Une interview de l’écrivain Zeruya Shalev
Le 02/01/2008 à 18:28 par Clément Solym
Publié le :
02/01/2008 à 18:28
Lettres d’Israël, Le premier blog littéraire franco-israélien met en ligne une interview de l’écrivain Zeruya Shalev rencontrée à Jérusalem, près de l’endroit même où elle a été victime d’un attentat le 29 janvier 2004 qui a fait dix morts. Voici d’ailleurs ce qu’elle en a notamment écrit :
« tout à coup j’ai entendu un grand boum, mais plus que d’entendre l’explosion je l’ai ressentie dans mon corps, un souffle d’une extrême violence, comme si un immense pied s’était tendu du haut du ciel pour me donner un coup, me soulever dans les airs telle une poupée de chiffon et me projeter sur le trottoir… »
Pour autant, elle fait partie de ces auteurs israéliens qui refusent de parler de politique dans leurs publications de même que dans leurs interviews. Elle parle ainsi de son « entêtement à ignorer la violence de la réalité extérieure, à continuer d’écrire des romans qui tournent autour de la réalité intérieure, qui examinent l’âme humaine, universelle, qui parlent de la guerre des sexes et non de la guerre des peuples… »
Zeruya Shalev est née en 1959 en Israël. Elle a grandi à Bet Berl, près de Kfar Saba, avant de venir étudier la Bible à l’université de Jérusalem. Sa famille compte plusieurs écrivains, et elle a baigné dans une atmosphère où l’écrit et la littérature étaient valorisés au plus haut point. « J’ai commencé à écrire à l’âge de 6 ans, et mes parents me lisaient la Bible, mais aussi les grands classiques : l’Odyssée, Gogol, Kafka… ».
Cependant sa carrière a commencé tardivement. Ecrivant tout d’abord de la poésie, elle est ensuite passée à la prose pour publier son premier roman à 34 ans. Sa trilogie Vie amoureuse, Mari et Femme et Théra l’a fait connaître du grand public tant dans son pays qu’à l’étranger, devenant ainsi l’auteur israélien le plus lu en Europe.
Interrogé sur sa réaction face au succès rencontré, elle répond que c’est avant tout réjouissant : on écrit toujours pour être lu. C’est aussi une porte ouverte vers les rencontres multiples. Certains de ses lecteurs vont même lui dire qu’elle a changé leur vie…
Toutefois, elle ne se laisse pas dépasser par les événements : « L’écriture est un processus pur. Je ne pense pas à la réussite, je me contente d’écouter ma voix intérieure. »
Concernant la politique, elle réaffirme son refus d’aborder ce sujet dans ses fictions : « Mon écriture se déploie dans un territoire qui est indépendant de la politique. Je ne veux pas prendre la posture du « prophète » qui prédit l’avenir. »
Elle ancre sa plume dans les difficultés de la vie quotidienne lorsque l’on vit avec la peur du terrorisme. Mais ce n’est pas non plus cette seule image qu’elle veut faire passer. Israël est aussi un pays où les gens vivent comme ailleurs.
Avraham Burg, qui s’en prend au sionisme et à l’Etat d’Israël avec une virulence incroyable dans une interview est pour elle un préjudice énorme fait à Israël. « Je veux espérer qu’il s’agit d’un phénomène individuel et pas d’une tendance collective… Je voudrais relater une anecdote à ce sujet. Ma fille est soldate, elle se trouve actuellement à Sderot. Récemment elle a rencontré une famille venue de France. Elle leur a demandé s’ils préféraient la vie à Paris ou à Sderot, elle était certaine de les entendre répondre « à Paris »… Ils ont répondu sans hésiter, « à Sderot, car c’est notre pays ! ». Cela constitue à mes yeux la meilleure réponse possible à Avraham Burg, qui pense que le sionisme est mort. »
Ayant étudié la Bible hébraïque, elle reconnaît introduire toujours dans ses livres « une dimension métaphorique qui renvoie à l’histoire d’Israël. » Ce en quoi elle peut se reconnaître comme écrivain Juif.
Interrogée sur ses projets, elle répond en avoir fini avec sa trilogie. Ce sera une œuvre extérieure à cette série. « Mais en écriture il n’y a pas d’expérience acquise. C’est chaque fois un combat avec moi-même et un recommencement. »
Questionnée sur l’avenir, elle fait part de ses craintes mais aussi de ses espoirs : « Je n’ai jamais envisagé de vivre ailleurs qu’ici, même après avoir été blessée dans un attentat en janvier 2004. J’espère que nous ferons preuve de suffisamment de force et d’intelligence pour pouvoir continuer de vivre ici. Souvent on me demande à l’étranger : « comment faites-vous pour écrire en Israël, avec tous les événements ? ». Ma réponse est que cette tension nous maintient éveillés… Cette vie sous tension permanente m’aide à écrire, même si je préfèrerais que nous connaissions enfin la tranquillité ! »
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