L'année 2008 s'est achevée avec pour projet de faire en sorte que la bibliothèque numérique Gallica 2 soit réorientée dans ses attributions. Le Syndicat national de l'édition avait en effet envisagé clairement que la numérisation subventionnée par le Centre National du Livre puisse également couvrir le champ des oeuvres épuisées. Et ce, pour obtenir un meilleur rendement, tout en poursuivant la commercialisation de titres qui ne sont plus exploités.
Le 30/04/2013 à 15:58 par Nicolas Gary
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30/04/2013 à 15:58
Revenons une fois de plus sur ce projet. En octobre 2008, le SNE organisait un atelier présentant la solution d'aides à la numérisation, en vue de susciter l'envie auprès des maisons de présenter un dossier. Le SNE posait alors les chiffres suivants :
À ce jour la commission politique numérique a examiné 40 projets d'éditeurs ou d'accréditations de e-distributeurs, a retenu 35 projets et aidé 12 000 titres, pour un montant de 525 K€, avec une taille moyenne de 100 titres par projets, mais une large variété allant de 8 à 5 000 titres.
La question de la distribution numérique
Le tout pour une enveloppé de 8 millions €. Différentes conditions permettaient d'accéder à la subvention, la « garantie explicite par l'éditeur des droits d'exploitation numérique sur les titres concernés à la mise en ligne », mais également un respect de quatre mois pour fournir les métadonnées. En outre, l'éditeur devait accorder une exclusivité, titre à titre, pour le e-distributeur, mais strictement dans le cadre du projet Gallica 2. Il était donc possible de compter un e-distributeur par titre, mais également de solliciter n'importe lequel en dehors du projet Gallica.
Un des éléments qui sera d'ailleurs intéressant, dans le cadre de la numérisation des oeuvres indisponibles, au travers de ReLIRE, concernera la commercialisation et les e-distributeurs. Au cours de cet atelier, une réserve avait été formulée :
Catherine Thiolon (Quae) fait part de la difficulté des éditeurs à comparer les e-distributeurs et leurs prestations, en raison de coûts fixes et de coûts dépendant fortement de la volumétrie. Le CNL conseille de faire des tests et de choisir plusieurs e-distributeurs sur des collections ou des ouvrages homogènes pour les mettre en concurrence. (voir document en fin d'article)
Or, au cours de ce mois d'octobre, la Commission numérique du SNE, créée l'année même, estimait que l'expérience de numérisation et commercialisation, au travers de Gallica 2, apportait un aspect positif pour la chaîne du livre. Cependant, « elle risque de ne pas être rentable et les éditeurs doivent donc limiter leurs pertes potentielles ». Pour ce faire, on recommande d'augmenter le cofinancement « jusqu'à 75 % ou 100 % par ouvrage retenu ».
La conséquence de ces réflexions vient rapidement :
Si ce choix est fait, il pourrait ouvrir une opportunité unique de réorienter le programme d'aide Gallica 2 du CNL vers la numérisation de masse et à coût technique direct minimum des œuvres sous droit épuisées, dans les catégories éditoriales ciblées par la charte documentaire de la BnF.
Cette hypothèse sera entérinée à l'occasion des Assises du livre, organisées durant le Salon du livre de Paris, en 2009. En effet, à cette occasion, le président de la BnF, Bruno Racine, est intervenu pour présenter un point d'étape sur Gallica 2, dont le SNE a réalisé un compte-rendu. Selon les notes révélées, cette expérimentation fut un « partenariat public/privé exemplaire ». Quand on prend conscience de ce que le PPP qui concerne aujourd'hui la BnF et la numérisation du domaine public peut être, on serait en droit de se poser quelques questions.
"Autre demande : pouvoir accéder par ce biais
à des œuvres autrement indisponibles, car épuisées."
Nous reproduisons ici, en intégralité, le compte-rendu de l'intervention du président :
L'expérience d'accès des œuvres sous droits a été lancée il y a un an sur Gallica 2 -redevenue récemment Gallica- après intégration de nombreux progrès en fonctionnalités. La quantité d'œuvres accessibles sous diverses modalités (feuilletage et accès payant au texte intégral) ne cesse d'augmenter puisque le dispositif tripartite mis en place avec la commission de politique numérique du CNL, doté de crédits spécifiques, a permis de numériser un nombre significatif d'ouvrages d'édition française : plus de 13500 sont en ligne depuis quelques semaines.
Certes l'expérience qui a été conduite depuis un an n'est pas encore définitive, car elle a été menée en partie avec des livres déjà numérisés. Mais elle revêt un relief particulier, car elle est unique au monde, ce qui est important dans le contexte de l'accord intervenu aux États-Unis entre Google et les éditeurs et qui interpelle au niveau européen.
On le comprend bien, c'est une fois de plus Google Books qui intervient dans le contexte de la numérisation des oeuvres sous droit, dont le financement était en grande partie assuré par le CNL. C'est dans la suite de l'intervention du président que l'on trouvera de plus amples renseignements sur l'esquisse du projet ReLIRE.
