L'édition 2020 du Livre sur la Place, à Nancy, approche : le salon inaugure la rentrée littéraire et permet d'habitude de prendre le pouls des romans qui agiteront les jurés des prix littéraires. Mais il offre aussi une visibilité inégalée, pendant quelques jours, aux catalogues des éditeurs régionaux et aux titres d'auteurs autoédités. Plusieurs maisons d'édition déplorent des aménagements réservés aux têtes d'affiche de la rentrée, au détriment d'une production plus locale.
Le Livre sur la Place, manifestation littéraire nancéienne dont l'essentiel se déroule d'habitude en quelques jours, s'échelonnera cette année sur un laps de temps plus important, du 11 au 20 septembre 2020, crise sanitaire oblige. « Nous avons réussi à maintenir un programme d'une taille quasi égale aux autres années, avec 200 auteurs en programmation, en littérature générale, en jeunesse, en bande dessinée », souligne Marie-Madeleine Rigopoulos, commissaire de la manifestation.
Exeunt les fameux (et souvent décriés) chapiteaux du Livre sur la Place : l'organisation a dû se rabattre sur des événements organisés dans différents lieux de la ville, avec une jauge de visiteurs limitée à 50 % de la capacité d'accueil des différentes structures. « Nous naviguons à vue, en espérant que les possibilités soient plus grandes au moment de l'événement. De toute façon, le masque sera obligatoire », explique la commissaire. Les réservations pour les événements, tous gratuits, ouvriront le 31 août prochain.
À l'issue de chaque rencontre ou animation, les auteurs se prêteront au jeu des dédicaces, avec une vente de livres assurée par des libraires de la ville, membres de l'association Lire à Nancy, qui coorganise le Livre sur la Place.
Le Livre sur la Place, parrainé par l'Académie Goncourt, n'a jamais caché son goût pour la rentrée littéraire et sa cohorte de récompenses, et aurait même tendance à l'entretenir. Mais l'événement a toujours eu à cœur de faire cohabiter maisons germanopratines, éditeurs du Grand Est et même auteurs autoédités, à la grande satisfaction des uns et des autres.
Pour 2020, les restrictions liées à la crise sanitaire ont compliqué l'équation, et plusieurs éditeurs régionaux nous font part de leur sentiment d'être devenus « persona non grata » au sein de cette édition spéciale. En somme, de payer les pots cassés et les masques portés.
« La configuration du salon est excellente, l'organisation magnifique, mais nous avons l'impression que le programme de cette année a occulté la Lorraine, à part Élise Fischer [autrice lorraine particulièrement lue, NdR] », souligne Bernard Colin, président des éditions Rebelyne. « Le Livre sur la Place représente 30 à 35 % de nos ventes de livres, qui sont peu diffusés en librairies. C'est comme si un pilote automobile ne faisait pas les 24h du Mans. »
Véronique Lagny Delatour, créatrice des éditions Le Verger des Hespérides, dresse le même constat : « Après les mois passés, perdre la présence au Livre sur la Place et 10 % du chiffre d'affaires, c'est compliqué. » Pour les autres éditions, les livres du Verger des Hespérides bénéficiaient d’un bon emplacement, dans le secteur jeunesse du chapiteau principal.
Selon nos informations, une vingtaine d'éditeurs régionaux, au moins, se retrouveraient dans la même situation : une année particulièrement difficile, déjà, à laquelle s'ajoute la disparition d'un salon particulièrement fréquenté. « Le Livre sur la Place est un rendez-vous très prisé : des visiteurs attirés par les auteurs “people” ne vont pas hésiter à s'arrêter auprès d'un auteur moins connu, voire à acheter son livre », souligne Bernard Colin. Chez un certain nombre de professionnels, on s'interroge : pourquoi ne pas avoir reproduit cette cohabitation dans le « programme Covid » ?
Au-delà des impératifs sanitaires, que chacun comprend, les éditeurs régionaux déplorent l'absence de solutions alternatives pour assurer leur présence. Steven Duda, président de Néreïah éditions, assure avoir parlé au nom de plusieurs de ses confrères lorsqu'il a proposé à la mairie, il y a deux mois, d'organiser un salon des éditeurs et auteurs régionaux parallèlement au Livre sur la Place.
« Nancy accueille un salon des artisans et ouvriers d'art, à la Pépinière et Place Carrière, où chaque exposant à sa propre pergola : je proposais que l'on fasse de même pour les éditeurs et les auteurs, et pourquoi pas à la Pépinière », nous explique-t-il. Une solution qui « ne bousculerait pas l'aristocratie du Livre sur la Place ». Peine perdue : « Apparemment, il faut un an pour organiser ça. Le changement de municipalité [suite aux élections de 2020, NdR] n'aura rien changé. »
Véronique Lagny Delatour, de son côté, avait proposé à la ville de Nancy de mobiliser les chalets du marché de Noël, sans succès.
