Roulement de tambour ?
Le 18/04/2016 à 13:18 par Joséphine Leroy
Publié le :
18/04/2016 à 13:18
Ce samedi 16 avril, Virginie Despentes a été récompensée par le prix littéraire de la Ville de Deauville. La décision a été prise à l'unanimité par les 12 membres du jury, un jury encore une fois présidé par Jérôme Garcin. Le prix est doté de 4.500 €.
Jérôme Garcin et Virginie Despentes
(ActuaLitté / CC BY-SA 2.0)
8 auteurs ont été sélectionnés pour le prix littéraire de la Ville de Deauville, remis dans le cadre du Festival Livres & Musiques qui se déroulait ce week-end. En voici la liste :
• Stéphane Barsacq, Le piano dans l’éducation des jeunes filles (Albin Michel)
• Olivier Baumont, A l’opéra, Monsieur ! (Gallimard)
• Philippe Broussard, Vivre cent jours et un (Edition Stock)
• Fanny Chiarello, Dans son propre rôle (L’Olivier)
• Virginie Despentes, Vernon Subitex Vol. 2 (Grasset)
• Pierre Grillet, Madame Rêve (Edition Stock)
• Fabrice Loi, Pirates (Gallimard)
• Abdourahman Waberi, La divine chanson (Zulma)
« Chose extraordinaire, les livres ont été lus par tous les jurés. Je dis bien lus par tous les jurés, de la première à la dernière page ! » C'est en félicitant les membres du jury pour la lecture des livres sélectionnés que Jérôme Garcin a inauguré la remise de prix — la réalisation de cette tâche n'allant visiblement pas de soi dans les prix littéraires... La cérémonie a ensuite commencé et, comme à l'accoutumée, chaque livre sélectionné a été résumé par l'un des jurés.
Pour commencer, l'ouvrage de Stéphane Barsacq a été lu par la romancière Christine Orban. Ce premier roman, Le piano dans l'éducation des jeunes filles, raconte « l’histoire d’un jeune homme, d’un candide et son éducation amoureuse ». « Il va aller d’échecs en échecs, car ce jeune homme est un idéaliste. (...) La grande question de ce livre c'est : est-ce que dans ce monde le grand amour existe ? » Grande question s'il en est, effectivement. La romancière a obtenu une réponse avec la lecture du roman, à retrouver aux éditions Albin Michel.
Le livre d'Olivier Baumont, lu par le violoniste et directeur musical Julien Chauvin, visite l'univers de Saint-Simon et son rapport à la musique. « Il nous plonge, à travers les yeux et les oreilles de Saint-Simon dans l’intimité de Louis XIV et de la cour. (...) Le public se rendra compte à quel point la musique est une chose qui résonne, à la cour comme chez les particuliers, du lever au coucher », raconte Julien Chauvin. Un thème qui revient dans l'oeuvre de l'auteur, qui a notamment écrit des biographies sur les musiciens et un ouvrage sur la musique à Versailles.
Vivre cent jours et un, de Philippe Broussard, a été commenté par l'auteure rwandaise Scholastique Mukasonga. En 1958, l'icône du jazz Billie Holiday effectue sa dernière grande tournée, notamment dans les villes de Milan et Paris. Quelques temps avant sa mort, le 17 juillet 1959. « J’ai beaucoup apprécié les précisions de lieux, de quartiers, de rues que Billie a traversées. (…) Il y a cette atmosphère de Paris. Paris, terre d’accueil, terre de refuge des jazzmen noirs qui fuient le racisme dans les pays », précise la jurée, séduite. En guise de conclusion à sa présentation, Scholastique Mukasonga a extrait des paroles de « Strange Fruit », célèbre chanson de Lady Day [surnom de Billie Holiday, NdR] maintes fois reprise :
Les arbres du Sud portent un étrange fruit,
Du sang sur les feuilles et du sang aux racines,
Un corps noir qui se balance dans la brise du Sud,
Étrange fruit suspendu aux peupliers.
C'est le lauréat de l'édition 2012, Stéphane Heaume, récompensé pour Sheridan Square, qui a lu Dans son propre rôle, de Fanny Chiarello. Il a partagé son impression : « Je suis tombé amoureux du texte et des thèmes de Fanny Chiarello. Nous sommes en Angleterre, en 1947 et nous avons là le récit de deux destins croisés qui s’entrechoquent à un moment, et ce choc va provoquer un bouleversement dans la vie de deux femmes. »
L'écrivain François Bott était chargé, lui, de lire Madame Rêve, de Pierre Grillet. « Pierre Grillet nous a donné quelque chose de très rêveur, de très émouvant, plein de poésie et de charme. C’est l’histoire d’une chanson qui fut interprétée par Alain Bashung. C’est l’histoire d’une jeune femme qui se cache derrière cette chanson et c’est l’histoire d’un amour », raconte François Bott. Conquis, l'écrivain retient une idée : « Encore un mot : au détour d’une phrase, Pierre Grillet nous apprend que la vie est le brouillon des oeuvres littéraires et que les oeuvres littéraires corrigent les imperfections de l’existence. Eh bien, écoutez, c’est une très bonne nouvelle parce que cela donnerait à penser que les écrivains vivent deux fois. Pour ma part, j’en suis ravi. »
Fabrice Loi, sélectionné pour Pirates, n'était pas présent. Pour le président du jury, c'est un « portrait de Marseille incroyable ».
Enfin, c'est le maire de Deauville, Philippe Augier, qui a donné son avis sur La divine chanson, d'Abdourahman Waberi : « J’ai adoré ce livre. Il y a un mélange d’Afrique, de politique, de poésie, tout ça traité avec une langue foisonnante, luxuriante. On sent l’Afrique, ses couleurs, ses odeurs, ce rythme de vie. (…) Il y a une particularité dans le livre : c’est son chat qui raconte la vie de Gil Scott Heron, jazzman et bluesman. Il regarde la vie de son maître de manière extraordinaire. »
Déjà recompensée à maintes reprises, c'est Virginie Despentes qui sort gagnante de cette compétition. Arnaud Cathrine, écrivain admirateur du travail de l'auteure, a résumé le deuxième volet de Vernon Subutex en ces termes : « Au coeur du livre, c’est un disquaire (…) qui a eu une vie très riche. XXIe siècle oblige, il a été obligé de plier bagage et il se retrouve à la rue (…). Virginie Despentes commence là une sorte de fresque ultra contemporaine. Vous allez croiser de tout : des réacs, des bobos, des belles âmes, des hystériques, des gens plus ou moins beaux ou aimables. Cela va finir par faire une sorte de portrait de la France, avec des asymétries, des grains de beauté, des difformités. »
La lauréate, présente, a réagi : « Je remercie le jury. (…) Il y a des choses que je sais faire très bien mais parler en public, pas trop, et encore moins parler de moi. (…) Je suis contente, surprise du succès du livre. Et donc merci ! » Jérôme Garcin a expliqué le choix : « Il y a des ”Nuits Debout” mais il y a aussi des Livres Debout. (…) Et je crois que celui-là en fait partie. »
Quelques confidences ont agrémenté la remise du prix. Première nouvelle : Virginie Despentes écrit actuellement le 3e volume de Vernon Subutex. Seconde nouvelle qui en surprendra quelques-uns : il est possible qu'elle participe à la création d'une série qui serait produite par Canal +. « J’apprends réellement comment on construit une série », a-t-elle confié.
La cérémonie a été suivie par la traditionnelle lecture d'extrait. C'est la comédienne Anne-Marie Philipe qui s'est livrée à l'exercice.
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