Je viens de rentrer de Normandie, et pour fêter nos retrouvailles, chers lecteurs, je vous invite à mieux connaître Jean-Pierre Enard. Je ne le dirai jamais assez: s'il n'y avait pas des maisons d'édition courageuses, comme Finitude, implantée à Bordeaux, ou le Dilettante, rue Racine à Paris, le rayon littérature de Joseph Gibert finirait par ne plus comporter que les grands classiques et des livres très récents (aussitôt publiés, aussitôt oubliés). Oui, aussitôt oubliés. Finitude a le courage de rééditer des textes "anciens" et oubliés, de Raymond Guérin et André Vers, notamment, mais aussi ceux du très oublié Jean-Pierre Enard, mort jeune lui aussi (comme Calet, Forton, Gadenne etc.), à 44 ans à la fin des années 80.
Le 27/02/2011 à 15:04 par Les ensablés
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27/02/2011 à 15:04
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Par Hervé Bel
Enard est l'auteur d'un livre intelligent et drôle "Un bon écrivain est un écrivain mort", suite d'articles sur le monde littéraire, et l'écriture. Parfois très drôle, lorsqu'il imagine comment certains héros de roman (Bardamu, Fermina Marquez, et Tintin) ont été conçus... La description des rapprochement physiques entre les parents de Bardamu vaut la lecture! Parfois des critiques féroces sur certains écrivain(e)s, une certaine Rolande Woolf-Durassevoir. Enfin, des réflexions comme celle-ci: Le roman, comme le cinéma, le théâtre, la peinture ou n'importe quel autre mode d'expression, s'apprend. Ce qui ne signifie pas qu'il s'enseigne (...) Le langage, c'est comme le bois ou la pierre: un matériau. Écrire, c'est le travailler. On admet qu'un sculpteur apprenne sa technique. Et qu'un acteur fasse de la gymnastique ou place sa voix avant de monter sur scène. C'est pareil pour l'écrivain. Il doit s'exercer . Et avant tout , pour désacraliser l'écriture Un bon écrivain est un écrivain mort, écrit-il ailleurs... Un bon écrivain, il ne dit pas un grand écrivain. La mort est certes une condition nécessaire mais elle est non suffisante pour faire un bon écrivain. Enard en est la preuve: il est mort, c'était un bon écrivain, mais il n'est toujours pas considéré comme méritant une redécouverte. Faute de chance, seulement. Parce que ses livres valent d'être lus. Ce ne sont pas des grands crus, il faut bien le reconnaître, mais ils seraient plutôt comme ces rosés, ces blancs frais, avec de la buée sur le verre, qu'on boit avec plaisir en été à la terrasse des cafés, avec l'impression fugace d'être heureux.
J'ai lu récemment deux romans de cet homme qui était gras et barbu, avec une chevelure frisée et noire. Sur les photos, je lui trouve un air russe, peut-être parce qu'il ressemblait un peu au chanteur Ivan Rebrov qu'on voyait régulièrement à la télé en ce temps-là, dans les années 70/80. Il chantait: "ah si j'étais riche!" avec une grosse voix et une toque de fourrure. D'abord, j'ai lu La reine du technicolor. L'action se déroule en 1951. Il y a deux héros. Le premier est un détective privé, ancien flic, héros de la libération, qui enquête sur la mort de Lola Montez, une actrice du cinéma venue lui demander protection quelques jours avant qu'on ne la retrouve morte dans sa baignoire. Le détective, on l'imagine avec la gueule de Gabin dans "Razzia sur la schnouff". L'autre héros, et là est le charme de ce livre, est un jeune garçon de 12 ans, le fils du détective, lecteur de Tintin, et rêvant de porter enfin un pantalon long. On le suit dans ses rêves d'enfant. Il vit avec sa mère séparée de son détective de père, mais l'aimant toujours. Le père aussi aime encore sa femme, mais il a un tel travail qu'il préfère encore vivre dans son bureau.
Tous ses personnages sont bien sympathiques. Le livre est plein de références sur le cinéma des années 50, les auteurs d'alors. On y voit ainsi la mère relire pour la troisième fois "Monsieur Paul" d'Henri Calet... Tout le monde fume, sans retenue, dans les bars et les restaurants, à la maison, devant les enfants. Un autre temps décrit avec beaucoup de partialité par Enard, de tendresse aurait-on envie de dire. Je cherchais l'autre soir à quoi il me faisait penser: à du Pagnol qui aurait fait un roman policier intitulé "La reine du Technicolor". Il y a cette même fraîcheur dans les romans de Denis Gombert. A la lecture du texte s'ajoute la belle présentation du livre, couverture cartonnée, papier épais, tête de chapitre avec l'image d'une pellicule de film, et des titres qui fleurent bon la France de Duvivier ou de Melville (magnifique Doulos). Il est si beau ce livre qu'on le tient avec précaution, pour ne pas l'abîmer. Une belle place lui est réservée dans ma bibliothèque. Cela se lit vite, avec un sourire au coin des lèvres, et l'envie de savoir la solution. Un verre de champagne, un peu comme on lit un roman de Sagan.
