Allier la liberté qu'accorde le financement participatif aux auteurs et la professionnalisation du monde de l'édition, c'est l'objectif de la maison d'édition Le cercle de Fred. Le cercle de Fred est un projet éditorial créé par Delphine Rengot et Medhi Rahou, qui ont respectivement des expériences dans l'édition et dans la finance. Le concept de ce nouveau système d'édition s'inspire des pratiques de crowdfunding, aujourd'hui largement généralisées.
Le 10/04/2015 à 09:05 par Cécile Mazin
Publié le :
10/04/2015 à 09:05
Page d'accueil du site Le cercle de Fred
L'idée du cercle de Fred est de concilier la liberté qu'octroie l'autoédition couplée à une approche collaborative, avec les qualités professionnelles d'un éditeur, qui manquent aux plateformes de crowdfunding.
Qualité des ouvrages, travail sur les manuscrits, gestion des ventes, distribution : « Nous avons analysé les préoccupations du milieu de l'édition et envisagé ce qu'il était possible de faire », explique Delphine Rengot, fondatrice et directrice éditoriale du cercle de Fred. Parmi les écueils pointés, la liberté des auteurs et leur rétribution, très basse en regard de leur investissement.
Trois personnes travaillent officiellement au projet : les deux fondateurs ainsi qu'un développeur, qui prend en charge la plateforme de crowdfunding et s'occupe de « l'adapter à notre secteur particulier », note Delphine Rengot. D'autres intervenants extérieurs – bénévoles – conseillent l'équipe au niveau du référencement, dans le choix des auteurs, faisant office d'agents littéraires, etc.
Les écrivains intéressés par les services de Fred soumettent alors leurs manuscrits, et il revient aux lecteurs de choisir la somme qu'ils investiront. Si la campagne atteint son objectif, les internautes seront rétribués à la hauteur de leur investissement donc, très classiquement. Dans un effort de sélection qualitative, Le Cercle de Fred effectue une présélection parmi les ouvrages – bien que tous les genres soient éligibles.
Tout au long du processus, ces éditeurs 2.0 échangent avec l'auteur, et définissent, au cas par cas, les objectifs de tirage, selon certaines caractéristiques dont découlent les coûts de production, comme la qualité du papier, la couverture, couleur ou non... Si la campagne réussit, la commercialisation se met alors en ordre de marche. En cas d'échec, l'internaute est remboursé, et on range la bouteille de champagne.
Parvenir à une interface complète
Jongler entre crowdfunding et édition traditionnelle professionnelle représentait « un équilibre qui nous a plu à tous les deux », explique Delphine Rengot. « À la différence de MyMajorCompany par exemple, où l'auteur fait lui-même sa levée de fonds, démarche les imprimeurs, est seul face à son projet, il y a tout un travail éditorial derrière. On a repris le modèle de contrepartie contre don, mais on est vraiment et avant tout une maison d'édition. [...] on propose un accompagnement post-financement, on va chercher à promouvoir l'auteur en tant qu'ambassadeur du cercle de Fred, associer l'auteur à cette publication, et lui proposer un vrai suivi de carrière ».
La maison d'édition s'appuie sur une logique de distribution classique et fonctionne sur une base de stock « on fait du stock, et à partir de ce stock on diffuse en librairie, en version papier et numérique ».
« Notre site, en plus de son espace de crowdfunding où les lecteurs pourront investir dans les projets qu'ils aiment, sera doté d'une librairie où ils pourront commander le livre papier comme numérique. Nous serons de même présents sur les plateformes de vente d'e-books. Ainsi, dans notre phase de lancement, car je le rappelle, nous sommes une start-up en cours de création, nous allons opérer la distribution via Internet grâce à un système gratuit de livraison à domicile.
Par la suite, passée notre phase de lancement et une fois notre prime communication faite, nos ouvrages seront référencés dans toutes les principales bases de données du livre, afin d'être rendus visibles auprès des librairies physiques. Ainsi, un réseau de distribution classique, pour lequel nous sommes encore en cours de discussion, sera mis en place. Suite à notre présence au Salon du Livre, nous avons pu échanger avec quelques libraires (libraires indépendants comme grandes chaînes) qui ont d'ores et déjà exprimé leur intérêt pour notre concept.
