Suivant l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne, que France Hollande a évoqué ce 16 novembre, la France serait en droit de demander de l’aide aux autres pays européens. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, a par ailleurs communiqué avec ses confrères européens sur ce point. En vertu de l’article, une solidarité doit s’installer entre les États, en cas d’« agression armée » sur le territoire de l’un d’entre eux.
Le 19/11/2015 à 16:27 par Nicolas Gary
Publié le :
19/11/2015 à 16:27
Michel Houellebecq - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
En Italie, le Premier ministre Matteo Renzi a assuré à la France « une disponibilité maximale », tout en excluant formellement une intervention en Syrie. « Nous devons agir avec retenue », assure-t-il. « Je suis prudent pour diverses raisons quand on en vient à parler de guerre. » Ces déclarations semblent ainsi refuser, poliment, l’aide demandée par Jean-Yves Le Drian aux pays de l’Union.
« La France souhaite demander à ses partenaires européens leur appui — à titre bilatéral — dans la mesure de leurs moyens, dans la lutte contre Daech (acronyme arabe de l’EI) en Irak et en Syrie, et une participation militaire accrue de la part des États membres dans les théâtres d’opérations où la France est déployée », expliquait le ministre de la Défense, cité par l’AFP.
En l’état, donc, le Premier ministre italien, et sa ministre de la Défense, Roberta Pinotti, restent mesurés, et, surtout, envisagent clairement qu'aucune action ne pourra se faire sans un renforcement des relations avec la Russie. « Il faut rester calme et ne pas réagir instinctivement », assure Matteo Renzi. (via Tiscali)
Houellebecq : "J'accuse..." et je pourfends
Pourtant, depuis l’Italie, une autre intervention est venue mettre du plomb dans les déclarations du président Frnaçois Hollande. Un certain Michel Houellebecq, auteur du roman Soumission, a publié une tribune dans Il Corriere della Sera (traduite du français par Rita Baldassarre), pour littéralement « accuse[r] François Hollande et défendre les Français ». Selon lui, les attentats du 13 novembre relèvent d’une responsabilité politique... qui n’a pas été assumée ni correctement prise.
« Dans la foulée des attentats du 7 janvier, j’ai passé deux jours collé aux informations télévisées, sans parvenir à détourner le regard. Au lendemain des attentats du 13 novembre, je ne crois pas avoir même allumé mon poste de télévision », démarre Michel Houellebecq. « Je me suis contenté d’appeler des amis et des connaissances qui habitent dans les quartiers touchés. Nous nous habituons à tout, même aux attentats. »
Houellebecq est d’autant plus marqué que la sortie de son roman, Soumission, intervenait le jour même des attentats survenus à la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier dernier. Le matin, il était intervenu sur France Inter, et une heure plus tard, la tuerie commençait.
« En 1986, Paris fut frappée par une série d’attaques à la bombe, dans différents lieux publics [...]. Il y eut quatre ou cinq attaques en quelques jours [...] Ce dont je me souviens parfaitement bien, c’était l’atmosphère qui a été insufflée dans le métro, les jours suivants. Le silence dans les couloirs souterrains était total, et les passagers parcouraient les couloirs les yeux remplis de méfiance. »
François Hollande - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
"Opportuniste insignifiant", "retardé congénital" : n'en jetez plus
Et le romancier d’entamer une danse funèbre autour des personnalités politiques : « Il est hautement improbable que l’opportuniste insignifiant qui occupe le poste de chef de l’État, de même que le retardé congénital qui occupe les fonctions de Premier ministre, pour ne pas parler des “ténors de l’opposition” (LOL) sortent avec les honneurs de cet examen [de leurs responsabilités]. »
Houellebecq n’en démord pas : il accuse également ceux qui ont fait croire que les frontières étaient une notion appartenant au passé, « un symbole de nationalisme passé et nauséabond ». Il dénonce les opérations militaires « absurdes et coûteuses » qui se déroulèrent en Irak et en Libye. Au point que Dominique de Villepin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac, entrerait dans l’histoire pour avoir empêché le pays de prendre part à une intervention militaire.
Funeste, grave, sombre, Houellebecq n’oublie pas les réductions d’effectifs de police, qui ont rendu les forces de l’ordre incapables de mener à bien leur mission. Au cours de la dernière décennie, des vingt ou trente dernières années, de fait, « les gouvernements [...] ont lamentablement échoué, systématiquement, lourdement, dans leur mission fondamentale, à savoir protéger le peuple français dont on leur a confié la responsabilité ».
Et de conclure : « Vous pourriez multiplier à l’infini les exemples de gouffres – aujourd’hui catastrophiques – qui se sont creusés entre les citoyens et ceux qui devaient les représenter. Le discrédit, qui frappe aujourd’hui en France l’ensemble de la classe politique, est non seulement est répandu, mais aussi légitime. Il me semble que l’unique solution que nous aurions serait d’aller lentement vers la seule forme de démocratie réelle, et, par là, je veux dire la démocratie directe. »
Démocratie directe, ou l'utopie politique à portée de main
Cette démocratie directe, Houellebecq l’avait déjà évoquée dans les colonnes du Monde : elle consiste à supprimer le Parlement. « À mon avis, le président de la République doit être élu à vie, mais instantanément révocable sur simple référendum d’initiative populaire. »
Armel le Coz, CC BY 2.0
Or, cette notion est avant tout défendue, comme le notait que quotidien, par des partis politiques plutôt orientés extrême-droite, que ce soit en France ou dans le reste de l’Europe. « Le référendum d’initiative populaire serait inscrit dans la Constitution et les conditions de son organisation seraient allégées afin de permettre un réel exercice de la démocratie directe », propose ainsi le Front national.
De fait, l’idée de démocratie directe est issue de deux fondements politiques, tant d’extrême-gauche, que d’extrême-droite. La première repose sur l’idée qu’il faut laisser la base s’exprimer, et qu’elle parviendra, par autogestion, et en supprimant tout État, à régler ses problèmes. L’autre sous-entend plutôt qu’un être politique au-dessus de la foule, s’étant imposé par une autorité X ou Y, dominera un pays. Et qu’au quotidien, les gens s’organiseront, sous sa bienveillante autorité.
Dans les deux cas, les modalités de mise en marche sont souvent passées sous silence. En cette période de crise de la démocratie, le retour de cette idée – et actuellement 75 % des Français considèrent que la démocratie est en crise – est tout à fait compréhensible.
Houellebecq renvoie donc à un idéal poltique, où le monde se gouvernerait mieux sans dirigeants. Mais on pourrait lui opposer que le modèle belge, qui a tourné sans gouvernement durant 18 mois, semble être aujourd’hui, à travers la ville de Molenbeek, « une plaque tournante des djihadistes en Occident » et le reste du pays par extension. C’est du moins ce que note Claude Moniquet, codirecteur de l’European strategic Intelligence and Security Center : « La Belgique est une plaque tournante, un vivier du terrorisme islamiste, mais ce n’est pas le seul en Europe. » (via L'Obs)
« En apparence, le système administratif belge a tourné tout seul, mais sans l’impulsion politique qui pousse l’opérationnel dans un État », nous précise un analyste politique, pour qui relancer l'idée d'une démocratie directe relève de « l'utopie un peu simplette, qui avait notamment connu un renouveau avec mai 68. L’idée qu’un procédé direct fonctionnerait mieux est séduisante, mais jamais personne n’a vraiment théoriser ce qu’était ce "directement" ». Et de conclure : « Il semble surtout que M. Houellebecq ait envie, ou besoin, de faire parler de lui. »
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