Alors que l'on s'approche de la remise du Prix des Prix, qui récompensera l'un des lauréats des diverses récompenses remises parmi les grands prix de l'automne, un petit retour sur les ouvrages récompensés s'impose.
Le 18/11/2011 à 10:47 par Clément Solym
Publié le :
18/11/2011 à 10:47
Personne n'aura oublié que le centenaire de la maison Gallimard aura facilité la véritable rafle opérée par l'éditeur, ou ses filiales. À commencer par le Goncourt d'Alexis Jenni et son Art français de la guerre. Au final, Gallimard & Co auront fait moisson de la moitié des titres à empocher.
Or, c'est un autre fil rouge qui semble relier les titres promus cette année. L'idée s'impose que cette année, les différents jurys ont souhaité, consciemment ou non, récompenser des textes puisant dans le réel, plus que jamais, leur inspiration.
Tous n'ont pas puisé dans l'histoire ou la géopolitique, bien que l'on puisse mettre en relation Sorj Chalandon (prix du roman de l'Académie française), Jenni et Morgan Sportès (Interallié), sur ce thème.
Indochine et Algérie pour Jenni, qui nous précipite dans vingt années de colonialisme et de guerres idoines, pour finalement rejoindre la problématique identitaire des générations qui ont suivi les vagues d'immigration...
Pour Chalandon, c'est la fascinante Irlande du Nord et IRA, qui retient l'attention. Retour à Killybegs, c'est un homme, Denis Donaldson, acquis à la cause de l'IRA, qui finira par avouer qu'il fut traître durant un quart de siècle. Un homme rencontré par l'écrivain, et dont le récit est poignant.
Ou encore le fameux Gang des barbares, dans Tout, tout de suite, et le kidnapping d'un jeune juif, les trois hommes ont été largement inspirés de faits historiques pour guider leur narration. Pourtant, et à plus d'un titre, l'histoire de Sportes semble créer un pont entre les deux grandes orientations.
Plus axé sur une petite histoire, le livre serait à la croisée des chemins. Si Jenni et Chalandon s'ancrent dans une histoire devenue part intégrale de la culture mondiale, l'affaire dont traite Sportès est une démonstration de ce que l'antisémitisme a pu manifester de plus sordide. Mais l'histoire, si elle résonne avec une dimension universelle, est bien située en région parisienne, et opère un focus plus centré, tant géographiquement qu'au niveau personnel.
Face à ces deux romans, et celui, intermédiaire, de Sportès, le Femina de Simon Liberati et le Renaudot d'Emmanuel Carrère revendiquent tous deux l'histoire d'une personne, en se focalisant strictement sur l'individu. Mais là encore, avec une volonté de raccrocher avec l'histoire, celle qui sert à faire rejaillir la personnalité choisie.
Pour Liberati, c'est Jayne Mansfield 1976, sex-symbol hollywoodien, morte d'un accident de la route à 34 ans. « Elle était devenue une gigantesque attraction foraine. Une de ces femmes qui ayant fini d'être belles deviennent des monstres », comme la désigne Libertati. Une femme démente et fascinante, finalement.
Et une personnalité tout aussi attirante que celle d'Édouard Limonov, que Carrère a pris pour sujet de son liver éponyme. Avec une biographie folle de quasi « vagabond aux semelles de vent », comme disait Rimbaud, Limonov est exemplaire. Intellectuel rejeté en Russie, clochard à New York avant de devenir valet de chambre d'un milliardaire, puis politique, de retour en Russie, fondateur d'un mouvement interdit, le parti national bolchevik...
On le voit, les prix de 2011 avaient quelque chose de très éloigné de la plus stricte fiction. Un raccrochement d'avec la réalité qui n'étonnera peut-être pas, alors que celle-ci semble échapper à toute rationalité autre que capitalistique ces derniers temps.
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