En Chine, pour désintoxiquer les jeunes accros aux jeux vidéo, certaines méthodes discutables sont employées. Mais le constat est là : que ce soit l'addiction aux jeux ou aux informations, notre époque est malade. Sérieusement. Alors, c'est grave, docteur ?
Le 05/11/2011 à 13:13 par Clément Solym
Publié le :
05/11/2011 à 13:13
Eh bien, pour le musée de la Communication situé à Berne, plutôt, oui. Mais à tout mal, son traitement. Et nos voisins suisses ont déployé une solution plutôt amusante. En effet, le visiteur intoxiqué est ‘interné', durant sa visite, et découvre immédiatement une salle, dans une semi-pénombre, qui contient 12.000 livres posés sur des étagères.
Fragile humain...
Pourquoi ce chiffre ? C'est que chaque jour, l'ensemble des informations publiées dans le monde représenterait 12.000 ouvrages. Et Jacqueline Strauss, directrice du musée pointe ce flot de données qui nous parviennent, le comparant à une forme d'alimentation de l'esprit. « On peut manger trop, on peut toujours manger la même chose (...), cela fait du mal, mais si on a une alimentation équilibrée c'est sain, cela fait plaisir, c'est confortable. »
Pour les experts, souligne l'AFP, un humain est en mesure de lire un livre de 350 pages, dans une journée, à condition qu'il n'ait rien d'autre à faire. Cependant, notre consommation d'information est aujourd'hui gargantuesque, et la production plus importante encore.
Débordant, littéralement, d'informations
En accumulant presse écrite, papier ou internet, les emails, les échanges par mobile, la télévision et la radio, on arriverait à une somme de 7,335 milliards de gigaoctets. Pour donner une certaine mesure, un livre numérique pèse grosso modo 2 mégaoctets, et 1 Go (gigaoctet) représenterait donc 500 ebooks.
La somme des informations produites, tous médias confondus, représenterait donc des milliards de livres (numériques ou pas). Et pas étonnant que dans ces conditions, certaines professions, particulièrement axées sur l'absorption de données, connaissent des augmentations de cas de burn-out, ce pétage de plomb à cause d'un surplus d'éléments à gérer...
S'en sortir ?
La suite de la visite propose une cure de désintoxication plus interactive. On répond tout d'abord à un questionnaire qui permet de définir le niveau d'addiction.
En fonction, le visiteur est réorienté vers quatre portes, selon son niveau de dépendance. Un traitement adapté s'ensuit, plus ou moins intense selon la couleur de la porte : séance de médiation dans une salle adaptée et relaxation obligatoire pour la porte rouge ou derrière la orage, plus dans un décor naturel, avec caillou part terre et petit bruit de ruisseau...
La verte, évidemment, c'est que vous n'avez aucun problème... Ce qui en soi est peut-être louche... C'est que, attention, si l'on ne souffre pas des symptômes de la dépendance à l'information, c'est peut-être que l'on est de l'autre côté de la barrière, précise la directrice. En effet, « on n'est pas seulement une victime, on est aussi coupable ». Après tout « chacun produit des informations »...
Plus d'informations sur la page Facebook (en allemand)
Pour l'exposition, qui se tient du 4 novembre au 15 juillet, Attention : Communiquer nuit, on pourra se référer à la page du Musée, en français.
Addiction générale, ou la drogue chiffre
On pourra aussi se reporter au livre d'Isabelle Sorente, sorti cette année aux éditions JC Lattès, évoquant plus largement les enjeux de ce qu'elle qualifiait « d'addiction générale ».
« Nous sommes devenus des addicts de la preuve, et de la valeur numérique qui matérialise cette preuve. Dans notre monde, tout doit être compté. Voyez l'émoi soulevé, en 2010, par le passage du nuage de cendres islandais dans le ciel d'Europe. Aussitôt, il s'est transformé en nuage de chiffres : vitesse, trajectoire, manque à gagner pour les compagnies aériennes. .../...
Ce calcul permanent, cette transformation de la réalité en chiffres, nous conduit à l'illusion d'une maîtrise absolue. Tout est sous contrôle, pensons-nous, pourvu que tout soit compté. Ce rêve de maîtrise totale, c'est exactement la logique de l'addiction. Nous dépendons des chiffres pour vivre, et pour appréhender le réel. »
Commenter cet article