Suite à la fusion des anciennes régions Limousin, Aquitaine et Poitou-Charentes, la Nouvelle-Aquitaine s’est récemment dotée d’une Agence Livre Cinéma Audiovisuel (ALCA), nouvelle agence territoriale. Bruno Boutleux, président de l’ALCA, est revenu avec nous sur la fusion des agences précédentes, mais aussi sur les missions à venir et sur la politique territoriale mise en œuvre.
Le 23/04/2018 à 16:16 par Antoine Oury
Publié le :
23/04/2018 à 16:16
Bruno Boutleux : Avec Coralie Grimand, la directrice de l’ALCA, qui a pris ses fonctions le 1er mars dernier, nous construisons le plan d’action de l’ALCA pour les prochains mois, qui s’articule autour de trois axes : poser la nouvelle organisation de cette agence territoriale, qui est la priorité, en menant la fusion des 3 agences existantes, définir un organigramme cible et un budget, et enfin le périmètre définitif d’ALCA dans le paysage néo-aquitain, tant pour le cinéma que pour le livre. Nous nous trouvons en fait entre la création d’une structure nouvelle et la reprise de trois entités existantes, avec un nouveau projet à créer dans le respect de l’héritage précieux qui nous est confié.
Bruno Boutleux : Ce n’est pas du tout le but, la commande n’est surtout pas de réduire les effectifs, mais de créer une agence unique pour une politique du livre, du cinéma et de l’audiovisuel harmonieuse en Nouvelle Aquitaine. L’objectif premier reste d’irriguer du mieux possible l’ensemble du territoire : nous avons la chance d’avoir des financeurs, au premier rang desquels la région, qui ne nous demandent pas de faire des économies.
Nous allons conserver l’implantation telle qu’elle est aujourd’hui : nous maintenons les sites de Poitiers et de Limoges, et la question se pose d’une présence renforcée à Angoulême, qui compte 40 % du marché de l’animation en France côté cinéma et un pôle national pour la bande dessinée. Aucune centralisation bordelaise n’est prévue, ce qui est en accord avec l’ambition de capillarité des actions d’ALCA sur le territoire, même si la MÉCA, projet qui rassemblera sur un superbe site ALCA, l’OARA (l’Agence du spectacle vivant) et le FRAC, et qui ouvrira en janvier 2019, sera un peu notre totem.
Je trouve d’ailleurs remarquable de voir la région investir dans un tel bâtiment pour accueillir des institutions culturelles : c’est un signal fort, qui participe de la structuration du territoire, dans un sens citoyen, économique et artistique.
Bruno Boutleux : J’ai un certain passé sur ce territoire, puisque j’ai été il y a quelques années président de Voix du Sud, une association créée par Francis Cabrel, et je suis aujourd’hui trésorier de l’espace de musiques actuelles La Sirène à La Rochelle.
J’y observe une volonté constante de la collectivité territoriale, et c’était d’ailleurs le cas avant la réunion des 3 régions, de penser aussi l’action culturelle à travers une ambition économique, d’accueillir en son sein les industries créatives et de les associer à l’aménagement culturel du territoire. En somme, cet aménagement ne passe pas uniquement par de grandes institutions subventionnées, mais aussi par le développement et l’accueil d’entreprises culturelles privées sur le territoire. Il y a bien entendu l’accueil de tournages, qui donne une visibilité aux paysages et au patrimoine de la région, le soutien à la filière du cinéma et de l’audiovisuel, mais la Nouvelle-Aquitaine a aussi une politique en direction des industries musicales : peu de régions sont autant impliquées dans ce secteur.
Dans le secteur du livre, cette politique de consolidation de la filière livre s’exprime par un contrat de filière qui s’élève à 3,9 millions d’euros sur les trois prochaines années. Ce contrat innove par ailleurs avec des dispositifs comme le compagnonnage proposé aux auteurs néo-aquitains pour leur permettre de développer des projets culturels et éducatifs en lien avec le territoire.
Cela dit, à la fois dans le domaine du livre et du cinéma, le progrès est encore possible : un des sujets sur lesquels Coralie Grimand m’a proposé de travailler concerne l’équilibre de l’action régionale sur l’ensemble du territoire.
Bruno Boutleux : Il n’y a pas de politiques publiques efficaces sans évaluation de ces politiques : il faudra donc se donner les moyens d’évaluer notre action pour le livre, le cinéma et l’audiovisuel. L’Agence culturelle Nouvelle-Aquitaine, L’A, basée à Poitiers, et dont la vocation est d’évaluer les politiques territoriales, effectuera ce travail. Je pense aussi qu’il faudra créer un observatoire des filières livre, cinéma et audiovisuel au sein d’ALCA.
