EXCLUSIF – Ce mois de janvier ne manque définitivement pas de rebondissements : alors que le titre de Camille Kouchner, La familia grande, vient de sortir en grand format, sa parution fait écho à la sortie en poche du Consentement, l’ouvrage de Vanessa Springora. L’éditrice avait dénoncé avec force les actes de Gabriel Matzneff, et toute la complaisance autour du personnage. Quelque peu oublié des médias, l’auteur n’a pour autant pas quitté la plume. Et s'apprête même à publier son prochain titre, Vanessavirus.
Le 02/02/2021 à 09:30 par Nicolas Gary
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Publié le :
02/02/2021 à 09:30
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L'ouvrage ne sort pas de nulle part : dans un courrier à BFMTV, en juillet 2020, l’auteur garantissait qu’il présenterait sa propre défense dans un livre. « Écrivain aujourd’hui honni, maudit, mais l’écriture demeure mon art, mon salut, par-delà le désespoir où j’ai été soudainement précipité. » S’estimant assassiné par la société française, « en bonne et due forme », il n’avançait pourtant pas de date de diffusion. Et pour cause.
Antoine Gallimard, dont la maison avait pris en charge les précédentes parutions, avait certifié qu’il n’était pas au courant de la sortie de ce livre, pas plus qu’il n’accepterait d’en être l’éditeur. Un ouvrage serait une réponse au Consentement, qu’il s’était promis de ne jamais ouvrir, afin de ne pas corrompre ce que Matzneff qualifiait de « durable et magnifique histoire d'amour ».
Et d’ajouter : « J'ai encore ses lettres de l’époque, et c'est ce beau souvenir que je veux conserver, et je ne veux pas le gâcher. »
Voilà manifestement quelque temps qu’un email circule, signé de Gabriel Matzneff : il annonce que le texte est prêt. L'oeuvre a même un titre : Vanessavirus. Mais pour ce qui est de sa commercialisation, il ne faut pas s'attendre à le retrouver en librairie comme les précédents.
« De toute évidence, plus personne ne veut le publier – ce qui se comprend », nous indique un destinataire, dépité, de l’email. « Il a donc décidé de passer par un système de souscription pour son prochain livre. » Souscription, ou pour les plus modernes, crowdfunding : un financement participatif, mais sans le volet 2.0 des plateformes classiques. Or, qui dit souscription, parle d'une diffusion restreinte – sous le manteau, comme dans les temps anciens ? – et forcément à travers une publication à compte d'auteur, payée par les souscripteurs.
Tant sur Facebook que Twitter, le nom du livre se retrouvait, ici ou là, pour qui savait décrypter et lire entre les lignes. Mais personne n'a manifestement mesuré ce que les messages véhiculaient. « Comment ne pas croire à une blague », observe un éditeur ? « On m'en avait parlé, mais étrangement, personne n'a reçu ce fameux courriel. » Ou n'ose l'exhiber...
Et pour cause : plusieurs personnes nous rapportent avoir « entendu parler de cette opération », quelques-unes, même, l’ont lue. Mais peu ont pris cela au sérieux. Ou alors trop. « D’abord, qui accepterait de souscrire à la publication d’un nouveau livre où il raconterait on-ne-sait-quoi – dans la même veine que ses précédents écrits ? Et puis, figurer dans la liste de la honte des financeurs du prochain Matzneff, personne aujourd’hui ne l’envisagerait », souligne un éditeur.
Évidemment, le titre ne laisse planer que peu de doutes : de Vanessavirus à Coronavirus, la connexion ne demande pas beaucoup d’imagination. « Il parlait de murmurer quelques ultimes paroles à Vanessa », nous confirme un destinataire. Mais également, d'évoquer la chasse à l'homme dont il se considère victime, apprend-on d'un autre.
Car l’opération ne s’est pas simplement déroulée par emails : « J'avais échangé quelques courriers après la lecture de ses romans, que j'admire, au contraire de ses Journaux. » Voici donc comment il reçoit « un courrier avec une sorte de coupon, qui proposait d’adresser un chèque d’un montant de 100 € pour un livre, et 650 € avec une dédicace », nous confirme-t-il. « Il y a un petit texte, signé par Gabriel Matzneff au dos, très crédible dans le style. Je me suis d’ailleurs demandé si tout cela était authentique ou non. »
En somme, une édition commune et une autre version deluxe, le tout publié sous le sceau du secret, donc sans aucune diffusion. Certains penchent pour « un projet authentique », d’autres considèrent que « c’est une forme de sénilité qui s’exprime : il s’imagine certainement, et encore, dans son bon droit ».
