Comme un écho errant, de Jean Meckert
Le 11/11/2012 à 14:00 par Clément Solym
Publié le :
11/11/2012 à 14:00
Comme chaque semaine, les univers du livre croisent le monde du noir, du polar et du policier : k-libre et ActuaLitté font feu de tout bois dans une minutieuse collaboration : la revue de presse croisée, qui filtre l'actualité des littératures policières et du monde qui les entoure. Vous aurez d'un côté des chroniques littéraires d'ouvrages très récents, et de l'autre des informations concernant cet étrange monde. Comment il vit, de quoi il est fait, et comment parfois il meurt. Le tout formant une ActuaLitté policière bien k-librée !
Les amateurs des polars de Jean Amila s'installeront sans se faire prier dans la traction des années 1920 que l'amnésique aura fait de son enfance intacte, sans avenir ni nostalgie. Mais le roman noir restera sur cales, dans le hangar désert de son existence solitaire, car pour que la mayonnaise romanesque attendue prenne, il faudrait que la mémoire revienne et elle ne reviendra pas. Ce livre est celui d'un réfractaire. Un livre lui-même à contre-courant des propres créations de Meckert-Amila.
L'Employé, de Guillermo Saccomanno
La ville du futur tel que la conçoit Guillermo Saccomanno n'a rien de particulièrement attirant. Elle est grise, inondée de pluies acides, envahie par des chiens errants clonés, son ciel est obscurci par des hélicoptères et des chauves-souris, ses rues sont à l'agonie avec des junkies qui rançonnent les passants. C'est dans cet univers totalitaire et glauque que, pendant près de 170 pages, Guillermo Saccomanno nous convie à suivre le quotidien de l'Employé. L'univers est noir à souhait pour décrire une société minée par l'entreprise dans un but délibéré d'asservissement. L'écriture est simple avec cette force des idées qu'elle véhicule.
Ces dames du palais Rizzi, de San-Antonio
Pour qui ne voudrait lire qu'un seul roman de Frédéric Dard (car en dépit de la signature San-Antonio, il s'agit bien d'un roman de Frédéric Dard) pour se faire une idée de l'œuvre de cet écrivain polymorphe, c'est assurément Ces dames du palais Rizzi qu'il faut ouvrir, chef-d'œuvre dardien par excellence. Et vite. Toutes les obsessions de l'écrivain, tout son savoir-faire et sa technique se retrouvent dans ce titre. La construction, tout d'abord. Cette mécanique implacable, véritable tragédie antique moderne. Cette issue inéluctable oppressante, étouffante. Le péché originel, révélé dans un twist magistral, qui condamne le personnage avant même que l'histoire n'ait commencé. Sa lutte vouée à l'échec, ses soubresauts pathétiques contre un fatum sans pitié.
Le Souilleur de femmes d'Oxford, de Gary Dexter
Sur ce roman, deux ombres tutélaires planent : les sexologues et Conan Doyle. L'auteur révèle qu'il considère les premiers sexologues comme des héros pour leur détermination à cerner le comportement sexuel sans le juger. Il évoque les figures de Karl Heinrich Ulrichs, Magnus Hirschfeld, Iwan Bloch ou Albert Moll, leur "excentricité" à explorer, pour le bien de l'humanité, une voie à l'époque négligée, voire méprisée. Pour l'animation de son couple d'enquêteurs, il s'inspire très largement de Conan Doyle. La forme narrative, les méthodes d'approche et d'investigation sont similaires. Mais, Gary Dexter introduit nombre de touches d'humour tant dans les situations que dans les dialogues, qui en font un roman très intéressant.
Le Baiser du banni, de Cristina Rodríguez
Un point de départ où l'on sent nettement l'influence du manga, riche en personnages au sexe fluctuant, mais qui apporte un peu de sang neuf au milieu des thrillers ésotériques de supermarché où des professeurs supermen dénouent des énigmes immémoriales comme on fait les mots croisés du Parisien. À partir de là, l'ensemble fonce, fonce, de poursuites en coups de main et en révélations plutôt bien senties sans qu'on perde de vue un seul instant les enjeux jusqu'au final hollywoodien à grand spectacle — et l'ouverture sur une inévitable suite —, non sans égratigner au passage les Tables de la loi religieuses.
Par Clément Solym
Contact : clements@actualitte.com
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