Le jour où un robot écrivit un roman. Ce n’est pas juste le titre d’un livre, mais aussi la réalisation concrète d’un projet mis en place par la Future University à Hakodate en 2016. Le roman change d’auteur. C’est l’intelligence artificielle qui s’empare de la plume et du clavier. L’intrigue de science-fiction prend forme dans nos réalités.
Le 09/03/2021 à 09:02 par Auteur invité
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Publié le :
09/03/2021 à 09:02
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Depuis quelques années maintenant, le Hoshi Shinichi literary Award autorise les auteurs non — humains à participer au concours comme n’importe quel candidat. En 2016, une équipe de chercheurs met en place les paramètres d’un livre tels que l’intrigue, le genre, les personnages au cœur d’un programme informatique. Ce dernier écrit alors le roman en sélectionnant des mots et phrases préparés par les chercheurs. Parmi les 1 450 participants, onze sont des robots, mais seulement un sort du lot en présentant ce roman au titre sarcastique.
Bien qu’impressionnant, ce projet ne concède en réalité que 20 % de l’écriture à l’intelligence artificielle. Satoshi Hase, l’un des jurys a déclaré : « J’ai été surpris par l’ouvrage, car il s’agit d’un roman bien structuré. Mais il y a encore des problèmes à surmonter pour gagner le prix, notamment les descriptions des personnages ». Une machine est donc loin d’écrire toute seule un roman. Elle a besoin d’un modèle, d’une ligne directrice et d’un vocabulaire intégré à sa mémoire. Néanmoins, une fois ceci assimilé, la machine est capable d’approcher au plus près certains des écrits humains.
Durant l’été 1956 se tient à Darmourth la première conférence officielle concernant l’intelligence artificielle. Cet atelier scientifique est dirigé par Marvin Minsky et John McCarty, les deux principaux pionniers de ce mouvement scientifique, et regroupe une vingtaine de chercheurs. Le terme d’intelligence artificielle est donné lors de cette conférence et considère « l’ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence ». On considère alors que « Chaque aspect de l’apprentissage ou toute autre caractéristique de l’intelligence peut être si précisément décrit, qu’une machine peut être conçue pour le simuler ». En partant de ce principe, une machine peut, avec de bons outils apprendre à écrire.
Depuis 2015, une entreprise basée à San Francisco nommée OpenAI cherche à développer une intelligence artificielle. Cette dernière « bénéficierait à toute l’humanité » d’après ses deux présidents, Elon Musk et Sam Altman. OpenAI a créé une intelligence artificielle du nom de GPT-2 capable d’écrire des articles de presse et même des œuvres de fiction2. Il serait capable de copier un style d’écriture en se reposant sur une base de données quelconque. Elle pourrait finir un poème de Shakespeare, poursuivre l’écriture de 1984 de Georges Orwell ou écrire un article typique de The Guardian.
Le 8 septembre 2020, ce journal aurait publié un article intitulé « Un robot a écrit tout cet article. As-tu déjà peur, humain ? » rédigé par la version évoluée de ce logiciel : GPT-3. C’est également grâce au logiciel OpenAI que le magicien et romancier Andrew Mayne a crée l’interface AI I Writer. Sur celle-ci, les utilisateurs peuvent dialoguer avec les grands auteurs classiques tels que Jane Austen, J.R.R Tolkien ou Edgar Allen Poe. Pourtant, si ces avancées technologiques paraissent prodigieuses, montrent encore leurs limites. Sur AI I Writer, la conversation de nos auteurs préférés est réduite à environ 300 mots. Les alternatives et phrases possibles se répètent donc plutôt rapidement.
Écrire ne signifie pas créer. Grâce au principe de « machine learning » (apprentissage machine en français) donne aux intelligences artificielles la capacité de reconnaissance et de reproduction. Le robot d’Hakodate n’a pu écrire un livre qu’à partir d’un modèle et d’un vocabulaire préexistant et choisi. GPT-2 est capable de copier un style d’écriture après avoir pris connaissance du roman ou de l’article modèle. GPT-3 a en réalité produit huit versions du texte et ce sont des journalistes qui ont sélectionné les meilleurs passages pour en faire un article publié dans The Guardian.
