L’Alliance internationale des éditeurs indépendants (réseau réunissant plus de 750 maisons d’édition dans 55 pays dans le monde) est née en 2002, face aux mouvements de concentration et de financiarisation de l’édition qu’André Schiffrin, entre autres, dépeignait. C’est aussi dans ces années 2000 que des éditrices et éditeurs en Amérique latine et Espagne parlaient de « bibliodiversidad » – bibliodiversité – une diversité et pluralité de voix à préserver, à défendre, à porter.
Le 06/05/2020 à 16:48 par Auteur invité
Publié le :
06/05/2020 à 16:48
crédit Alliance
Ce réseau s’est construit petit à petit – sur un temps long, indispensable pour forger des relations humaines solides, basées sur la confiance, l’amitié, la solidarité. En 20 ans, l’Alliance a fédéré des maisons de toute taille (1 à plus de 50 salariés), de tout format (coopérative, entreprise, association…), des quatre coins du monde, autour d’enjeux qui, on le constate dans le contexte actuel, demeurent essentiels :
À l’heure où l’ensemble des pays de la planète sont touchés par la pandémie, nous, éditrices et éditeurs indépendants des quatre coins du monde, vivons des situations sanitaires, sociales et économiques diverses. Nous faisons face à des réalités différentes, dans des temporalités différentes : enjeux immédiats en termes de survie d’une partie de la population (Inde, Madagascar, Indonésie…) ; une pandémie qui frappe dans des contextes de crise politique déjà installée (Haïti, Égypte, Syrie…) ; la quasi-absence ou la mise en place retardée de politiques publiques du livre (Cameroun, Gabon…) ; la résilience des maisons d’édition indépendantes face aux mastodontes (Australie)…
Si nos réalités sont diverses, nos préoccupations restent collectives : fragilité des structures indépendantes, incertitude des lendemains, inquiétude sur des dérives possibles (société de surveillance, pression sur les salariés, virtualisation des apprentissages…).
Nous sommes en perpétuel questionnement, pour tenter de comprendre notre monde : quoi faire, comment, avec qui, à quel rythme ?
Nous avons besoin de temps, pour comprendre, réaliser – ce temps, nous voulions le prendre d’ici 2021 et nos Assises “REpenser et célébrer”. REpenser : rester un acteur éveillé et créatif, agir, en termes d’écologie, d’économie sociale et solidaire, de nouvelles approches des lecteurs, de pratiques coopératives entre professionnels, de liberté d’éditer, de fair speech…
Dans une perspective à long terme, nous pouvons déjà interpeller les organisations internationales et les pouvoirs publics pour la mise en place de politiques publiques du livre.
L’absence ou la quasi-absence d’accompagnement et de soutiens des pouvoirs publics est une constante dans bien des pays… et devient criante en situation de crise. La cartographie des politiques publiques du livre en Amérique latine et en Afrique subsaharienne, que nous avons entamée en 2018 et qui est aujourd’hui disponible en ligne, en est une photographie concrète : nous renvoyons ici aux propositions et recommandations que nous formulions en 2014, à l’origine de cette cartographie.
« Dans les pays où elles sont faibles ou absentes, nous appelons les gouvernements à mettre en place au plus tôt des politiques nationales du livre favorables au développement culturel et à la démocratisation du livre et de la lecture. Ces politiques, dans leur élaboration et leur mise en œuvre, doivent impliquer fortement tous les acteurs de la chaîne du livre, de même que la société civile.
Elles doivent renforcer la filière du livre de chaque pays et contribuer à soutenir la production locale, la diffusion et l'accès de tous au livre, en particulier par la mise en place de mesures réglementaires et fiscales adéquates, et par la multiplication des espaces de lecture, notamment des bibliothèques publiques.
Elles doivent porter aussi bien sur le livre papier que sur le numérique et favoriser leur complémentarité. Il est aussi indispensable, dans le contexte de la mondialisation, que ces politiques nationales se voient prolongées par des politiques régionales et internationales. Celles-ci doivent permettre une circulation équilibrée des œuvres et une régulation du marché du livre pour contrer les velléités prédatrices des grands groupes internationaux, qu'ils soient numériques ou non. »
Nous nous inscrivons ainsi pleinement dans la déclaration publiée le 20 avril 2020 par plusieurs organisations internationales, invitant les agences de l’ONU, les gouvernements et autres parties prenantes à soutenir la culture dans le contexte de la pandémie.
Dans une perspective à court terme, nous manifestons notre solidarité envers les lectrices et lecteurs, pour qui l’offre numérique représente une possibilité d’accès aux livres.
Néanmoins, nous tenons à rappeler certains des revers et dangers de ce « tout numérique » :
Nous sommes solidaires de l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre : associations et collectifs professionnels nationaux et régionaux (nous saluons à ce titre la tribune “Nous sommes en crise” publiée par un collectif de maisons d’édition et d’acteurs professionnels indépendants en France) ; libraires (nous travaillons de concert avec l’AILF, pour que les librairies ne soient pas les laissés-pour-compte d’un mouvement « tout numérique » notamment) ; créateurs ; bibliothécaires ; free-lance (graphistes, designers, correcteurs…) ; imprimeurs… mais aussi des lectrices et des lecteurs.
Nous les remercions vivement pour leur soutien, leur amitié, leur solidarité.
« Si l’édition indépendante est toujours aussi vivace, c’est parce qu’elle répond à une nécessité, mais aussi parce que les éditrices et éditeurs ont su se mobiliser pour se faire entendre et se fédérer. Aujourd’hui plus que jamais, la solidarité est de mise. » (Extrait de la Déclaration internationale des éditeurs et éditrices indépendants 2014, Le Cap, Afrique du Sud)
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