Sciences Po Nancy : conflit ouvert entre la direction et des vacataires de la bibliothèque
À Nancy, une partie des étudiants vacataires de la bibliothèque universitaire de Sciences Po dénonce une « décision brutale » de la direction, qui a réduit les horaires d'ouverture de l'établissement en raison du couvre-feu. Ils demandent le maintien de l'intégralité de leur rémunération, ou au moins « un arrangement », tandis que la direction estime que Sciences Po a été « extrêmement généreux lors des deux premiers confinements ».
Des étudiants vacataires de la bibliothèque du campus nancéien de Sciences Po ont décidé de rendre publique leur situation, assurant avoir été « lâchés en plein milieu de notre contrat » par la direction de l'établissement. Cette dernière réplique qu'ils « ont décidé volontairement de refuser de travailler ».
Couvre-feu et perte de salaire
Comme toutes les bibliothèques universitaires françaises, celle de Science Po a adapté ses services à la situation sanitaire, et ses horaires au couvre-feu en vigueur. Depuis le 25 janvier, l'établissement ouvre ainsi de 9h à 18h, contre 21h habituellement.
Les étudiants vacataires au sein de la bibliothèque déplorent « 3 à 4 heures de travail en moins, avec un salaire diminué de moitié pour certains d'entre nous, qui travaillent 7 à 9 heures hebdomadaires ». Les étudiants vacataires, qui aident les bibliothécaires à assurer le bon fonctionnement de l'établissement, sont rémunérés au SMIC horaire, pour un salaire mensuel de 200 à 400 € par vacataire, « en temps normal », nous précise-t-on.
Le statut de vacataire, particulièrement précaire, ne fait pas bénéficier aux étudiants de congés, de prime de précarité, et ne stipule pas d’heures minimales travaillées par mois.
D'après les étudiants concernés, l'établissement leur aurait signifié le 11 janvier le changement salarial, arrêté au 17 janvier. Et les différentes demandes formulées auprès de la direction, restées sans réponse, auraient participé à créer un sentiment « d'être lâchés en plein milieu de notre contrat par la direction, malgré notre investissement ».
Sciences Po a été « extrêmement généreux »
Le 23 janvier, par un email, 5 des 9 étudiants vacataires de la bibliothèque font part à la direction de leur décision « de suspendre à titre provisoire la transmission de nos disponibilités », utilisées pour établir les plannings des vacataires, « afin de nous faire entendre et vous témoigner de notre détresse face à la situation que nous subissons toutes et tous », écrivent-ils.
« En effet, nous déplorons en l'état la décision prise par votre institution réduisant drastiquement nos heures de travail, et ce, sans aucun préavis qui nous aurait permis d'anticiper cette perte financière. [...] Les horaires restreints de la bibliothèque entraîneront une perte de salaire d'environ 100 € par vacataire. Cette somme peut paraître dérisoire, mais tout de même vitale pour certains étudiants. Cela représente l'intégralité de leur budget alimentaire mensuel ou de transport, et ils ne peuvent malheureusement pas subvenir à leurs besoins sans cette somme », expliquent les 5 vacataires.
Dans sa réponse, le directeur de Sciences Po Nancy, François Laval, répond qu'il « désapprouve totalement [ce] comportement ». Interrogé par ActuaLitté, il précise : « Sciences Po avait tenu compte de leur situation délicate en compensant les heures non travaillées dans le cadre du premier confinement lors du semestre de printemps 2020 et du second confinement lors du semestre d'automne 2020. »
« Sans attendre une éventuelle décision de Sciences Po concernant la compensation du couvre-feu, ils ont décidé volontairement de refuser de travailler, en violation de l'article L4131-1 du Code du travail qui n'autorise le droit de retrait que si le salarié “a un motif raisonnable de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé” », poursuit le responsable.
D'après François Laval, « Sciences Po s'est piégé en étant extrêmement généreux lors des deux premiers confinements ». « La tentative de blocage du fonctionnement de la bibliothèque au détriment de 340 étudiants [par la suspension de la transmission des disponibilités, NdR] était une mauvaise stratégie de négociation... Ils commencent bien mal leur vie professionnelle. »
Les moniteurs étudiants face à la crise
« On ne comprend pas pourquoi les règles changent au milieu, alors que nous avons signé un contrat de septembre 2020 à septembre 2021 et que des mesures ont été mises en place, notamment pendant le deuxième confinement, avec un télétravail pour justifier la compensation des heures », soulignent de leur côté les étudiants vacataires.
3 des 5 vacataires s'étant mobilisés à l'origine ont décidé, volontairement, de ne pas reprendre le travail, et dénoncent des échanges uniquement menés par emails, sans possibilité d'un rendez-vous avec la direction. L'UNEF Lorraine a apporté son soutien aux revendications des étudiants, évoquant certains étudiants laissés « sans nouvelles, ni nouveaux planning horaires, écartés comme s'ils étaient licenciés ». Une pétition a également été mise en ligne.
COVID: les mesures du gouvernement pour les bibliothèques
La situation des vacataires de Sciences Po rappelle celle d'autres moniteurs étudiants, ceux de l'université Paris 3, et en particulier de la bibliothèque Sainte-Barbe. Depuis le mois de décembre 2020, ils défendent les quelques avantages de leur statut (contractuel, dans ce cas), mais demandent également des garanties en matière de rémunération.
Interrogé par nos soins sur la situation parisienne, le ministère de l'Enseignement supérieur assurait qu'il « [restait] vigilant à ce qu'il y ait de la souplesse et la plus grande bienveillance vis-à-vis des étudiants moniteurs dans ces conditions exceptionnelles »...
Photographie : Sciences Po Nancy, en 2018 (Antony-22, CC BY SA 4.0)
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