Enfin, AI I Writer ne peut pas aller au-delà des phrases que son algorithme lui confère. Afin d’augmenter l’intelligence artificielle des machines, il faut ajouter des possibilités à leurs algorithmes. Peu à peu une machine serait capable de reconnaître les schémas d’un best-seller, le style d’écriture de Victor Hugo afin de le recopier et pourrait même en venir à faire mieux. La machine reproduirait sans les failles humaines les schémas de grands livres à succès.
Les publications en ligne sur des plateformes telles qu’Amazon ou Wattpad sont les premières sources qui nourrissent les algorithmes des intelligences artificielles. Pourtant, peu importe la multiplication des sources et données qui servent aux machines, ces dernières ne sont toujours pas en capacité de créer. Or, la littérature est avant tout une création. La création d’un best-seller, d’un roman avant-gardiste ou d’un roman raté certes, mais la création avant tout.
Et si en 2016 le Sud-Coréen Lee Sedol s’est fait battre au jeu de go par le programme de Google DeepMind, Alpha Go, aucun robot n’a été capable d’écrire seul un roman. Les 20 % de production du robot d’Hakodate ne sont que l’assemblage de données imaginées par des êtres humains. Gagner un jeu de Go signifie que tous les coups possibles ont été mis à la disposition de la machine. La stratégie a un aspect mathématique qui permet aux intelligences artificielles de prendre le dessus sur l’homme. Mais y a-t-il une stratégie dans la littérature ?
Il y a sûrement une stratégie pour faire un livre à succès, un apprentissage, des méthodes. Ces éléments sont accessibles à l’homme comme ils le sont à la machine. Et l’humanoïde ne manquera pas de surpasser son créateur dans ces domaines. Néanmoins, les erreurs de l’homme sont parfois les détails précieux et intimes qui produisent un chef-d’œuvre. À ce jour, les « algorithmes auteurs » textes sont limités à certains secteurs d’activités ne nécessitant pas une grande créativité ou un style particulier.
L’intelligence artificielle ne peut pas aujourd’hui remplacer l’humain, mais plutôt l’assister. Elle pourra améliorer un texte par la technique, mais non pas le créer. La faille des intelligences artificielles reste encore leur manque de créativité naturelle. Un romancier pourrait les utiliser pour aller plus vite. La machine définirait les personnages, le cadre, l’évolution narrative et l’homme reprendrait l’écriture après elle. Seulement, c’est la fabrication humaine qui nous émeut dans l’art. Les machines créent des vases mieux façonnés que ceux des potiers, pourtant les potiers n’ont pas disparu. Ce qui nous fascine c’est la volonté de l’humain à résoudre le mystère de l’humain.
Des scientifiques précisent cependant qu’« une intelligence artificielle équivalente à l’intelligence de l’Homme serait notre dernière invention ». Dans ce cas, l’intelligence serait capable d’inventer n’importe quoi de manière autonome. Elle serait alors en mesure de se réinventer elle-même et de dépasser les limites qu’on lui accorde aujourd’hui. La vraie question serait alors de se demander ce que les gens cherchent à lire : un livre dérangeant ? Un best-seller ? Un livre réconfortant ? Un livre novateur ? L’homme cherche peut-être à lire des histoires écrites par les intelligences artificielles pour atteindre une création ultime. Une création qui saura recréer après lui.
Par Laura Navarro
Article publié dans le cadre des travaux du master de Villetaneuse, Métiers du livre
Dossier - L'intelligence artificielle au service du livre et de la lecture
crédits photo : Stevebidmead CC 0 ; kalhh CC 0 ; StockSnap CCC 0
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Naja
10/03/2021 à 07:36
ça me fait penser a l'histoire de " La Grande Grammatisatrice automatique" de Roald Dahl
Yves Peutot
11/03/2021 à 20:49
Dans son livre "Les 3 Gaïas, la véritable affaire du siècle", Ysbome Totem raconte sa rencontre avec une auteure de SF qui présente une progression fulgurante des capacités des IA grâce à la mise en ligne de millions de gamers dont on utilise les capacités de concentration via les jeux en ligne, et les rêves en virtualité, l'hypercréativité dans des états de conscience modifiés, des potentiels de scénarios créés dans la virtualité puis intégrés aux simulateurs et programmes d'entraînement des IA... Comment le grand nombre d'acteurs et d'entraineurs d'IA permet l'intégration des big data pour la machine learning. (chapitre 10: la vie colonisera le Cosmos) livre en pdf et accès gratuit sur biodiversité-active-consciente.org