Plus grave, "le dernier dimanche de Sartre", roman sur le dernier dimanche de Sartre. Lorsqu'Enard a écrit ce texte, Jean-Paul Sartre vivait encore, mais c'était déjà un vieux monsieur bien abîmé, pas beau. Quand on l'a vu en 79 à côté de son condisciple Raymond Aron, on était surpris de le trouver si vieux. Sartre était un grand nom qui soulevait l'admiration, mais déjà on ne le lisait plus autant, et si on l'évoquait, c'était à propos de St Germain.Sartre allait mourir. Ce n'était plus qu'une question de mois, de deux trois années peut-être. Enard l'a fait mourir un peu plus tôt, dans son beau livre, court, ramassé, qui, plus encore que de Sartre, parle du drame de la vieillesse, quand on est devenu si laid, si vieux, qu'on est exclu du monde, que tout est effort... et tourment, lorsqu'il faut assister à la vie de ceux qui vont survivre, corps jeunes qui iront faire l'amour tout à l'heure, ou iront dans quelque bar, pour parler des heures, ces femmes qu'on voit, interdites à jamais.
Sartre se lève ce dimanche matin, fume des cigarettes et va se promener dans le 6ème arrondissement. Il y a, comme dans "La reine du technicolor", un jeune enfant de douze ans qui l'observe. Il est son petit voisin. Il sait bien, le petit garçon, que Sartre va bientôt mourir, il l'aide comme il peut, il sait qu'il est écrivain et lit une nouvelle de ses nouvelles du recueil "le Mur", Erostrate qui comporte un petit passage coquin qui émoustille l'enfant. Sartre est seul, ce dimanche-là, "elle", Simone, ne passera pas, ou pas très longtemps. Elle est encore dans la vie, elle. Sartre, lui, n'y est plus. malade, presque aveugle. Sartre est résigné. L'envie de vivre s'atténue avec l'âge. La lassitude peut-être. Voici le décor que Sartre aime. Les livres aux murs, par terre, sur les chaises, au pied du lit. Les journaux, empilés devant la fenêtre. Le bureau qui disparaît sous les dossiers, papiers, cahiers, dictionnaires, revues. Tout cela ne sert plus depuis trop longtemps mais le rassure. Il ne peut s'empêcher de toucher les livres, les feuilleter, les sentir. Il les repose, une boule dans la gorge. Il allume une Boyard. Il s'assied devant le bureau comme autrefois quand il restait dix heures à écrire. La main court sur le papier, le monde se tait, l'écrivain, seul, vit. Une porte s'entrouvre, se referme. Il travaille. Silence, on ne doit pas le déranger. Désormais, à son bureau, Sartre s'endort. Il se lève, humilié. Il bute sur un journal encore plié sous sa bande d'abonnement. Il cherche la cigarette qui s'est éteinte toute seule dans le cendrier. Il en allume une autre et s'assied sur une chaise. Il attend. Le téléphone. Une visite. Il l'attend, elle.Sartre a envie de pisser. Encore. Depuis quelques mois, il n'arrête pas. Il pisse, il croit que ça va se calmer. Vingt minutes plus tard, ça le reprend. Maintenant, s'il s'écoutait, il se déboutonnerait sur le trottoir, contre un mur. Il se retient. Il peut encore se retenir. Il en a vu à quatre-vingt ans qui pissent dans leur pantalon. (...) Bientôt, ce sera son tour. Il parlera, les autres surmonteront leur dégoût.
Tout est dit de la tristesse de la vie dans ce livre mélancolique, d'autant plus mélancolique qu'il s'agit de Sartre dont la vie, pourtant, fut une des plus extraordinaires qui soient. Succès littéraire, féminin, pécuniaires. C'est de ce contraste entre ce qui a été et ce qui est qui donne ce sentiment d'aride tristesse, renforcé également à l'idée que Jean-Pierre Enard n'en avait plus pour très longtemps à vivre. Lui n'aura pas été vieux.
Hervé Bel - février 2011
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Un chef-d’œuvre de la littérature jeunesse : Adieu mes quinze ans fut en 1960 un véritable phénomène éditorial : plus de 650.000 exemplaires écoulés. Le livre fut traduit en 11 langues et adapté en un feuilleton de 10 épisodes qui fit les beaux jours de l’ORTF au tout début des années 70. Il faut croire que ce roman sur l’adolescence possédait quelque chose de particulier qui avait pu toucher toute une génération. Elle se retrouvait dans le portrait de Fanny, l’héroïne du roman qui voyait du jour au lendemain sa vie bousculée avec l’apparition de deux êtres et d’un secret. Mais quoi ? Par Denis Gombert
27/11/2022, 11:34
Stephen Hecquet, avocat, écrivain… Pour beaucoup, ce nom ne dit plus rien. Auteur d’une dizaine de romans publiés dans les années cinquante, il est pourtant considéré comme l’un des membres de ce groupe que Bernard Frank appela les « hussards ». Ses romans n’ont jamais été réédités (sauf en 1993 pour « Les collégiens »). Début 2022, est parue chez Séguier une courte et bienvenue biographie de Stephen Hecquet par Frédéric Casotti intitulée Stephen Hecquet, vie et trépas d’un maudit, dont les Ensablés se devaient de rendre compte, d’autant qu’en 2013 notre ami Henri-Jean Coudy (dont les parents connaissaient bien Hecquet) avait déjà fait un article à propos d’Anne ou le garçon de verre.
13/11/2022, 09:00
Romancier, essayiste, pamphlétaire, journaliste, professeur, historien de la littérature populaire, du roman policier et de la science-fiction, rédacteur en chef des Primaires, revue de gauche anticléricale, syndicale et pacifiste, etc., Régis Messac (1893-1945) a été de bien des engagements littéraires et politiques. Par François Ouellet.
30/10/2022, 09:22
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