une maison d'édition, vendue en librairie, serait soumise à ce prélèvement. À l'inverse, « l’utilisation gratuite et libre des œuvres non soumises aux droits d’auteurs » ne sera pas concernée par ce prélèvement.
Lors de la campagne pour l'élection présidentielle, en 2017, Jean-Luc Mélenchon, alors candidat, avait présenté un projet similaire dans son programme. Il proposait à l'époque de financer la retraite des auteurs à l'aide de ce fonds : « [L]orsqu’on aura passé le délai, 30 ans, 40 ans, 70 ans d’après l’Union européenne, qui veut à tout prix que les éditeurs puissent, quelle que soit l’édition, ramasser le plus longtemps possible, le plus possible. Eh bien, on mettrait les mêmes droits qu’avant, ou un peu moins, et ces droits seraient versés à une caisse qui alimenterait la cotisation sociale des créateurs. Cela s’appelle socialiser le domaine public de la création. »
Le candidat faisait alors référence à une idée de Victor Hugo, et citait ce dernier : « L’héritier du sang est l’héritier du sang. L’écrivain, en tant qu’écrivain, n’a qu’un héritier, c’est l’héritier de l’esprit, c’est l’esprit humain, c’est le domaine public. Voilà la vérité absolue. »
En 2014, Marie Sellier, présidente de la Société des Gens de Lettres, avait elle aussi évoqué l'idée pour financer la retraite des auteurs. Une proposition récurrente, donc, qui ne s'est jamais concrétisée : il faut dire que les ventes de textes entrés dans le domaine public sont particulièrement rentables pour les éditeurs, qui ne versent aucun droit tout en profitant des ventes liées à la présence de ces titres dans les programmes scolaires, par exemple.
photo d'illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0
4 Commentaires
Thoral Rul
16/01/2019 à 02:14
Mouais si la taxe concerne uniquement les éditeurs qui se font du fric avec du "gratuit", why not
Mais c'est NO Thank You pour une taxe sur les téléchargements de ces livres en numérique.
Aster Maris
16/01/2019 à 11:24
Merci pour cet article :)
C'est une bonne idée pour soutenir la création artistique ! :) Après, que le titre soit exploité 70 ans avant d'entrer dans le domaine public, ça fait un peu beaucoup. Surtout qu'en soi, les ayant-droits touchent le pourcentage de l'auteur décédé pendant tout ce temps… il serait judicieux d'envisager un versement de ce pourcentage pour aider les auteurs encore vivants, et ce avant l'entrée dans le domaine public.
Monte Cristo
16/01/2019 à 12:26
AH ben oui, une nouvelle taxe, quelle bonne idée, ca manquait :-) Et ce fonds serait géré par toute une équipe de direction, beau bâtiment, voitures de fonction etc. Le grand concours de la créativité fiscale est toujours ouvert ! Le système fiscal français comporte 214 taxes et impôts différents, alors une de plus...
Beaufreton Jean-Patrick
18/01/2019 à 07:33
Notre association, la Piterne, recherche les auteurs nés en Normandie et oubliés dans le domaine public : on a édité 2 Malot, 1 Flaubert et 1 Maupassant sur 100 titres publiés depuis 4 ans.
Les livres numériques diffusés par Immatériel nous rapportent une centaine d'euros par an, ce qui finance le site Internet qui présente notre activité.
Taxer ce loisir aurait deux conséquences :
- le coulage de l'association, ou plutôt nous cesserions cette résurrection d'auteurs méconnus
- le retour à l'oubli dans les fonds locaux de bibliothèques (où on trouve des ouvrages avec les papiers non tranchés) ; chez les bouquinistes (certains nous les bradent pour gagner de la place) ; dans les vide-greniers (où on nous implore parfois de prendre les auteurs des autres régions).
Je ne dis pas que la situation des auteurs contemporains est rose, mais les solutions toutes faites sont à mesurer : l'enfer est pavé de bonnes intentions.