Cette expérience [NdR : la vente d'oeuvres sous droit au travers de Gallica] est plébiscitée par tous ceux qui ont répondu aux enquêtes réalisées, mais ce qui s'exprime à présent ce sont les attentes pour la suite, portant parfois sur des secteurs particuliers. Par exemple, il n'y avait pas de BD dans l'offre proposée, et l'on a identifié une demande en ce sens.
Autre demande : pouvoir accéder par ce biais à des œuvres autrement indisponibles, car épuisées. [NdR : nous soulignons] Il faut donc s'atteler à une montée en puissance de ce dispositif, qui n'a suscité aucune réserve de principe de lapart des trois partenaires actifs dans la première phase, ni des auteurs ou deslibraires.
Cette demande de pouvoir mettre en place une offre qui concernerait « des oeuvres autrement indisponibles, car épuisées », émane directement de la Commission numérique, et donc du SNE, ainsi que nous avons pu le constater. La suite ne manque pas non plus d'intérêt :
Le résultat est donc appréciable, voire impressionnant. Face au modèle américain où l'équilibre des pouvoirs ne correspond pas à celui de l'écosystème français de la chaîne du livre, on comprend l'importance d'un programme tel qu'Arrow, qui vise lui aussi à créer les conditions d'un modèle européen d'accès aux livres sous droits. Sans doute faudra-t-il ensuite envisager des passerelles entre les systèmes des deux côtés de l'Atlantique, mais sans position collective, les Européens auront du mal à négocier une place stable et sûre face à des acteurs de puissance trèssupérieure.
D'où l'importance d'élargir l'expérience mise en place avec Gallica, qui monte en puissance grâce aux subventions du CNL, lesquelles ne suffiront sans doute plus longtemps à la demande si elles ne sont pas accrues. D'où l'importance de l'engagement qu'ont pris le Président de la République et la ministre de la Culture de développer les ressources du CNL pour ce faire.
Benoît Yvert, président alors du CNL, ajoutait à ces déclarations :
Oui, il faut maintenant des moyens supplémentaires, et le CNL est mobilisé pour les obtenir rapidement et passer à un stade 2, qui doit rester fidèle à l'esprit des origines et être plus ambitieux dans son contenu. La fidélité à l'esprit d'origine est avant tout la capacité de se servir de cette expérimentation pour suivre la naissance et l'évolution de l'économie numérique en temps réel.
Le turn-over rue de Valois, et Hachette en ligne de mire
A l'époque, ledit président n'est autre que Nicolas Sarkozy, et la ministre de la Culture, Christine Albanbel. Celle-ci avait inauguré la bibliothèque numérique l'année précédente, le 12 mars 2008. Au cours de la conférence de presse de septembre 2008, présentant le budget du ministère de la Culture pour l'année 2009, Christine Albanel avait en effet assuré d'une « priorité à l'éducation artistique et culturelle ne se fera pas au détriment des crédits pour l'accès à la culture, qui augmentent en 2009 de 1,7% : cela nous permet de consolider tous les dispositifs en faveur des publics spécifiques et de poursuivre et d'accélérer la numérisation des contenus culturels ».
Christine Albanel sera remplacée quelques semaines plus tard par Frédéric Mitterrand. Ce sera alors à lui de porter la mission d'une numérisation des oeuvres sous droit, en ratifiant un accord-cadre, en février 2011. Nous verrons au cours des prochaines semaines comment cette situation s'est structurée. Surtout qu'entre temps, sera signé l'accord entre Google Books et Hachette Livre, portant sur la numérisation d'oeuvres épuisées... mais dont l'éditeur détenait les droits.
« C'est enfin l'occasion de mettre un terme aux conflits et de montrer que l'on peut arriver à faire quelque chose ensemble », expliquait en marge de la conférence une personne de Google Books. Concrètement, le protocole portera sur « les milliers d'œuvres régies par le droit d'auteur français dont les droits sont contrôlés par Hachette Livre et qui ne sont plus commercialement disponibles. La grande majorité de toutes les œuvres publiées à ce jour sont commercialement indisponibles ». (voir notre actualitté)
Nous aurons l'occasion d'y revenir.
NB : soulignons l'introduction du document, signé de Vianney de la Boulaye, président de la commission juridique du SNE. Ce dernier soulignait, auprès des éditeurs présents que « la titularité des droits est un préalable indispensable à l'exploitation du contenu sur support numérique ». Et de pointer trois cas de figure :
L'éditeur a un contrat plus ou moins ancien avec une clause d'avenir : il faut utiliser le modèle d'avenant et prévoir les modalités, de rémunération notamment. On commence à y voir plus clair au niveau des modèles économiques donc des conditions de rémunération.
L'éditeur a un contrat ancien ne prévoyant rien : il faut un nouveau contrat prévoyant l'acquisition des droits numériques correspondants, en utilisant le modèle de contrat SNE.
L'éditeur utilise déjà un contrat récent prévoyant les droits numériques : tout va bien.
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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