Cette image de cheval emporté dans son élan, pris d’une forme de furie ne pouvait mieux illustrer le célèbre roman de JD Salinger. The Catcher in the Rye, connu en France sous la traduction de Jean-Baptise Rossi, puis Annie Saumont, L’Attrape-cœurs, a figuré parmi les livres interdits. Et c’est bien dans l’interdit que les lecteurs s’épanouissent le plus.
Le 21/07/2020 à 12:08 par Nicolas Gary
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Publié le :
21/07/2020 à 12:08
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Salinger était entier. Jusque dans les couvertures de ses livres : selon lui, toute illustration entraînerait un prisme influençant la lecture. Le tout avec des idées préconçues, venant d’un illustrateur totalement extérieur au roman. Dans ce contexte, comment imaginer que le cheval élancé qui servit de couverture à l’édition de juillet 1951 (sorti chez Little, Brown) aurait vu le jour sans le plein accord de l’écrivain ?
Et pour cause : c’est un proche qui la réalisa, E. Michael Mitchell. Ce dernier vivait dans le Connecticut, où il passa une partie de son enfance en compagnie de Salinger. L’artiste né au Canada (1920-2009) nous aura aussi légué quelques lettres échangées avec le romancier, comme autant de précieux témoignages sur un homme particulièrement silencieux.
Pour certains, il s’agit d’une référence à l’avant-dernier chapitre du livre, alors que le jeune Holden chevauche une monture dans un carrousel de Central Park. Mais plus globalement, il s’agit là de tout le symbolisme accordé par Salinger aux chevaux, tout au long du roman.
Holden multiplie en effet les commentaires, les références, depuis la publicité qui vante son école — un cavalier qui bondit par dessus une clôture. Holden s’interroge : quelle image cela véhicule-t-il, alors qu’il n’existe pas d’écurie dans l’établissement ? Une métaphore du passage à l’âge adulte, probablement ?
Mais lui-même, qui navigue entre l’adolescence et le monde des adultes, ne parvient pas à franchir cet obstacle. Mieux : la transition de l’enfance à l’adulte, pour Holden, s’apparente à la mort dans l’un de ses rêves, où il s’imagine des enfants chutant d’une falaise.
On pourrait aussi y voir l’évocation de la sculpture réalisée par James Earle Fraser, End of the trail — un Amérindien exténué, sur un cheval tout aussi épuisé. (voir American Writers Museum)
De toute évidence, le rouge frappant, autant que l’empalement du cheval multiplient les images pour frapper l’imaginaire. Et nul doute désormais que le succès de l’œuvre se soit également joué autour des différentes connotations que le lecteur pouvait percevoir dans la seule couverture. Le reste tient, évidemment, au génie du roman de Salinger.
« Entre autres choses, tu découvriras que tu n’es pas le premier à être perturbé et même dégoûté par le comportement de l’être humain », peut-on lire sous sa plume.
C’est probablement fort de tout ça et plus encore, que cet internaute écrit : « Un jour, un enseignant de Middle School [fin du collège] m’a donné un livre censuré. » Depuis, le cheval de E. Michael Mitchell lui colle à la peau, littéralement.
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koinsky
22/07/2020 à 07:24
La couverture appartient à l'auteur autant que le livre. C'est de la littérature, pas du marketing.
Nicolas Gary
22/07/2020 à 08:27
Bonjour
Juridiquement contestable : la couverture est signée par un créateur ici. Les droits de reproduction sont cédés à l'éditeur, mais les droits sur l'autre restent propriété dudit créateur.
Excellente journée !
koinsky
22/07/2020 à 10:13
Oups ! Je voulais dire, au cas où l'auteur serait aussi le créateur de sa couv.