Le nouveau livre de l’historien néerlandais Rutger Bergman met à jour l’histoire vraie, mais méconnue, de six garçons piégés sur une île déserte du Pacifique pendant plus d'un an. Intitulé Humankind - a Hopeful History l’ouvrage propose une vision optimiste de l’humanité : les naufragés, bien réels, auraient survécu en s’entraidant et en coopérant.
Le 13/05/2020 à 14:50 par Gariépy Raphaël
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Publié le :
13/05/2020 à 14:50
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Voilà une heureuse nouvelle pour les lecteurs traumatisés par Sa Majesté des mouches, le roman culte de William Golding (traduit par Lola Tranec-Dubled). L'ouvrage publié en 1954 et édité en France en 1956 narrait l’histoire d’une dizaine de garçons anglais piégés sur une île déserte après le crash de leur avion. Livrés à eux-mêmes au sein d’une nature paradisiaque, les enfants oublieront rapidement les schémas sociaux de la rigide société britannique pour se lancer dans un mode d’organisation plus tribal, vénération d’idole païenne et sacrifice humain à l'appui.
Sans organisation autoritaire, nous affirme ainsi Golding, l’homme redescend à un état proche de l’animal où les brutes font la loi et où les faibles sont torturés et tués pour le seul crime d’exister.
Le dernier livre de Rutger Bergman va l’encontre de cette philosophie. Dans son texte il conteste le scénario dystopique du roman de Golding en s'appuyant sur l’histoire vraie de six garçons bloqués, dans les années 60, sur une île déserte au sud de Tonga pendant plus d'un an. Là-bas, pas de chasse à l’homme ni de combat à mort pour le pouvoir, les adolescents ont survécu parce qu'ils vivaient en harmonie, coopérant les uns avec les autres, s'aidant les uns les autres. Deux des anciens naufragés, Peter Warner et Mano Totau, sont d’ailleurs toujours très proches et se voient régulièrement.
Le fait d’apprendre que l’homme n’est pas par essence mauvais devrait ensoleiller votre journée. Malheureusement le livre de Bergman permet surtout de ressusciter une vieille querelle philosophique.
Pour le néerlandais la croyance selon laquelle les êtres humains sont par nature égoïstes et gouvernés par leurs intérêts personnels est insupportable. Auteur de Utopie pour Realiste (traduction par Jelia Amrali) et initiateur du revenu universel aux Pays-Bas, l’historien tente dans son travail de déconstruire les réflexes pessimistes de la pensée occidentale sur la condition humaine.
Il critique pour cela toute une tradition philosophique de Machiavel à Hobbes, de Freud à Dawkins. L'instinct de coopération plutôt que de compétition, la confiance plutôt que la méfiance seraient les bases sur lequel reposent l’évolution de l'Homo sapiens. La célèbre maxime « l’homme est un loup pour l’homme » tiré du Léviathan l’ouvrage central de Hobbes, est pour lui ancré de façon artificielle dans les sociétés modernes.
Le Néerlandais semble vouloir ressusciter le mythe du bon sauvage, popularisé par Rousseau, qui présente un homme bon par nature, gouverné par le sentiment de pitié mais corrompu par la civilisation. Comme le philosophe des lumières avant lui, Bergman est engagé politiquement et tente d'ancrer ses idées dans le monde.
En critiquant Sa Majesté des mouches il s'attaque à un ennemi de taille. Golding nous a offert un roman désespéré, et si les conclusions sur le rôle de central de l'autorité dans la civilisation, pour le moins extrême, peuvent paraitre dépassées, le roman continue cependant d'impacter ses lecteurs. La force narrative intacte de l'ouvrage lui permet, encore aujourd’hui, de façonner nos opinions sur le caractère bon ou mauvais de l'âme humaine.
Il ne reste plus qu'à espérer, pour le futur de la social démocratie, qu' Humankind, a Hopefull History soit aussi inspirant. Pour le savoir rendez vous le 19 mai prochain, date de publication de l'ouvrage en langue anglaise.
Via the conversation
3 Commentaires
NAUWELAERS
14/05/2020 à 00:02
Petite erreur de titre alors que le site The Conversation a un nom anglais:
Hopeful non hopefull...
Piesti
14/05/2020 à 08:12
enfin ! un auteur qui regarde au-delà des "théories fumeuses" quand elles ne sont pas criminelles (cf le darwinisme social) pour nous montrer ce qui est. D'autres auteurs, des scientifiques, ont aussi montré que l'évolution est autant basé sur la coopération que sur la lutte et que d'ailleurs ce n'est pas "le plus fort qui gagne" mais le plus apte au changement.
Py
14/05/2020 à 10:03
Entièrement d'accord ! Le plus fort n'est pas l'égocentrique qui a peur de l'autre et cherche à l'écraser. C'est celui qui, au contraire, sûr de sa force, collabore avec l'autre pour bâtir un monde meilleur.