Tout aussi passionnantes que celles du Vatican, il existe quelque part en Suède des archives, qui classent et rangent toutes les discussions et échanges entre les membres de l'Académie Nobel. Une main de fer garde ces secrets à l'abri des regards durant 50 années, au terme desquelles les archives sont rendues publiques. Et en 1961, l'auteur du Seigneur des Anneaux était en lice pour la suprême récompense littéraire...
Le 05/01/2012 à 14:46 par Clément Solym
Publié le :
05/01/2012 à 14:46
Tolkien. Rien qu'à le prononcer, le nom fait vibrer. Des millions de livres vendus, des millions d'entrées pour l'adaptation réalisée par Peter Jackson, un univers qui a donné naissance à la fantasy, par le syncrétisme de multiples et diverses légendes nordiques... Tolkien, l'homme qui avait même inventé une langue et sa grammaire, histoire de passer le temps, entre la poire et le fromage.
Et pourtant, jamais de prix Nobel de littérature.
C'est dans le Sydvenskan qu'un journaliste suédois a dévoilé ce qui s'était déroulé durant cette année 1961.
En ce temps de discussions farouches, plusieurs grands noms de la littérature d'alors fusent et l'on hésite à désigner celui qui incarnera toute une année durant, l'homme des Lettres mondiales. Ainsi, défilent Lawrence Durrell, Robert Frost, Graham Greene, EM Forster et le bien nommé Tolkien. La prose de ce dernier profitait pourtant d'un fort soutien, son ami CS Lewis avait fait valoir auprès de l'un des membres du jury, Anders Osterling, combien la narration de Tolkien avait atteint une qualité rare.
En face, Robert Frost est quasiment exclu d'office, du fait de son grand âge : le poète américain a 86 ans, « un obstacle fondamental » estiment les jurés qui classe le dossier sans suite. On se souviendra pourtant qu'en 2007, c'est Doris Leissing qui avait été récompensée, à l'âge de 87 ans. Autre époque, autres moeurs, certes, mais il est vrai que les femmes vivent plus longtemps.
Et puis l'année passée, c'est le poète Saint-John Perse qui avait été récompensé - « C'était de très grands vents sur toutes faces de vivants... » Pas question d'en faire deux à la suite.
Et puis, il y a Greene, dont le style heurte la sensibilité des lecteurs suédois, avec un genre d'un goût douteux, « à cause de sa préoccupation monomaniaque pour les complications érotiques ». Et puis, il y a cet écrivain italien, Alberto Moravia, qui « souffre d'une forme de monotonie générale ». Pas de quoi déchainer les foules, donc.
Mais alors, quid de Tolkien ? Eh bien l'homme aura tout simplement souffert d'un manque d'intérêt de la part de la critique universitaire. Peu considéré, pas ou peu étudié, Tolkien sera écarté, et finalement, la recommandation de CS Lewis ne lui aura été d'aucune aide.
En 1961, tout le monde l'a oubié ou presque, c'est donc Ivo Andrić, auteur né en Bosnie-Herzégovine qui sera le lauréat de l'académie. Cet écrivain yougoslave qui aura publié une douzaine de livres va donc griller la place de tous les autres.
« Aujourd'hui, on compte traditionnellement près de 300 suggestions chaque année - à l'époque, cela tournait plus souvent autour de 50. N'importe qui peut proposer un candidat. L'Académie invite certains universitaires, d'anciens lauréats et d'autres représentants d'institutions à présenter quelqu'un - voire à se présenter eux-mêmes », conclut le journaliste suédois, Andreas Ekström, cité par le Guardian. C'est à ce titre que Lewis avait pu proposer le nom de Tolkien...
Par Clément Solym
Contact : clements@actualitte.com
Commenter cet article