En mai 1968, Myriam Anissimov âgée de 25, décide de quitter Lyon : c'est Paris qu'elle veut. Famille, mari, elle laisse tout derrière elle pour découvrir la capitale. « Je couchais avec des gens sans amour », écrit-elle dans le livre, paru chez Seuil, Jours nocturnes. « J'ai toujours été plus sexe que drogues. Et puis, à 25 ans, on a des envies et des hormones », lançait-elle en riant, hier soir, invitée par la librairie Folies d'encre.
Le 20/06/2014 à 09:08 par Nicolas Gary
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20/06/2014 à 09:08
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Dans ce livre, elle raconte ses rencontres - « au détour d'un concert auquel j'avais assisté, presque cachée, je me retrouve dans les bras de Leonard Cohen ! » - mais également les lieux - « j'aimais les déambulations dans Paris de Modiano ». On y retrouve également Barbara, Albertine Sarrazin, Romain Gary, ou presque, et tant d'autres. Éducation sentimentale, sensuelle, mais également artistique, avec l'apprentissage de la chanson.
Mais en trame de fond, c'est avant tout sa mère qui est présente, omniprésente, dans cette relation fusionnelle. « Ma mère, j'aurais pu la tuer. C'est une histoire de symbiose, faite d'amour et de haine, des deux côtés. »
Nul doute que ma petite Maman et moi, nous nous haïssions jusqu'à l'extrême danger de nous jeter l'une sur l'autre, jusqu'au fait d'en venir aux mains et, pourquoi pas, de nous entretuer. Il ressortait de nos conversations quotidiennes que je n'étais pas normale, normale comme elle, comme tout le monde.
Et cet ouvrage, le dernier avant le prochain, sourit-elle, c'est aussi à la confiance de René de Ceccatty qu'elle le doit. « J'ai un éditeur formidable. Dans ce milieu très violent de l'édition, c'est rare d'avoir un éditeur qui vous lit, qui défend votre travail, quand cela se vend. Et même quand cela se vend moins bien. »
Car Myriam Anissimov le reconnaît : « Une autre maison m'a fait une belle offre. Et je suis certaine qu'ils me feraient un joli chèque - et j'en ai besoin (sourire désarmant). Sauf que, si le succès commercial n'est pas au rendez-vous, je ne suis pas sûre que ce sera suivi. Alors qu'au Seuil, j'ai le sentiment d'être dans une maison, avant qu'elle soit une maison d'édition. Et c'est une vraie maison littéraire. »
Par pudeur, on n'indiquera pas même le nom de la gare, ni de la tour, situées à proximité de cette maison d'édition.
"Quand on a un homme comme lui avec soi, on n'a pas envie de le quitter"
Cela fait longtemps qu'elle travaille avec René de Ceccatty. « Il est vraiment formidable. Non écoutez-moi, vraiment formidable. Par exemple, la biographie de Vassili Grossman [sortie au Seuil, en mars 2012], il s'est battu pour ce livre. Grossman est un très grand écrivain, mais il n'était pas connu comme Gary. J'ai eu beaucoup d'argent pour le faire, et le livre est devenu un best-seller. Grossman, c'était un projet plus ambitieux, qui intéressait moins les éditeurs : il y avait moins d'argent à la clef. René l'a défendu, et nous avons pu le faire. C'est quelqu'un avec qui j'aime travailler. »
Une relation qui vient de loin : « J'avais commencé à travailler avec Hector Bianciotti. Quand René est devenu directeur littéraire, c'est Hector qui était un grand écrivain, et m'avait choisie lui a proposé de suivre mon travail. J'ai eu confiance en lui. Des directeurs littéraires comme lui, il n'y en a presque plus. Quand on a un homme comme lui avec soi, on n'a pas envie de le quitter. »
Attention toutefois, à ne pas se faire prendre au jeu du livre. « Ce n'est pas de l'autofiction, mais une création littéraire reposant sur la réélaboration du matériel personnel. C'est une histoire reconstruite, avec des clefs et des pistes. Pour tout cela, Thomas Bernhard m'a fortement influencée. Lui et la musique. Dans ce roman, les associations d'idées se font par la musique. C'est la musicalité que j'ai recherchée avant tout. »
Quant à Romain Gary... « Oui, je l'ai bien connu. » Par-delà la biographie qu'elle a pu écrire, l'homme lui a laissé un souvenir qui fait plonger son regard dans le vague. Mais d'un mouvement de tête, elle revient vers vous, avec un sourire complice. « Vous savez, comme l'on disait à une certaine époque, il n'est pas une femme, ni même une mère, vivant rue du bac, qui n'ait connu Romain Gary. »
Myriam Anissimov est née en 1943 dans un camp de réfugiés en Suisse. Elle est l'auteur de plusieurs romans dont Le Marida (Julliard), La Soie et les Cendres (Payot), Dans la plus stricte intimité (L'Olivier), Sa Majesté la Mort (Seuil) et de biographies de référence de Primo Levi, Romain Gary et Vassili Grossman.
Par Nicolas Gary
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