Vocabulaire : oubliez digital et webinar, préférez numérique et séminaire
La Commission d'enrichissement de la langue française, placée sous l'autorité du Premier ministre et coordonnée par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), propose régulièrement des équivalents français aux termes étrangers, le plus souvent des anglicismes, présents dans nos discours. Et règle aujourd'hui son compte à digital et webinar, entre autres...
Le 09/03/2021 à 09:56 par Antoine Oury
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Publié le :
09/03/2021 à 09:56
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Devenus des lieux communs de la vie professionnelle, les conférences et autres séminaires en ligne ne sont toutefois pas une nouveauté. À ce titre, le terme webinar est utilisé depuis une vingtaine d'années dans les entreprises, assure la Commission d'enrichissement.
Est-ce une raison pour négliger un terme français ? Pas vraiment, d'après cette dernière, puisque webinar est un mot-valise réunissant web et seminar. Il devient assez simple, dans ces conditions, d'en proposer un équivalent — et non un calque comme webinaire, que la commission écarte : « conférence (en ligne), cyberconférence, visioconférence, voire audioconférence, téléconférence, ou encore séminaire (en ligne) » sont adaptés.
Parallèlement à ce cas particulier, la Commission publie une liste d'équivalents, en restant dans le domaine de l'informatique. On y trouve notamment le terme digital, régulièrement utilisé comme calque dans plusieurs expressions, comme « révolution digitale » : la commission propose l'équivalent « numérique », simple et précis.
EDITION: les obligations des éditeurs en matière d'accessibilité
On note également la présence de « backdoor » et « trapdoor », des termes de plus en plus connus avec l'émergence de la cybercriminalité : il s'agit d'un « [p]oint d'entrée d'un logiciel, mis en place lors de la conception ou résultant d'une erreur survenue lors du développement, qui permet aux spécialistes d'agir sur ce logiciel ». La Commission indique comme équivalents « poterne logicielle », « poterne » ou encore « porte dérobée ».
Les autres termes pourront être trouvés ci-dessous ou à cette adresse.
Photographie : illustration, NASA Goddard Space Flight Center, CC BY 2.0
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6 Commentaires
Jujube
10/03/2021 à 06:39
J'en profite pour prier les commentateurs usagers du désagréable "cancel culture" - si abondamment répété dans d'autres articles - de bien vouloir remplacer cette expression par un équivalent français. Francophones, gardons-nous des anglicismes, nous éviterons ainsi un futur linguicide. Merci.
Liger
10/03/2021 à 10:36
Bien entendu, il faut saluer cette initiative.
Cela dit, les administrations et autres entités françaises chargées de proposer des équivalents francophones aux termes étrangers commettent souvent les erreurs suivantes :
- lenteur de réaction : face à la grêle d’étasunismes – terme plus approprié que le suranné « anglicismes » –, il faut réagir vite, très vite pour éviter que les termes étasuniens s’incrustent dans les têtes ; or les structures françaises travaillent beaucoup trop lentement, probablement parce que les termes francophones qui seront proposés à la place des étasunismes doivent être validés par plusieurs instances dont l’Académie française dont la réactivité n’est pas la qualité première : je me souviens que nos chers Immortels mirent 30 ans pour proposer une alternative au terme « bulldozer », à savoir « bouteur » ; en soi, c’était une bonne proposition (mot court et sémantiquement logique) mais elle arrivait bien trop tard ; bref, comme c’est le cas pour l’instance chargée de ce travail au Québec, on doit fixer un délai court (2-3 mois) et impératif à la commission de terminologie pour fournir au grand public les termes francophones nécessaires ;
- formalisme, pédanterie et prétention : lorsque le traitement du pétrole pour en tirer de multiples produits chimiques se développa dans les années 1950, on vit apparaître le terme étasunophone « petrochemistry » ; pour une fois, au lieu d’incruster ce terme dans nos textes, les professionnels de l’industrie pétrolière créèrent le terme « pétrochimie » : alors seulement, l’ « agagadémie française » qui était restée inerte lors de l’apparition de « petrochemistry » bavouilla d’indignation à propos de « pétrochimie » et affirma sans rire qu’il fallait dire et écrire « pétroléochimie » ; les professionnels de l’industrie du pétrole continuèrent évidemment d’utiliser « pétrochimie » ;
autre exemple encore plus scandaleux : lorsque nos dynamiques cousins québécois créèrent le mot « courriel » pour remplacer l’étasunien « e-mail » [ils ont aussi créé « pourriel » pour remplacer « spam » : approprié et amusant], les instances françaises chargées d’enrichir la terminologie – et qui n’avaient évidemment encore rien proposé – eurent des vapeurs et qualifièrent dédaigneusement « courriel » de mot-valise, à proscrire bien évidemment ; et pour parfaire leur œuvre, ils proposèrent le pitoyable et grotesque « mél » !!!
