Ce sera probablement l'une des belles choses de la Saint-Valentin : un site entièrement consacré aux lettres adressées au romancier, dramaturge, poète, essayiste, et on en passe, et on en oublie ; Juliette Drouet amoureuse de Victor Hugo se révéla une épistolière inlassable. Une transcription annotée de ces lettres manuscrites va être progressivement mise en ligne. Des documents alors principalement conservés à la BnF et à la Maison Victor Hugo, dans d'autres bibliothèques françaises et étrangères, et par des collectionneurs.
C'est au travers de l'université de Rouen que Florence Naugrette a réuni cette cinquantaine de chercheurs, étudiants, mais également professeurs de lettres, avec le concours de Jean-Marc Hovasse (biographe de Victor Hugo, CNRS / ITEM), Gérard Pouchain (biographe de Juliette Drouet, Université de Rouen) et Guy Rosa (administrateur du site du Groupe Hugo, Université Paris 7).
Ces lettres sont autant un journal personnel qu'une correspondance, car la plupart n'attendent pas de réponse. Au début, ce sont des billets servant à donner un rendez-vous, à délivrer des messages brûlants ou alarmants. Au fur et à mesure que la relation s'installe, elles deviennent quotidiennes, et parfois pluriquotidiennes, sauf pendant leurs voyages communs, où elles s'interrompent.
Juliette ne vivant pas avec Hugo, lui écrit pour tromper son ennui, réclamer sa venue, et rendre compte de l'emploi du temps de sa journée, comme des mouvements de son âme. Hugo exige d'elle cette « restitus » quotidienne, proche de la confession religieuse. À la fin de leur vie, elle a beau vivre enfin sous son toit, elle garde l'habitude de lui écrire quotidiennement.
Victor Hugo avait conservé l'intégralité de ces lettres, et c'est au neveu de Juliette Drouet qu'il les confia, lorsque cette dernière mourut. Elles fournissent un suivi fidèle et complet sur l'évolution de leur relation. « Le compte rendu des travaux et des jours y côtoie les saillies les plus spirituelles et de sublimes morceaux de prose poétique », précise un communiqué.
Paris, 30 décembre [18]77, dimanche matin, 11 h. ½Cher bien-aimé, mon bonjour ce matin devancera le tien comme mon amour dépasse le tien toujours. C'est dans l'ordre et j'en suis heureuse et fière. J'espère que tu as passé une bonne nuit. La France donne la nouvelle de ton grand cordon proposé par Bardoux [1]. Du moins elle le répète, d'après le Constitutionnel. Quant à moi, je ne m'en émeus ni dans un sens ni dans un autre sens, attendu que pour moi personne ne peut mieux t'honorer que toi-même en continuant d'être ce que tu es et de faire ce que tu fais. Je m'exprime mal mais je pense bien et je t'admire et je t'aime mieux encore. Donc j'attends sans impatience et sans trouble aucun le résultat de l'idée respectueuse et touchante du bon Bardoux.
Les lettres et les journaux affluent ce matin, mon pauvre trop aimé, et je ne sais pas comment tu t'en tireras. Moi-même j'ose à peine te faire souvenir que c'est après-demain mardi que tu dois me donner ma petite lettre annuelle sans laquelle je ne peux pas commencer l'année. Pardonne-moi cette corvée et souris-moi, aime-moi, bénis-moi comme je le fais en ce moment pour toi. BnF, Mss, NAF 16398, f. 353
Transcription de Guy Rosa
[Massin]
Pour le lecteur, ce sera un parcours qui entraînera d'allusions historiques en outils biographiques, le tout encadré par une contextualisation précise (repères historiques, entre autres), mais également des notices sur les personnes évoquées, ou des illustrations. Pour l'heure, les premières lettres concernent la période de 1836 à 1877, soit quatorze séries, à découvrir sur le site Juliette Drouet.
Par Cécile Mazin
Contact : cecilem@actualitte.com
Commenter cet article