La seule proposition étudiée par la mairie de Nancy pour assurer une présence physique aux éditeurs et auteurs régionaux consisterait en une installation Place Simone Veil, sur le parvis de la gare, le week-end du 19 et du 20 septembre. 20 à 30 auteurs seraient ainsi présents, « ce qui reste bien moindre que d'habitude, mais bon, nous n'allons pas bouder si l'on nous propose au moins cela », nous indique-t-on.
Cet aménagement doit toutefois être présenté au conseil municipal : « Ce n'est pas encore confirmé et bouclé à 100 % », nous indique, laconique, Areski Sadi, adjoint au maire chargé des commerces, marchés, taxis et de l'artisanat. L'organisation du Livre sur la Place, de son côté, indique ne pas avoir été informée de cette proposition.
L'organisation du salon littéraire rappelle le contexte délicat de cette édition, et les absences des chapiteaux et du Forum France Bleu, qui limitent les possibilités d'exposition. Toutefois, « des lieux accueilleront des auteurs régionaux pour des cafés littéraires, à savoir les restaurants Les frères Marchand, Les Pissenlits et Vins et Tartines », nous indique Marie-Madeleine Rigopoulos.
Par ailleurs, les partenaires mécènes du Livre sur la Place ont fléché une partie de leurs apports vers des achats de livres destinés aux associations et résidences partenaires. « Au moins 10.000 € » ont ainsi été investis, « pour tenter de compenser le manque à gagner », dont une partie concerne des éditeurs régionaux.
Un coup de pouce bien accueilli, mais qui reste maladroit, selon certains bénéficiaires : « Plusieurs exemplaires ont été achetés, mais une partie d'entre eux l'ont été par l'intermédiaire d'un diffuseur, ce qui fait perdre 60 % du prix du livre à l'éditeur », déplore-t-on. Le salon, lui, assure soutenir avant tout l'ensemble de la chaine du livre.
Autre victime collatérale des obligations sanitaires, le chapiteau des auteurs autoédités, qui disparait au profit d'un site internet mis en ligne par l'Association Plumes À Connaître (APAC), sorte de salon virtuel. Le Livre sur l'APAC, la plateforme, sera mise en avant sur le site du Livre sur la Place. « Cette diffusion de notre initiative nous tient beaucoup à cœur, car les médias nancéiens et régionaux ont du mal à s'intéresser aux auteurs autoédités », nous confie Geneviève Kormann, présidente de l'APAC.
« Nous n'avons pas de grief à l'égard de Nancy, le partenariat avec le salon, depuis 11 ans désormais, reste extraordinaire. Les auteurs autoédités ont désormais un public fidèle au salon, et leurs ventes totalisent près de 10.000 € sur les quatre jours de la présence, en temps normal », précise la présidente.
L'organisation du Livre sur la Place promet « une visibilité de tous les genres, et une diversité », tout en reconnaissant que le parrainage de l'Académie Goncourt suppose une « contrainte morale d'assurer la visibilité de la rentrée littéraire ». Selon Marie-Madeleine Rigopoulos, cela ouvre la porte à une variété de maisons d'édition et d'écrivains : le Prix Stanislas, remis récemment, a mis en avant de nombreux premiers romans, autant de jeunes auteurs et de « petites » maisons d'édition.
Areski Sadi, adjoint au maire de Nancy chargé des commerces, marchés, taxis et de l'artisanat, nous informe que le projet d'une présence d'éditeurs régionaux place Simone Veil ne pourra pas se concrétiser.
« En effet, la place Simone Veil, lieu que j'ai pressenti, est finalement occupée par de “gros” cubes sur lesquels sera déclinée la liste des manifestations. Je tentais de mesurer la surface restante disponible et même de déplacer ces cubes, mais en vain. Quant à la Pépinière, tous les endroits accueillent des événements ce week-end là. De plus, les services me font remarquer que pour des raisons sanitaires, le choix a été fait de ne pas organiser de dédicaces sur l'espace public », déplore-t-il.
Photographie : Le Livre sur la Place 2018 (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Paule Constant et Didier Decoin, de l'Académie Goncourt, au Livre sur la Place 2018 (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Espace des auteurs autoédités au Livre sur la Place (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
1 Commentaire
Claude Olyvelis
31/08/2020 à 19:17
en effet,
les petites maisons d'édition et les auto-édités ne seront pas representés cette année.
C'est pourquoi, parmi les differentes inititives privées, j'ai le plaisir de vous communiquer que les 12 et 13 septembre 3 auteurs dédicaceront AU KIOSKI PLACE CARNOT.
Pour de plus ample information, merci de me contacter...