- manque de sens pratique : cela fait longtemps que j’ai renoncé à farfouiller, tâche aride et hautement chronophage, parmi des centaines d’arrêtés publié dans le Journal Officiel pour trouver un équivalent français à un étasunisme ; je consulte à chaque fois le Grand Dictionnaire terminologique [GDT] publié et constamment mis à jour en ligne par l’Office québécois de la langue française (http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26558296) et j’y trouve quasiment toujours une réponse appropriée.
@Jujube : pour « cancel culture », le GDT propose « culture du bannissement », « culture du boycottage » ou « culture de la dénonciation » selon le contexte.
Merci à nos chers cousins et vive le Québec libre !
Mahamois
10/03/2021 à 15:05
Merci!! Comme ça lors d'une traduction, je pourrait trouver des équivalences!! très instructif!
Jujube
10/03/2021 à 17:32
Cher Liger, votre style gaillard me plaît beaucoup.
Je connaissais déjà les équivalents français possibles (ou facilement acceptables) à la CC ou QQ, qui n'est même pas cucul. Mais plusieurs de vos lecteurs vous seront gré de votre apport.
J'admire vraiment l'esprit libre et pétillant des Québécois qui sont des petits génies de la création de néologismes. Soyons rebelles de temps en temps aux règles asphyxiantes. C'est bon pour la santé et meilleur encore pour la langue (dans tous ses états): ça la décrasse et la fait rigoler.
Quant au tortueguisme et vapeurs des vénérables "agagadémiciens" (merci pour le terme), on peut les ignorer puisque la langue parlée est plus prompte à se répandre et s'introniser seulette que la langue écrite. De plus, nous les mortels, sommes plus nombreux et souvent plus jeunes que les Immortels: cela peut garantir la propagation leste et la longévité de nos (futures) créations linguistiques!
J'emploie le mot "anglicisme" et non "étasunisme", parce qu'il pointe directement la langue anglaise...qui n'est pas la seule existante aux "zétazunis". Ce qui n'exclut pas une invasion soudaine de l'espagnol, italien, russe, mandarin et autres produits babeliens ou babeliques de chez eux dans notre français tan aimé .
Très bonne journée.
Cordialement,
Jujube
Liger
11/03/2021 à 07:17
@Jujube : merci de votre aimable billet ; esprit, humour et courtoisie composent un délicieux cocktail, loin des insanités criardes qui prolifèrent sur la Toile.
Pour revenir à nos amis québécois : jusqu'au milieu des années 1960, ils durent subir la morgue blessante des anglophones toujours enivrés par leur victoire de 1763 qui considéraient les francophones comme des arriérés à exploiter et à angliciser le plus possible faute de les avoir exterminés (il y eut pourtant des tentatives sérieuses, comme le " Grand dérangement ", déportation génocidaire des Acadiens au XVIIIe siècle). Ainsi, il y a un peu plus de 50 ans, un francophone osant s'exprimer dans sa langue en présence d'un représentant de la " Race des Seigneurs " se faisait encore répondre " Speak white ! " [cf. infra]. Mais au lieu de se complaire dans un dolorisme geignard, les Québécois ont redressé la tête, notamment sur le plan linguistique.
Trop de Français hexagonaux ne sont pas conscient de l'ampleur du désastre et de la honte de l'abandon du Canada par le minable et infâme Louis XV et certains eurent même la sottise ou la bassesse de critiquer le " Vive le Québec libre ! " du Général De Gaulle (Montréal, 24 juillet 1967). Mais les Québécois, Acadiens et autres francophones en ont payé le prix terrible. C'est une raison profonde de leur " activisme linguistique " si enrichissant pour notre langue. À cela, il faut ajouter que nos cousins sont des Américains (ne pas confondre avec Étasuniens) qui ne sont pas corsetés ni entravés par le conservatisme pesant des locataires du Quai Conti : le monde évolue, de nouveaux objets et concepts apparaissent et on n'a pas les mots pour les nommer ? Eh bien ! on en crée sans complexe, comme les Étasuniens pour l'anglais.
Excellente journée : cet échange commence bien une journée de juriste qui s'annonce laborieuse...
