ROMAN ÉTRANGER – Je ne sais pas vous mes licornettes et licorneaux, mais votre amie ailée est d’une humeur bien maussade. À l’image du ciel. Lourd, gris, proche de la rupture. Je devrais pourtant astiquer ma corne en vue de mes futurs périples célestes dans un rayon de 100 km. Je devrais brosser mon pelage afin de me préparer à revoir mes amis, enfin quatre de mes amis. Eh bien non. L’approche de ce déconfinement va de pair avec les doutes, les incertitudes, les fake news, les angoisses.
Le 12/05/2020 à 11:47 par La Licorne qui lit
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Publié le :
12/05/2020 à 11:47
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Et la peur : peur que l’on nous délivre pour mieux nous emprisonner, plus tard ; peur que nous fassions n’importe quoi au nom de notre liberté retrouvée ; peur d’un « monde d’après » quelque peu désemparé face aux conséquences désastreuses de ce truc qui nous est tombé dessus. Vous aurez compris que pour un animal totalement obsédé par le contrôle, à savoir moi donc, cette situation n’a rien d’une sinécure. Ainsi, comme à mon habitude, j’ai plongé les pattes les premières dans une nouvelle lecture. Confortablement adossée sur ma cloud-chair, j’ai profité des rares rayons dont le soleil nous a gratifiés ce week-end.
Greendale, Mississippi. 2003. Billie pénètre dans la maison où elle a vécu autrefois, avec son père. « La maison est là, posée, trapue. » Un calendrier des frères Kennedy. Un poster de Martin Luther King. Un sac de couchage. Un flingue dans une chaussette. Billie ne va pas rester très longtemps. Elle se souvient de cet endroit sans vraiment s’en souvenir. Il faut dire qu’elle était petite Billie quand son père est mort. Son père, militant de la première heure, voix de la communauté noire, poète de renom et romancier, qui n’a jamais trouvé le public qu’il aurait mérité. Cliff James est mort en 1972 en tombant sur une pierre. Tout du moins, selon l’enquête effectuée à l’époque des faits.
Trente ans après cette nuit tragique, Billie James revient donc sur les traces de son passé, dans un Mississippi qui a changé sans vraiment changer. Billie est l’enfant du mélange. Un père noir, descendant d’une famille d’esclaves. Une mère blanche, Pia, universitaire spécialiste du Moyen-âge. Des parents divorcés. Comme Billie, Cliff est aussi revenu chez lui, après un exil new-yorkais. « Parce qu’il le fallait, je suis revenu, car le sang m’appelait et c’était mon sang déjà là, dans le sol. » Billie est aujourd’hui orpheline. Sa mère a été emportée par un cancer.
Et suite au décès de sa grand-mère Ruby, femme qu’elle a à peine connue, elle hérite de cette vieille cabane délabrée et bouffée par les mites ; de Rufus, ce chien qui deviendra son compagnon ; et de 5000 dollars. Pour Billie, ce retour dans le Sud est difficile, elle qui a grandi à Philadelphie avec sa mère, une mère qui a obstinément refusé de remettre les pieds dans le Delta, car « tout y est minable. Tout y est déglingué ». Billie n’a jamais été assez noire, ni jamais assez blanche. Billie n’a jamais trouvé sa place. Billie n’a jamais compris ce qui était arrivé à son père. Présente au moment du drame, elle n’a conservé que des bribes, des flashs et ce qu’on lui en a raconté et caché.
Billie revient, sans le savoir, pour dénouer les fils de son histoire, de l’histoire de ses parents, de l’histoire de terres qui continuent à diviser, exclure et punir ceux qui n’ont pas la bonne couleur de peau. Peu à peu, la jeune femme commence à poser des questions ; elle fouine dans les archives ; elle épluche les rapports de police. Elle retrouve son oncle Dee et sa cousine Lola, qui lui en apprennent un peu plus tout en restant sur leurs gardes. Elle se rapproche des McGee, famille de blancs qui employait sa grand-mère.
Elle découvre des poèmes de son père cachés sous les lattes du plancher. Peu à peu, les langues se délient, les versions se modifient, les hostilités se déclenchent. Peut-être que la mort de Cliff James n’était pas un accident. Peut-être que ses combats et ses mots ont dérangé certains. Mais à force de chercher, Billie va trouver. Et elle va se faire mal, au propre comme au figuré. Car à Greendale, on préfère de pas déterrer les cadavres. Tous veulent que Billie laisse tomber. Mais, elle est courageuse notre Billie. Elle persévère, malgré les silences, les menaces et les regards qui se détournent.
