Écrire à un mort, sans tomber sur un os. Soixante-quinze ans après le décès du poète espagnol Antonio Machado, symbole de l'exil républicain parfois considéré comme un saint laïc par ses admirateurs, le défunt réceptionnerait toujours son courrier depuis le cimetière de Collioure, dans les Pyrénées-Orientales. Installée à flanc de tombeau, sa boîte aux lettres a vu arriver quelques milliers de lettres, poèmes et autres suppliques adressés à l'homme de lettres. Une correspondance que le public va bientôt pouvoir découvrir.
Le 21/02/2014 à 13:08 par Julien Helmlinger
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Publié le :
21/02/2014 à 13:08
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Pierre Tombal
Comme le rapporte l'AFP, les hommages à Machado comme à son oeuvre abondent, pour ce poète qui avait refusé toute cérémonie religieuse à son enterrement. Certains de ses plus fervents admirateurs demanderaient aide et protection à ce saint patron laïc, selon Veronica Sierra Blas, professeure à l'université d'Alcala de Henares de Madrid. Cette dernière a travaillé sur ces archives d'outre-tombe, en tant que responsable scientifique de la Fondation Antonio Machado (FAM) de Collioure.
La fondation s'occupe de perpétuer la mémoire du poète qui, après avoir fui les troupes franquistes, comme des centaines de milliers d'autres républicains contraints de s'exiler en France, malade et épuisé à l'âge de 64 ans, aura trouvé la mort le 22 février 1939 dans la ville de la côte Vermeille.
Le poète, dont l'oeuvre est enseignée à tous les élèves d'Espagne comme à certains élèves français en classe d'espagnol, fut d'abord inhumé dans le caveau d'une famille locale. Mais un appel aux dons allait permettre ensuite de lui financer sa propre tombe en 1958, qu'il partage avec sa mère décédée trois jours après lui. Au rang des plus célèbres donateurs figuraient notamment le violoncelliste Pablo Casals ou les écrivains René Char, Albert Camus et André Malraux.
Aujourd'hui, ce tombeau serait toujours décoré de fleurs fraîches, et reposerait à l'ombre des grands arbres du cimetière du vieux Collioure, un peu à l'écart des autres. La sépulture est devenue un lieu de pèlerinage pour des milliers de visiteurs venus de France, d'Espagne comme du reste du globe, ce qui aura conduit à l'installation d'une boîte aux lettres sur un flanc du tombeau, au cours des années 1980.
La FAM, chargée d'entretenir le lieu, récolte régulièrement parmi d'autres offrandes le courrier déposé ou envoyé au défunt poète par voie postale. On lui écrit pour demander son assistance dans des affaires de coeur, mais aussi d'argent, de santé, ou encore de famille, confie Joëlle Santa-Garcia, présidente de la fondation, quand certains passionnés le prient de leur apporter inspiration et talent...
Le courrier ne manque pas, tandis que quatre mille cinq cents documents auraient ainsi été recueillis. Veronica Sierra Blas explique : « Il y a des lettres d'hommage, des témoignages d'exilés ou de descendants d'exilés, des fragments des poèmes de Machado, des textes littéraires, des poèmes écrits par les gens, des dessins d'enfants.»
L'ensemble de cette collection originale, dont le plus ancien document remonte à 1976, date de la mort de Franco, est désormais classé par type et par ordre chronologique. À partir de dimanche, journée marquée par les cérémonies pour le 75e anniversaire de la mort de l'écrivain, le public pourra consulter ces pièces sur demande auprès de la Fondation, à l'ancienne mairie de Collioure. D'après la Fondation, le poète, pendant son court séjour dans la ville, n'y aurait composé que son dernier vers : « Estos días azules y este sol de la infancia (Ces jours d'azur et ce soleil de l'enfance)... »
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Par Julien Helmlinger
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Philippe Lemoine
20/12/2020 à 15:48
Un tout petit papier froissé dans une poche,
Juste avant de partir un songe radieux,
Juste avant que son nom s’inscrive sur la roche,
Quelques mots griffonnés ; ses derniers d’adieux…
Souvenirs de jours bleus, soleil de son enfance,
Souvenirs de Séville et du temps du bonheur
Où l’instant s’écoulait empli de bienveillance,
La fontaine chantait, la joie, en « La » mineur…
Ces jours bleus, sous un ciel désinvolte et paisible,
Image du paradis, d’un paradis perdu,
Sublime allégorie infiniment sensible
À laquelle son auteur demeure suspendu…
À l’heure épouvantable où règnent les barbares,
Ces jours bleus, ce soleil, une bouteille à la mer,
Ce soleil, ces jours bleus, sont comme autant de phares
Apaisant, de son cœur, le sentiment amer…
Ce soleil de l’enfance, un vœu, une espérance
Pour conjurer le sort de son monde en péril
Et tracer un chemin aux hommes dans l’errance,
Pour consoler les siens, condamnés à l’exil…
Un tout petit papier, plus qu’un simple poème,
Un dernier chant d’amour résumé en un vers,
Une aubade à la paix, un ultime je t’aime
À tous les êtres aimés, peuplant son univers…
Poème en écho aux derniers vers de Machado :
« Ces jours bleus et ce soleil de l’enfance… »