Prenant pleinement conscience des abus et des violences qui sévissent aussi dans le secteur éditorial, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) et l’Union des écrivaines et des écrivains du Québec (UNEQ) proposent une liste d’actions et de ressources pour combattre le harcèlement sous toutes ses formes.
Le 15/07/2020 à 13:05 par Gariépy Raphaël
Publié le :
15/07/2020 à 13:05
Le milieu éditorial québécois a récemment été ébranlé par une série de témoignages qui mettent en lumière les problèmes de harcèlement au travail. Le procès de l'éditeur Michel Brûlé avait déjà provoqué des remous en février dernier et ce n’est pas la première fois que l’ambiance toxique qui règne parfois dans certains bureaux était dénoncée : « Déjà, à compter de 2017, le mouvement #metoo/#moiaussi a révélé que le milieu du livre n’était pas à l’abri des rapports de pouvoir qui rendent possibles des comportements d’abus de toutes sortes », affirme ainsi Arnaud Foulon, président de l’ANEL.
L’association s’était rapidement mobilisée à époque, et décidait de mettre en place un comité de réflexion et sur le harcèlement pour mieux comprendre saisir l’ampleur de la situation et trouver des solutions. Pour faire face à cette nouvelle vague, l’ANEL s’est réunie en urgence ce lundi et a choisi de relancer l’initiative.
De son côté de l’Union des écrivaines et des écrivains du Québec a vu le nombre de plaintes exploser et se met également sur le pied de guerre. L’association propose notamment dès aujourd'hui une session de formation en ligne sur le harcèlement, par l’entremise de la clinique juridique Juripop.
Pour Laurent Dubois, le directeur général de l’UNEQ, les problèmes de violence au travail ne concernent pas seulement le milieu éditorial, mais toutes les relations de domination qui peuvent exister au sein de la chaine du livre. Comme il le souligne auprès du Devoir la relation de pouvoir que l’éditeur peut parfois exercer sur l’auteur s'avère problématique.
« Il y a deux dimensions dans notre action », explique-t-il. « À court terme, c’est d’accompagner les victimes dans des actions ciblées selon leurs besoins. Et à long terme, il faut vraiment que le milieu du livre se pose des questions sur sa manière de fonctionner, de concevoir les relations professionnelles, et qu’il essaie de restructurer et d’équilibrer les rapports de force. »
Un groupe de 300 autrices et actrices de la chaîne du livre s’est formé pour échanger à propos de cas d'agressions sexuelles ou de harcèlement que beaucoup ont pu subir. Une liste de noms d’agresseurs présumés existe aujourd’hui, mais les associations ne sont pour l’instant pas favorables à sa mise en circulation et tentent de structurer la réflexion afin de répondre à la crise.
Depuis trois ans un travail de sensibilisation est réalisé auprès des éditeurs en faveur d’un environnement de travail sain et respectueux, exempt de violence. Des outils ont déjà été mis en place comme la plateforme de formation numérique Unefoisdetrop.ca, réalisée par l’Inis, pour prévenir le harcèlement dans le milieu culturel ou le site Milieuxdetravailartsrespectueux.ca du Conseil des ressources humaines du secteur culturel. Mais cela ne semble pas suffire.
Dans un communiqué datant du 14 juillet, l'ANEL réaffirme son attachement au combat contre le harcèlement et propose une série de mesures pour assainir le milieu éditorial :
À l’écoute du milieu du livre, les membres du comité veilleront notamment à préciser la position de l’ANEL contre le harcèlement dans son Code d’éthique et à favoriser les échanges sur tous les aspects liés à ce sujet. Le comité formulera des recommandations au conseil d’administration.
L’ANEL fera du harcèlement et des abus un des sujets de son assemblée générale, le 10 septembre prochain, afin de sensibiliser davantage ses membres et de proposer des actions concrètes.
L’ANEL rappelle aux éditeurs l’importance d’être à l’écoute et de se doter d’une politique contre le harcèlement, tel qu’il est déjà exigé auprès des bénéficiaires du Conseil des arts du Canada.
L’ANEL encourage les victimes à avoir recours aux services d’organismes comme L’Aparté , une ressource contre le harcèlement et les violences au sein du milieu culturel et, pour toute urgence (24 h/24 h), la ligne-ressource provinciale pour les victimes d’agression sexuelle.
Les défis auxquels vont devoir faire face les associations sont de taille. Comme le rappelle Laurent Dubois à La Presse le milieu de la littérature est structuré de façon à permettre certains abus : « Il n’y a pas de contrat de travail, pas de convention collective qui encadre les relations professionnelles, pas de recours limpide. Alors une écrivaine qui parle sur la place publique aujourd’hui, elle n’a pas de protection. »
Et à Arnaud Foulon de conclure : « L’éditeur a toujours eu un rôle d’éducation au sein de la société. Au fil des années, il a combattu la censure, les abus, les inégalités et a encouragé la liberté d’expression. Ce rôle doit aujourd’hui continuer, en solidarité avec les victimes, et pour changer les comportements inadmissibles. »
Crédit photo : Jedediah Laub Klein CC BY-ND 2.0
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