Selon nos informations, la publication de l'ouvrage est prévue au 15 février, ainsi que l'ont annoncé les auteurs de la souscription, en toute discrétion, aux souscripteurs.
La souscription a donc abouti. Et une question surgit : qui ? « Les soutiens n'auront certainement pas manqué », observe un éditeur. « Matzneff jouit encore d'un certain prestige, avec une garde rapprochée qui lui trouve un talent littéraire d'exception, nonobstant les accusations, et les faits. »
Parmi eux, on retrouve la revue Raskar Kapac, qui n’a jamais caché son enthousiasme pour Gabriel Matzneff. En septembre 2018, plus d'un an avant le scandale déclenché par les révélations de Vanessa Springora, sortait aux éditions du Rocher le numéro 13 de la publication. Décrite comme une « gazette artistique et inflammable », elle présente un opus entièrement consacré à l’écrivain et diariste (ou « diarrhéiste », selon le bon mot qui circule).
Par la suite, en décembre 2020, sans un bruit, mais avec quelques mots, sort Anthologie II, toujours avec une belle place accordée à Gab la Rafale, de son surnom hérité des camarades du régiment. « Raskar Kapac est une momie de papier fondée en janvier 2016 derrière laquelle se cachent trois amis : Archibald Ney, Maxime Dalle et Yves Delafoy. Pendant ces quatre dernières années, nous avons voulu faire réémerger des figures tutélaires et des phares inactuels », racontent les créateurs.
« Sans oublier la joie orgueilleuse de concocter un numéro sur Gabriel Matzneff, de l’exposer à nos lecteurs dans toute sa complexité spirituelle et existentielle ! De faire acte de vérité quand d’autres proclament avec outrance leur manichéisme… »
Et sur Facebook, de lancer cette déclaration :
Les frénétiques de l’actualité considèrent Gabriel Matzneff comme une espèce de croque mitaine ignoble. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Tous ces épurateurs de comptoir n’ont, pour la plupart, pas lu une seule ligne de Matzneff. Peut-être quelques mots scandaleux tirés de son journal intime ? Ce sont des feignants, des paresseux. Notre numéro Matzneff, et je le dis sans tortiller, est sans doute l’une des plus belles livraisons que nous avons réalisées en quatre ans. Nous avons réhabilité « M le Maudit » avant l’heure ! Et dans notre numéro, il ne s’agit pas de se faire l’apologiste de quels que mœurs que ce soit. C’est une étude approfondie et très riche de ce qui constitue l’univers complexe de ce brillant écrivain. Nous ne sommes ni procureurs, ni prêtres, ni avocats.
Je suis sidéré par le manque de mesure, de contexte, de distance, de la part des grands moralisateurs de notre temps. D’un côté les pharisiens de droite qui rêvent de rétablir quelque bûcher rédempteur… De l’autre, les néo-puritains de gauche qui veulent éradiquer du champ culturel tout ce qui n’est pas conforme à leur délire idéologique, à leur fantasme victimaire. Ces gens-là constituent une même division de caporaux épouvantables, qui ne comprennent rien à l’art et qui se rêvent en grands justiciers populaires.
Que les contempteurs de Matzneff aillent jusqu’au bout de leur démarche. Continueront-ils à vanter leur lecture chic de Pasolini (et ses mœurs inavouables ?) ou des poèmes de l’amoral luciférien Rimbaud ? Qu’ils épurent donc leurs bibliothèques !
Comment ne pas penser à ces quelques phrases d’Huguenin qui abhorrait tous ceux « qui dénonçaient, traquaient, lynchaient pour assouvir un appétit non de vengeance, mais de souillure, de dégradation, d’égalité. » (présenté en intégralité sur le réseau, cet entretien avait été publié dans L’incorrect)
Là où même Frédéric Beigbeder, penaud, avait fait amende honorable, que les éditions Gallimard avaient estimé judicieux de supprimer des titres de leur catalogue — bien qu’on en retrouve encore les romans sur le site de Folio — Raskar n’a aucune difficulté à affirmer qu’il « existe des artistes qui nous sont contemporains, c’est incontestable. Matzneff et Tesson en sont la preuve ».
