Surprise de taille pour la poétesse Forough Farrokhzad, particulièrement célèbre en Iran, dont l'agence Ilna rapporte la déconvenue subie durant la Foire du livre de Téhéran. La capitale de l'Iran accueille en effet du 5 au 15 mai une belle manifestation littéraire, pour laquelle les livres de Farrokhzad n'étaient pas les bienvenus.
Le 10/05/2010 à 10:16 par Clément Solym
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10/05/2010 à 10:16
Les autorités ont en effet interdit la présentation de ses oeuvres poétiques, et mieux encore, les affiches la concernant ont été censurées de la même manière. Mais enfin, il faut les comprendre, les autorités. Quand on a affaire à une femme qui tentait d'ébranler les règles essentielles de la vie iranienne, il faut tout de même pouvoir la faire taire.
Même quand la femme en question est décédée voilà une quarantaine d'années, en 1967 !
La Foire remet les pendules à l'heure
D'ailleurs, on n'y trouve pas que cela, dans son oeuvre : lorsque la révolution islamique de 79 s'est imposée, les écrits de la poétesse, au charme envoûtant, autant que son mode de vie peu conforme aux attentes, n'ont pas plu. Durant les années 80, ses textes n'étaient vraiment pas accueillis avec ferveur par les défenseurs de la pensée en vigueur.
Déjà à l'époque de leur publication, on grinçait des dents... alors quarante ans plus tard, pas de raison que l'on laisse passer cela. Farrokhzad s'était faite voix féministe forte et écoutée, interrogeant les traditions iraniennes et les normes sociales qui régissent la vie d'une femme dans le pays.
Symbole dela littérature persane contemporaine, la poétesse avait également suivit des études cinématographiques en Angleterre et réalisée en 1962 un documentaire intitulé La maison noire. Elle y narre la vie de lépreux, un film qui remportera le Grand prix du documentaire au Festival Oberhausen, en 1963.
Cette interdiction qui l'a frappée lors de la Foire marque une fois de plus ce que les éditeurs dénoncent depuis la nomination du président Mahmoud Ahmadinejad, arrivé au pouvoir en 2005. La censure qui s'applique dans les parutions du pays se fait de plus en plus oppressante. Encore, une fois, les prétextes avancés pour justifier la censure tournent autour d'une décadence provocatrice dont les livres font l'apologie, ou encore d'insultes à l'égard de la religion.
Pas de place non plus dans un recueil de poètes
Dans même ordre d'idées, l'Iran a récemment publié un livre sur les poètes majeurs du pays et du monde. Et de nouveau Forough Farrokhzad était exclue. Et pour plusieurs raisons. Moustapha Omid, un des responsables du congrès qui se déroulait à Shiraz, explique que si la femme est connue en Iran, la diplomatie culturelle et gouvernementale ont fait que ses textes ne pouvaient pas figurer dans le recueil.
Ce livre, publié suite à de nombreuses recherches et études, précise-t-il, prenait en compte les opinions d'experts iraniens de la poésie. Une décision qui ne manquera pas d'attirer une fois encore les critiques internationales - pour peu qu'elles en soient informées - autant que les personnes engagées dans la promotion du droit des femmes.
Bien éloignée de l'image d'épouse et de mère que l'Iran a toujours voulu donner des femmes dans son pays, Forough Farrokhzad ne pouvait de toute manière pas rentrer dans le cadre qu'impose le président. Ce dernier avait déjà réaffirmé sa position sur ce point, estimant que les Iraniennes doivent consacrer plus de temps à élever leurs enfants - et travailler à temps partiel pour être plus présentes dans leur foyer...
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Par Clément Solym
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