Wilhelm Reich était un bonhomme sympathique. En tout cas, ses idées sur la capacité de l'orgasme sexuel à guérir tous les maux d'une société méritent d'être entendues. C'est d'ailleurs auprès d'écrivains comme Salinger, Bellow ou Mailer qu'il a connu un vif enthousiasme.
Débarqué à New York en 1939, Wilhelm Reich appartient à la deuxième génération de psychanalystes, élèves de Freud. Mais également à cette génération qui va découvrir la Seconde Guerre mondiale, et son lot d'horreurs. Mais voilà donc Reich, qui surgit dans une Amérique puritaine, certes, mais passablement obnubilée par le sexe - et le psychanalyste ne vient pas seul : il est l'inventeur de l'expression « révolution sexuelle », et compte bien se servir de ce vaste territoire pour démontrer ses propos.
Déjà, dans une étude publiée en 1927, il explique combien l'orgasme est le souverain médicament - y compris contre le fascisme, qui provoque son départ de l'Europe. Raillé par ses confrères et les tenants du marxisme, qu'il avait tenté de réconcilier dans ses théories, il est surnommé « prophète de l'orgasme plus grand et meilleur ». Quant aux nazis, ils l'accuseront de conspirer avec les juifs pour saper les fondements de la société européenne - et ses livres furent allégrement brûlés.
De la théorie, à la machine
Évangéliste du sexe, il va, peu après son arrivée, créer une machine dingue : l'Orgone Energy Accumulator, grosse armoire en bois, grande comme une cabine téléphonique, le tout isolé avec de la laine d'acier. Un catalyseur d'énergie sexuelle, qu'il souhaite capable de traiter les dépressions autant que le cancer. Et il va jusqu'à demander à Einstein de jeter un oeil sur sa boîte, pour confirmer ses dires. Mais le scientifique, passées deux semaines d'investigation est formel : c'est du pipeau.
Sauf qu'entre les années 40 et 50, la boîte magique est devenue une mode. De grandes figures de la littérature y ont recours - citons Salinger, Kerouac, Ginsberg, Burroughs. Pas très étonnant d'y retrouver les leaders de la Beat Generation. Burroughs écrit même dans un article pour le magazine Oui, quel orgasme fantastique il est parvenu à atteindre dans la boîte . Et en 1973, c'est la consécration, lorsque Woody Allen parodie la boîte magique, en lui donnant le nom d'Orgasmotron.
On se doute qu'avec tous ces éléments Reich fut mis sous haute surveillance - son dossier au FBI est impressionnant, avec 798 pages - et lui valut même un internement, sous l'accusation explicite de communisme. Mais l'Après-Guerre le fit jouir d'une réputation puissante : finalement, dans cette époque de désenchantement, à la découverte des camps de concentration, l'idée que le sexe puisse devenir le remède à tout fait son chemin.
Libération par le sexe
Plusieurs variantes de la machine virent également le jour, depuis sa grande, située dans le Connecticut. Et Norman Mailer lui donnera mille fois raison, assimilant la boîte à celle de Pandore, mais qui servirait, au contraire, à se départir de ses angoisses et de ses traumatismes, par le biais de l'orgasme.
Ses livres, autoédités, sur le sujet, furent saisis, lorsque le gouvernement américain décida qu'il dépassait les bornes, affirmant que la puissance de l'orgasme était à même de servir de ligne de défense contre une possible invasion extraterrestre. On taxe ses livres de publicités mensongères, ils sont brûlés et en dépit des protestations de l'American Civil Liberties Union, les autodafés se poursuivent - d'ailleurs, on soupçonne l'association d'être à la solde d'un mouvement subversif...
Reiche mourra le 3 novembre 1957. Si ses travaux avaient une vocation philosophique forte, il sera finalement devenu gourou malgré lui. Il existe toujours des modèles de la fameuse boîte magique, probablement parce qu'elle continue d'incarner une vision moderne de la sexualité, et de l'épanouissement, dans toute une société. De la révolution sexuelle, à la liberté par le sexe, finalement, il n'y a qu'un pas... pour prendre son pied.
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