Bruno Boutleux : L’ALCA travaillera effectivement au dialogue entre les trois secteurs qui procèdent de l’écriture. On retrouve des chaînes de valeur et des problématiques relativement similaires pour ces filières, avec un auteur, un créateur à l’origine, puis un producteur ou un éditeur, qui est là pour penser le projet global, fabriquer le support et faire le lien avec le public. Livre, cinéma audiovisuel, il s’agit à chaque fois de raconter, témoigner, trouver de nouvelles formes de langages.
Il va falloir créer des passerelles entre le livre, le cinéma et l’audiovisuel, qui, au-delà des connexions évidentes notamment les adaptations du livre au cinéma, peuvent s’hybrider et s’enrichir mutuellement. Sans contrainte, bien sûr, car il est impératif que les créateurs conservent leur liberté. Avec Coralie Grimand, nous entendons bien tirer un avantage de cette double mission livre et cinéma pour que 1 +1 fasse 3, plutôt que 2.
Pendant L’Escale du Livre, manifestation littéraire à Bordeaux
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Bruno Boutleux : En matière de librairie, elle est d’ores et déjà identifiée comme un enjeu important d’aménagement du territoire dans les zones rurales et dans les centres de petits bourgs. La librairie est un commerce structurant et il y a de grands besoins, surtout dans un contexte de développement de l’accès en ligne et des grandes surfaces culturelles. Quand on n’a pas de librairie à proximité, on se tourne vers une solution alternative en ligne par exemple.
Pour moi, le libraire doit rester le premier commerce culturel de proximité : il est le premier médiateur de la connaissance avec le livre scolaire. Il y a donc une réelle importance à s’assurer d’une irrigation très fine du territoire. Nous avons la chance d’avoir en France le prix unique du livre et, sans lui, nous serions dans la situation du disque : ce prix unique reste le socle à partir duquel on peut garantir que la librairie reste un commerce structurant dans un territoire, y compris dans des zones à chalandise moyenne.
Bruno Boutleux : L’aide aux éditeurs est définie dans le contrat de filière qui vient d’être signé entre la Région, l’État, le CNL et l’ALCA. L’édition reste une activité fragile. 200 éditeurs sont installés en Nouvelle Aquitaine. ALCA via une équipe très professionnelle sur l’économie du livre soutient les éditeurs à travers des dispositifs d’aide à l’investissement et à la stabilisation de modèles économiques, ainsi qu’à la mobilité et à la professionnalisation. Nous devrons répondre dans les mois à venir à la question récurrente des difficultés de diffusion pour les petits éditeurs.
Bruno Boutleux : Un maître mot : le soutien à la création via les résidences et le compagnonnage. Les bourses et résidences d’auteurs ont sont développées en ex-Aquitaine, moins en ex-Limousin et en ex-Poitou-Charentes. Ce que nous faisons au chalet Mauriac par exemple, il faut le faire demain dans d’autres lieux du territoire.
Nous souhaitons développer un réseau de résidences « hybrides » accueillant créateurs du livre et du cinéma. En retour, les auteurs peuvent contribuer au développement d’une politique publique en faveur du livre. D’ailleurs, la priorité donnée par l’État à l’éducation artistique et culturelle donnera bientôt l’occasion d’une convention entre l’État et la région sur ce sujet dans laquelle les auteurs pourraient jouer un rôle majeur, et plus généralement tous les acteurs régionaux du livre, mais aussi du cinéma et de l’audiovisuel. Car si l’éducation artistique et culturelle n’est pas l’affaire de tous les maillons de la chaine, on passe à côté de l’enjeu.
Bruno Boutleux : Les bibliothèques relèvent des compétences de l’État des Conseils départementaux, des municipalités, moins des régions, qui ont assez peu d’interventions en la matière. Mais, à travers l’angle des droits culturels et de l’éducation artistique et culturelle, la Région, la DRAC et ALCA sont concernés par la question. Les bibliothèques sont un socle du développement de la lecture par leur présence sur tout le territoire, leur contact avec la jeunesse et les publics empêchés. Elles sont dans le spectre d’ALCA et font partie de nos partenaires naturels. Les bibliothèques de Nouvelle Aquitaine constituent un formidable réseau et relai pour tout le déploiement et le renforcement des politiques publiques en faveur du livre et de la lecture.
Bruno Boutleux : La région compte 200 manifestations organisées sur le territoire, dont les plus connues sont le festival du livre de Brive ou celui de la bande dessinée à Angoulême. Ils constituent un moteur important pour l’économie du livre et la question est moins de savoir s’il en faut davantage ou si, là aussi, le grand territoire néo-aquitain est correctement irrigué.
La professionnalisation de l’ensemble des manifestations via une charte et un accompagnement des opérateurs font partie de nos priorités en la matière.
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