Cordialement,
___________________________
À propos de " Speak white! " [source : Wikipédia] :
Le 12 octobre 1889, au cours des débats à la Chambre des communes du Canada, le député du Parti libéral canadien Henri Bourassa se fait huer par des députés anglophones. Quand il tente de s’expliquer en français, il se fait crier : « Speak White ! ». Le dictionnaire québécois-français a une entrée tirée d'un numéro de Maclean's datant de 1963 : « Sur vingt Canadiens-français que vous rencontrez chez moi ou chez vous, quinze peuvent dire avoir été intimés de ce méprisant speak white. » Dans la nuit du 9 décembre 1999, des vandales ont installé une banderole sur le pont séparant le Québec et l'Ontario où l'on pouvait lire : « From this point speak white! » (« À partir d'ici, parlez blanc »).
Voici le poême " Speak white ! " de l'écrivaine québécoise Michelle Lalonde (octobre 1968)
Speak white
Speak white!
Il est si beau de vous entendre
Parler de Paradise Lost
Ou du profil gracieux et anonyme qui tremble
Dans les sonnets de Shakespeare
Nous sommes un peuple inculte et bègue
Mais ne sommes pas sourds au génie d’une langue
Parlez avec l’accent de Milton et Byron et Shelley et Keats
Speak white!
Et pardonnez-nous de n’avoir pour réponse
Que les chants rauques de nos ancêtres
Et le chagrin de Nelligan
Speak white!
Parlez de choses et d’autres
Parlez-nous de la Grande Charte
Ou du monument à Lincoln
Du charme gris de la Tamise
De l’eau rose de la Potomac
Parlez-nous de vos traditions
Nous sommes un peuple peu brillant
Mais fort capable d’apprécier
Toute l’importance des crumpets
Ou du Boston Tea Party
Mais quand vous really speak white
Quand vous get down to brass tacks
Pour parler du gracious living
Et parler du standard de vie
Et de la Grande Société
Un peu plus fort alors speak white!
Haussez vos voix de contremaîtres
Nous sommes un peu durs d’oreille
Nous vivons trop près des machines
Et n’entendons que notre souffle au-dessus des outils
Speak white and loud!
Qu’on vous entende
De Saint-Henri à Saint-Domingue
Oui, quelle admirable langue
Pour embaucher
Donner des ordres
Fixer l’heure de la mort à l’ouvrage
Et de la pause qui rafraîchit
Et ravigote le dollar
Speak white!
Tell us that God is a great big shot
and that we’re paid to trust him
Speak white!
Parlez-nous production profits et pourcentages
Speak white!
C’est une langue riche
Pour acheter
Mais pour se vendre
Mais pour se vendre à perte d’âme
Mais pour se vendre
Ah! Speak white!
Big deal!
Mais pour vous dire
L’éternité d’un jour de grève
Pour raconter
L’histoire de peuple-concierge
Mais pour rentrer chez-nous le soir
À l’heure où le soleil s’en vient crever au-dessus des ruelles
Mais pour vous dire « oui », que le soleil se couche, oui!
Chaque jour de nos vies à l’est de vos empires
Rien ne vaut une langue à jurons
Notre parlure pas très propre
Tachée de cambouis et d’huile
Speak white!
Soyez à l’aise dans vos mots
Nous sommes un peuple rancunier
Mais ne reprochons à personne
D’avoir le monopole
De la correction de langage
Dans la langue douce de Shakespeare
Avec l’accent de Longfellow
Parlez un français pur et atrocement blanc
Comme au Vietnam au Congo
Parlez un allemand impeccable
Une étoile jaune entre les dents
Parlez russe, parlez rappel à l’ordre, parlez répression
Speak white!
C’est une langue universelle
Nous sommes nés pour la comprendre
Avec ses mots lacrymogènes
Avec ses mots matraques
Speak white!
Tell us again about freedom and democracy!
Nous savons que liberté est un mot noir
Comme la misère est nègre
Et comme le sang se mêle à la poussière des rues d’Alger ou de Little Rock
Speak white!
De Westminster à Washington relayez-vous
Speak white comme à Wall Street
White comme à Watts
Be civilized!
Et comprenez notre parler de circonstance
Quand vous nous demandez poliment :
« How do you do? »
Et nous entendez vous répondre :
« We’re doing all right
We’re doing fine
We are not alone »
Nous savons que nous ne sommes pas seuls
Jujube
11/03/2021 à 20:40
Merci, cher Liger, pour votre réponse érudite et généreuse. Vous m'avez appris bien de nouvelles choses sur le Québec. Conséquence: j'aime encore plus les Québécois et ma sympathie pour vous est garantie!
Une excellente journée!
Jujube