Nos ancêtres avaient définitivement l'art de l'originalité en matière de livre. Si on se souvient des bestiaires fantaisistes du Moyen-Âge, ou encore des manuscrits recyclés en vêtement à la même période, on relèvera également la créativité unique des artisans d'autrefois. Des livres siamois aux livres géants ou même de la taille d'un pouce, un petit aperçu du tumblr de l'historien Erik Kwakkel de l'Université de Leiden (Pays-Bas) consacré aux « livres étranges ».
Le Klencke Atlas
L'industrialisation et la production de masse ont souvent réduit le livre à l'essentiel : un texte et du papier. Pour autant, il fut une époque où l'objet livre avait systématiquement quelque chose d'unique. On note par exemple quelques créations impressionnantes par leurs tailles. Ainsi le Klencke Atlas détenu à la Britsh Library. Vieux de 350 ans, il date mesure 1,90 m de haut sur 1,75 m de large. Datée du Moyen-Age, la fabrication des livres géants était rarement fantaisiste et relevait donc d'un usage précis.
En effet : « Bien qu'ils soient rares, de tels spécimens ne découlent pas moins d'une tradition. Les livres de cœur par exemple, avaient besoin d'être gros parce qu'ils étaient utilisés par un demi-cercle de chanteurs réuni autour », explique sur son blog Medievalfragment Erik Kwakkel.
un livre de choeur datant du Moyen-Âge, détenu par l'Université de Pennsylvanie
À l'opposé, et comme les extrêmes se rejoignent toujours, notons également l'existence de livres pas plus gros que le doigt qui en tourne les pages… Parfois longs de 3 centimètres sur 4 de largeur, ils étaient souvent portés sur soi en guise de talisman. C'est le cas du MS Stowe 956 détenu par la British Library : contenant les Psaumes et un portrait d'Henry VIII, il avait été conçu pour être porté à la ceinture par la seconde épouse du roi, Anne Boleyn. À noter que si la valeur artisanale de l'objet ne fait aucun doute, l'histoire a prouvé que celle de talisman était bien moins certaine…
Autre spécimen, tout aussi peu courant et tout autant rare : les livres « siamois ». Exclusivement produits aux XVIe et XVIIe siècles, ils se présentent comme deux livres reliés dos à dos par leurs couvertures. L'image sera plus explicite pour mieux comprendre le principe.
« Vous trouverez souvent un duo de travaux complémentaires sur la piété, par exemple un livre de prière et un Psautier, ou encore un Ancien Testament allié au Nouveau. » Mais peut-être le record d'originalité est-il détenu par l'ouvrage ci-dessous. Avant de livrer une réponse, au lecteur de deviner le nombre de livres ici réunis en un seul…
« Non pas deux, mais six livres, soigneusement cachés à l'intérieur d'une seule reliure. Ce sont des textes de prières imprimés dans l'actuelle Allemagne entre 1550 et 1570 (incluant le Der kleine Catechismus de Martin Luther) et chacun est fermé avec un minuscule fermoir. »
La production de masse standardise, les techniques évoluent, et l'imagination avec elle. Aussi, peut-être une telle originalité se trouve-t-elle aujourd'hui transposée dans le numérique : ainsi, la Divine Comédie en 10.000 tweets, tout Shakespeare par SMS, ou encore les générateurs d'insultes à l'ancienne pourraient bien faire figure de cadets - quand bien même de telles curiosités demeurent uniques en la matière.
Par Louis Mallié
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