Qui n'a pas déjà assisté à une représentation de Shakespeare sans comprendre ce qu'il s'y disait ? Le comédien shakespearien Mort Paterson avoue que même si chacun des mots est compréhensible, le tout forme un joli « fouillis insoluble ».
Parce que certes en 400 ans, la langue anglaise a évolué, mais selon Mort Paterson, là n'est pas la seule raison qui expliquerait pourquoi, lors de représentations de pièces du dramaturge anglais, les paroles des comédiens n'ont parfois aucun sens pour le public.
La réponse se trouverait en réalité dans le pentamètre iambique.
Très présent dans l'œuvre de Shakespeare, le pentamètre iambique est un type de vers composé de 5 pieds. Les spécialistes traditionalistes du dramaturge anglais plaident pour une interprétation orale qui alterne syllabes accentuées et celles non-accentuées. C'est donc généralement cette accentuation qui est privilégiée lors des récitations de l'œuvre de Shakespeare. Mais cela sonnerait mal à l'oreille.
Prenons un exemple issu d'Hamlet. Voilà comment il serait de bon ton de prononcer une phrase en pentamètre iambique :
Thus CONscience DOTH make COWards OF us ALL.
Hamlet, Shakespeare
En mettant l'accent sur certaines syllabes et non sur d'autres, dans une phrase comme celle-ci, les mots mis en avant sont sans importance, rendant la compréhension difficile.
Ainsi, il arrive régulièrement à Mort Paterson d'entendre des extraits de Shakespeare sans en comprendre le sens. Et lorsqu'il demande à ses collègues leur signification, il confie ne recevoir souvent que des « haussements d'épaules », signe de leur incompréhension à tous.
D'ailleurs, pour l'anecdote, les professeurs l'auraient même découragé de jouer Shakespeare, car trop chantant pour être joué.
Dans le but de suivre la rythmique shakespearienne, certains vont même jusqu'à modifier les vers afin que chaque syllabe fasse le même temps, créant ainsi des espaces au milieu des mots. Mais, selon l'acteur, cela ne rend le discours que plus artificiel.
Pour autant, Mort Paterson ne défend en aucun cas l'idée de jouer les pièces de Shakespeare en prose. A la place, il estime que le rythme de chaque ligne devrait être régulier et s'organiser autour des mots importants - plutôt qu'autour des syllabes accentuées. C'est d'ailleurs comme ça que la plupart des gens parlent, explique-t-il en citant le linguiste Dwight Bolinger, selon qui « la régularité rythmique est quelque chose que les locuteurs font inconsciemment ».
Il donne l'exemple des prestations d'acteurs tels que Judi Dench ou Kenneth Branagh qui rendent leur texte compréhensibles tout en étant rythmés. « C'est une bonne attitude : on la voit rarement, mais quand c'est le cas, comme en sport ou en ballet, on l'admire » ajoute-t-il.
Crédit photo : Mikes-Photography CC 0
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