Il faut comprendre que les campagnes de crowdfunding ont aussi un impact évident sur la diffusion elle-même : chaque campagne peut être vue comme une prépublicité pour l'ouvrage. Ainsi les lecteurs ayant investi dans le projet, seront des ambassadeurs du livre finalement publiés. L'effet de bouche à oreille non négligeable offrira de fait aux ouvrages du cercle de Fred une visibilité bien plus importante que celle dont peuvent jouir bon nombre de livres nouvellement publiés. »
Liberté de droit, et rétribution plus importante
Si certains auteurs se montrent d'après Delphine Rengot effrayés par ce système à mi-chemin entre autoédition et édition classique, Le cercle de Fred a déjà reçu une dizaine de projets après son appel à textes lancé il y a un peu plus d'une semaine et demie : « les auteurs ont compris ce qu'on proposait, qu'il y avait une place laissée aux projets un peu originaux qui trouvent difficilement preneurs chez les éditeurs classiques. [Ils] ne peuvent prendre que difficilement de gros risques, un éditeur aura tendance à aller vers un projet plus sécurisant qu'original ». Dans le cadre du crowdfunding, c'est le lecteur qui prend la majorité des risques, ce qui permet au cercle de Fred de s'éloigner du modèle de base de rétribution des auteurs par les éditeurs classiques, de 4 à 10 %, et de « rétribuer de trois à quatre fois plus les auteurs ».
Quant aux droits d'auteurs, l'auteur a la liberté de conserver son bien de propriété sur son œuvre, ou de le léguer au cercle de Fred, pour faciliter par exemple la réédition, ou dans le cas d'une adaptation ou d'une suite. « S'ils veulent la sécurité d'un gestionnaire, on peut adapter le contrat pour avoir les droits, mais la liberté est laissée à l'auteur de garder ou de léguer ses droits ».
Une orientation communautaire, type réseau social
« En raison de notre côté crowdfunding et de notre côté édition, deux secteurs où les échanges sont essentiels, la composante communautaire a été une évidence pour nous et je dois avouer que nous avons rapidement eu énormément d'idées pour créer et porter celle du cercle de Fred. De fait, ce n'est que dans la phase de validation de nos idées que nous avons cherché à analyser ce qui se faisait ailleurs. Étonnement, nous nous sommes davantage retrouvés dans le fonctionnement de Babelio que des autres plateformes de crowdfunding dédiées à l'édition. Ces dernières ont toutes compris l'intérêt d'être très présentes et en échanges sur et avec les réseaux sociaux, ainsi que celui d'avoir un espace de commentaires, mais nous avons pour objectif à plus long terme d'aller au-delà. Comme Babelio, nous espérons que nos utilisateurs, plus que donner leurs opinions des autres, parlent entre eux.
Comme je le disais, des idées, nous en avons énormément et nous souhaitons faire grandir notre plateforme avec ses utilisateurs. Beaucoup de fonctions communautaires sont déjà imaginées et ne seront lancées qu'en consultation avec les inscrits. Notre start-up, en ce sens, elle-même sera participative. Loin de nous l'idée de faire de la politique, mais pour nous, “c'est l'humain d'abord !”, tant dans notre concept que dans notre manière de la gérer.
Le nom de notre maison même est teinté de cette volonté : si nous avons choisi le prénom Fred, c'est en opposition avec les maisons d'édition historiques, portant bien souvent le nom de leur créateur : Hachette, Gallimard, Laffont… Ce n'est en aucun cas le nom d'un membre de notre équipe qui a été choisi, mais un prénom simple, non-genré, intergénérationnel, dans lequel tout le monde peut se reconnaître. »
Emporté par la foule...
Le Cercle de Fred n'ira pas sans rappeler, par son fonctionnement et ses projets, d'autres initiatives qui ont fleuri, et, pour certaines, échouer devant leurs ambitions. On pensera notamment à Sandawe, dédiée à la bande dessinée, apparue en novembre 2009, et qui poursuit son travail tant éditorial que dans la levée de fonds. Une longévité qui n'a pas été celle d'un autre acteur, Manolosanctis. Également dédié à la BD, qui avait clôt ses activités en janvier 2012.
Mentionnons également le projet monté en partenariat entre MyMajorCompagny et les éditions XO. Cette initiative débutée en mai 2010 s'était arrêtée en 2012, faute de rentabilité – et certainement à un modèle trop contraignant.
Le crowdfunding n'est pas toujours un gage de réussite.
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