Contactées par ActuaLitté, les éditions du Rocher (filiale aujourd’hui du groupe Elidia, anciennement groupe Artège, qui compte également Desclée de Brouwer et Artège, consacré au religieux et spirituel) assurent que la publication de Anthologie II clôturait la vie de la revue et leur collaboration. De fait, Raskar évoquait elle-même « l’ultime embaumement » pour présenter son dernier tome. À ce titre, il n’y a pas de lien direct avec la souscription lancée en faveur du livre de Gabriel Matzneff et l'éditeur de la revue.
Nous avons pu joindre l'équipe de Raskar Kapac, qui indique être dans une « position non pas morale, mais artistique », loin de « l’assassinat médiatique », et que ce livre, qu'ils ne produisent pas pour autant, représente « un objet pour bibliophile, collectionneur chevronné ». La revue travaille d'ailleurs à un tout autre projet, un numéro 1, accompagné d'une nouvelle maquette autour de l'écrivain François Augiéras, édité par l'association et non plus par Le Rocher.
ActuaLitté n'est pas parvenu à joindre Gabriel Matzneff pour avoir plus d'informations sur le contenu de son ouvrage.
Rappelons qu’à ce jour, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « agressions sexuelles par personne ayant autorité sur un mineur de 15 ans et viols » et « agressions sexuelles par personne ayant autorité ». Malgré plusieurs perquisitions, aucune mise en examen n’a pour le moment été effectuée : les enquêteurs tentaient aux dernières nouvelles d’obtenir d’autres témoignages que celui de l’éditrice.
Un jugement est cependant prévu pour le mois de septembre : cette fois, c’est pour apologie de crime que l’écrivain est nommé, devant le tribunal correctionnel. Mehana Mouhou, avocat de l'organisation L’Ange Bleu, qui portait plainte, le soulignait : la lettre ouverte du 2 janvier 2020 « dans laquelle il n’y a pas de déni, dans laquelle il présente sa relation avec Vanessa Springora comme un amour passionné. Cela suffit à caractériser les faits d’apologie de crime pédophile ».
Sollicité par l’AFP, l’ancien éditeur de Matzneff, Léo Scheer, confirma avoir reçu, comme d’autres, cette souscription : « J’ai reçu la lettre d’appel à une souscription, il y a trois semaines environ. Et je ne l’ai plus. Je ne l’ai pas gardée. Nous n’avons plus de liens avec Gabriel Matzneff. Comme les autres éditeurs, nous avons suspendu la commercialisation de ses livres. » Lui-même n’avait pas l’intention d’acheter l’ouvrage.
Quant aux édition du Rocher, elles assurent que « le livre nous été proposé à nous comme à de très nombreuses maisons qui n’en ont pas voulu. Nous n’avons aucune relation avec cet auteur ».
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ROUDIL
06/05/2024 à 18:00
J'ai beaucoup de livres de Gabriel Matzneff chez moi et j'en suis fière - je me fiche de ce que pense les moralistes de tout poil - S'il fallait se débarrasser des oeuvres écrites par des libertins, nous n'aurions plus grand chose à lire - je rappelle que d'autres écrivains s'encoquinaient facilement et nous ont donné des chefs-d'oeuvre comme Oscar Wilde, André Gide, Ronsard (tant pis pour Cassandre), Louis Aragon (sous le nez de sa chère Elsa).
J'ai toujours éprouvé beaucoup de plaisir à lire Gabriel Matzneff - il vit littéralement son écriture et entraîne son lecteur dans ses joies comme dans ses tourments. Est-il vraiment débauché ? Sans doute mais dans les années 60-70, la Thaïlande était très prisée pour ses jeunes éphèbes. Passez donc à Taormina en Sicile, lieu de prédilection pour les amateurs de superbes jeunes garçons qui s'offraient aux visiteurs affamés de jouissance et de beauté. André Gide n'a pas pu résister au déplacement mais s'est contenté d'admirer ces séducteurs assis sur le muret attendant le client .
Il y a beaucoup de belles photos dans certains magasins de cette ville. J'ai préféré chercher la maison de DH Lawrence que j'ai trouvée avec mon mari mais le propriétaire n'a pas voulu nous accorder une visite.
Gabriel Matzneff est un fervent orthodoxe presque mystique - Saint-Thomas d'Aquin était un grand noceur avant de rencontrer Dieu mais retenons ses paroles "faites-moi bon mais pas encore".