Avec l’aide de Melville Hurley, universitaire afro-américain qui travaille à une biographie de Cliff, et d’une ancienne petite-amie de son père, Billie va recoller les morceaux d’un puzzle dont les pièces ont été dissimulées, manipulées, redécoupées. À ses risques et périls, le Mississippi n’est pas la Pennsylvanie. Cette absence de 30 ans la protège assurément contre la résignation dont font preuve ceux qui sont restés. Elle n’est pas habituée à cette frontière, invisible qui sépare ceux qui ont et ceux qui n’ont pas ; ceux qui ont des droits et ceux qui en auront toujours moins. Billie a en quelque sorte oublié ce que signifie de ne pas être blanc dans le Delta du Mississippi. Cette quête de vérité lui permettra de renouer avec ses racines et prendre conscience de son héritage, le vrai fait de violences iniques et de crimes impunis.
Premier roman de Chanelle Benz, elle-même métisse, Rien dans la nuit que des fantômes, est présenté par l’éditeur comme un polar. Polar, roman noir, roman initiatique, roman historique, l’auteure mêle avec succès les genres. Dans cette étrange ambiance humide et sombre d’un Sud peu accueillant, on suit une jeune femme, intrépide, candide, déterminée, qui souhaite rendre justice à son père. En chemin, elle rendra hommage à tous ceux qui ont osé braver les lois, qui ont osé de ne pas rester à leur place.
Grâce à une écriture sensible, qui allie dialogues, descriptions de cet environnement étouffant et réflexions intérieures, Chanelle Benz nous fait avancer avec Billie et grandir avec elle. Le lecteur ne sera pas surpris par le dénouement, mais il le sera en (re)-découvrant une Amérique qui est très loin d’avoir chassé tous ses fantômes. Ce livre met en lumière la situation des minorités dans un pays qui a élu Barack Obama, qui a élu Donald Trump. En cette période incertaine, une constante demeure, effrayante, désespérante : les discriminations n’ont pas disparu et les inégalités sociales provoquent des effets catastrophiques.
Les études arrivent toutes à la même conclusion : aux États-Unis, les Noirs sont particulièrement touchés par le COVID-19, et selon les Etats, ils sont les principales victimes du virus. Rien dans la nuit que des fantômes nous rappelle avec force que des siècles de ségrégation et d’esclavage ont relégué une proportion très élevée de Noirs dans des quartiers pauvres et surpeuplés où l’accès aux services de santé est largement insuffisant. Il serait peut-être temps de réfléchir et trouver des solutions à cet état de fait intolérable…
Sur ce mes licornettes et mes licorneaux, je vais méditer un peu pour me préparer à lundi. Les voitures, la pollution, l’excitation, les transports publics… Ce retour à la normale demande un conditionnement mental et physique à ne pas sous-estimer. « Le monde d’après »… On se demande bien ce que cela veut dire… Je vous souhaite un beau premier week-end de déconfinement et promis, je reviens vite.
Chanelle Benz, trad. David Fauquemberg – Rien dans la nuit que des fantômes – Seuil – 9782021344202 – 21 €
Paru le 05/03/2020
320 pages
Seuil
21,00 €
2 Commentaires
loutre
12/05/2020 à 20:03
Non, vos lecteurs passés l'âge de sept ans - âge de raison dit-on - ne sont pas les licorneaux et les licornettes de vos chroniqueurs.
Certes, le lieu commun du caractère masturbatoire de l'écriture nous prévient, mais la personne qui écrit n'eut_elle pas mieux fait de "s'astiquer la corne" en toute discrétion plutôt que de le proclamer à tout vent dans un article dont on comprend, parce que la narration est spoilée, trop tard qu'il s'agit d'un polar.
Le thème grave et politique de la ségrégation après une telle entrée en matière, un rien niaiseuse ou rien moins que niaise en fait, apparaît une incongruité, tout comme les considérations COVID / misère du monde noir américain.
Bref cet aticle n'a ni queue ni tête ou alors... trop de queue et pas assez de tête.
Manon Balletti
14/05/2020 à 14:25
Et bien, voilà un trop long article qui ne donne pas du tout envie de lire le bouquin ! Celui-ci m'a l'air tout en clichés, suivant le modèle du genre, avec des personnages consternants de mièvrerie, des thèmes éculés traités de la façon qu'on prévoyait et je parie que la fin est téléphonée ! Evidemment, on ne peut juger que sur pièce, ce que je ne ferai pas !