Les immortels classiques ? De moins en moins, finalement. Si la littérature reste une forme d'expression intemporelle, tant en contenu que dans les styles, une récente étude vient de démontrer que les classiques sont finalement en perte d'influence sur les nouveaux auteurs. Quantitative patterns of stylistic influence in the evolution of literature s'est appuyé sur une étude stylistique de grande ampleur pour comparer un vaste volume de données.
Le 16/05/2012 à 12:29 par Clément Solym
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16/05/2012 à 12:29
C'est une pure analyse structurelle qui a gouverné l'étude, tentant de trouver les similitudes, les résurgences ou les différences, qui apparaissent au fil du temps. Le constat est alors simple : les influences stylistiques sont de plus en plus diluées, bien que l'on retrouve toujours, sur une période fixée, une forme de cohérence stylistique, en relation avec un sujet propre.
Le professeur Daniel Rockmore, président du département de mathématiques du Dartmouth College, s'est penché avec plusieurs collègues sur ces questions stylistiques. Grâce aux oeuvres numérisées présentes dans le catalogue du Projet Gutenberg, 7773 oeuvres écrites après 1550 par 537 auteurs ont été passées au crible. Le projet consiste à rechercher des itérations de termes et à traquer les évolutions dans les acceptions de mots employés
Les emplois de connecteurs comme of, at ou by, baptisés 'colle syntaxique', ont fourni une première base de travail. « Lorsque l'on considère la fréquence dans les oeuvres libres de droit, venant d'un grand nombre d'auteurs, et pour des oeuvres étalées sur une vaste période de temps, nous pouvons nous poser des questions liées sur les influences temporelles que donnent ces similitudes. »
Et par là même, déterminer des modèles d'influence sur l'évolution de la littérature.
Dans un premier temps, donc, les mathématiciens ont découvert des formes stylistiques semblables entre auteurs contemporains. Mais la seconde étape a démontré que l'influence stylistique des temps passés s'érode. Ainsi, alors que les auteurs des XVIIIe et XIXe siècles affichent une très forte influence des auteurs des siècles passés, ceux de la fin du XXe siècle subissent plutôt l'influence de leurs propres contemporains.
Faut-il comprendre que la fin du XXe siècle rejette plus fortement les prédécesseurs ? C'est une explication qui tiendrait la route, estiment les chercheurs. Toutefois, il faut prendre en compte un tout autre paramètre, bien plus important : le nombre de livres disponibles aujourd'hui, et accessibles si facilement. L'hypothèse dégagée serait de considérer que l'influence du style d'un auteur, qui peut être marquée par ses lectures, ne peut plus véritablement se retrouver dans les seuls classiques. L'opulence de livres produits, et la diversité des influences possibles étant démultipliées, le passé n'exerce plus autant de force qu'auparavant.
La bibliodiversité est donc un élément que notre époque a exacerbé, et dans lequel les auteurs peuvent se piller les uns les autres, en découvrant de nouvelles sources d'inspirations, d'influence ou autant de textes qui peuvent orienter leurs choix.
Du fait des problèmes de copyright, les oeuvres publiées après 1952 n'ont pas pu être prises en compte, mais selon les auteurs de l'étude, difficile de ne pas croire que la tendance se poursuit, et plus encore, du fait de l'auto-édition qui progresse grandement avec le livre numérique. Cela ne signifie pas pour autant que les classiques perdent de leur intérêt auprès des auteurs, mais les goûts évoluant de la même manière, les longues descriptions en vogue dans les romans russes ou français, véritable canon littéraire, n'ont plus les faveurs des auteurs.
Et puis, il faut aussi répondre aux attentes des lecteurs… Rockmore précise que les formules mathématiques, comme le démontre cette étude, pourraient alors être appliquées à la littérature pour définir au plus près, des tendances nettes. « Je crois véritablement que c'est une approche intéressante pour l'analyse littéraire. Nous espérons que des collègues et experts s'engageront dans ces voies, pour trouver quelles sont les questions intéressantes à traiter. C'est une première étape nécessaire, et nous nous réjouissons de cette collaboration d'un côté comme de l'autre. »
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