« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », écrivait La Fontaine. Et c'est maintenant officialisé, par la plus grande autorité qui soit : l'Assemblée nationale a estimé, ce 15 avril, que les animaux sont des « êtres vivants et sensibles ». Et ce, alors que le Code civil les considérait comme « des biens meubles ». Autrement dit, des objets.
Le 17/04/2014 à 10:01 par Nicolas Gary
Publié le :
17/04/2014 à 10:01
ça lui fait certainement une belle jambe, tiens !
SanGatiche, CC BY 2.0
«Pour parvenir à un régime juridique de l'animal cohérent, dans un souci d'harmonisation de nos différents codes et de modernisation du droit, l'amendement donne une définition juridique de l'animal, être vivant et doué de sensibilité, et soumet expressément les animaux au régime juridique des biens corporels en mettant l'accent sur les lois spéciales qui les protègent», précise la loi.
En effet, selon l'article 528 :
Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère.
Ce qui permet de déclarer, par exemple, avec toute la magie du langage législatif, qu'une vache est un immeuble par destination.
Si l'on parle, du côté de la Fondation Brigitte Bardot, d'évolution juridique, et pas de révolution pour la vie des animaux, la modification apportée au Code civil rejoint le combat de plusieurs intellectuels français. En effet, Michel Onfray, le philosophe, ou encore Luc Ferry, Erik Orsenna, membre de l'Académie française, ou l'astrophysicien Hubert Reeves ont soutenu un changement allant dans ce sens.
C'est la fin législative d'une vieille idée, bien ancrée quelque part dans l'inconscient collectif français, et qui remonte à Descartes. La notion d'animal-machine, qui ne réagirait que par automatisme, à des stimuli extérieurs, comme une sorte de mécanique sans pensée, est désormais caduque.
Dans sa lettre au Marquis de Newcastle, le philosophe français écrivait, en novembre 1646 :
Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m'en étonne pas car cela même sert à prouver qu'elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu'une horloge, laquelle montre bien mieux l'heure qu'il est, que notre jugement ne nous l'enseigne. Et sans doute que, lorsque les hirondelles viennent au printemps, elles agissent en cela comme des horloges.
…/…
On peut seulement dire que, bien que les bêtes ne fassent aucune action qui nous assure qu'elles pensent, toutefois, à cause que les organes de leurs corps ne sont pas fort différents des nôtres, on peut conjecturer qu'il y a quelque pensée jointe à ces organes, ainsi que nous expérimentons en nous, bien que la leur soit beaucoup moins parfaite. A quoi je n'ai rien à répondre, sinon que, si elles pensaient ainsi que nous, elles auraient une âme immortelle aussi bien que nous, ce qui n'est pas vraisemblable, à cause qu'il n'y a point de raison pour le croire de quelques animaux, sans le croire de tous, et qu'il y en a plusieurs trop imparfaits pour pouvoir croire cela d'eux, comme sont les huître, les éponges, etc.
« Les animaux ne sont ni des choses, comme le prétendait Descartes de façon aberrante, ni non plus des humains, quoi qu'en disent les militants fondamentalistes qui discréditent leur propre cause par leurs délires «zoophiles». La preuve? Les animaux n'ont pas de morale, d'éthique et ils n'enterrent pas non plus leurs morts, ce qui dénote aussi une absence d'interrogation métaphysique », assure Luc Ferry dans Le Figaro.
Descartes est donc un con, aurait conclu Pierre Desproges. « Mais son avocat vous en convaincra mieux que moi. »
Par Nicolas Gary
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