L'idée, en soi passionnante autant que terrifiante, de voir des ordinateurs rédiger des dépêches pour agences de presse, ne sera bientôt plus qu'un vague souvenir. Confier une écriture journalistique, particulièrement dans le cadre d'agences, à des machines, ce serait établir un agencement d'ensembles factuels. Pourquoi pas. Mais écrire des romans ? L'inspiration qui vient des dieux, selon Platon, établirait alors une connexion divine directe pour les ordinateurs.
Le 30/10/2014 à 12:05 par Nicolas Gary
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30/10/2014 à 12:05
La créatrice du futur ?
Doug Bowman, CC BY 2.0
Loin de la science-fiction, le Japon est le pays des improbables événements. Ainsi, la création du prix Hoshi, instauré en 2013, a pour mission de récompenser l'un des auteurs majeurs de la SF japonaise. Et parmi ces créateurs, les ordinateurs auront peut-être une place de choix, puisque l'an prochain, le jury acceptera des textes écrits par des intelligences artificielles. Avec un anonymat complet des œuvres, saura-t-on distinguer l'œuvre d'homo sapiens sapiens de l'Intelus Samsungus Computeris ?
Marina Hoshi Whyte, fille de Shin'ichi Hoshi, a monté ce prix en hommage à son père. Elle estime que cette mise en concurrence des humains ne se borne pas aux ordinateurs. « C'est une sorte de blague, mais pour de vrai », jure-t-elle, en soulignant que la participations « d'autres non-humains, comme des extraterrestres ou des animaux, tant que leurs écrits sont en japonais », sont admissibles.
Abus de sushis pas frais ? Pas du tout : « Je voulais que le prix et la compétition elle-même relèvent de la science-fiction. Après tout, si elle ne peut pas développer l'imagination du grand public, quelle est la pertinence d'un concours de science-fiction ? »
Un groupe de scientifiques japonais est d'ores et déjà en lice : le Dr Hitoshi Matsubara, enseignant à l'Université Future-Hakodate d'Hokkaido, travaille avec son équipe depuis septembre 2012 à l'écriture de textes courts… et leur rédaction par une intelligence artificielle. Et les textes de Hoshi père alimentent la créativité de la machine. Cet écrivain japonais, décédé en 1997, a laissé quelque 1000 récits et nouvelles, dont plusieurs ont remporté des prix littéraires…
Selon Matsubara, l'intelligence artificielle sur laquelle travaille son équipe a besoin de cinq années encore avant d'être en mesure de produire un texte cohérent. Celui qui sera soumis l'an prochain sera donc passablement déstructuré, et ne remportera certainement rien. Sauf que l'évolution suit son cours, et que les analyses des textes de Hoshi se poursuivent, pour donner de plus en plus de solutions à la machine dans la génération de textes nouveaux.
Loin de devenir créateur, l'ordinateur ne fera que recracher des combinaisons de phrases, de mots – qui ne sont pour lui que des 0 et des 1, associés dans des lignes et des lignes. Projet complètement dingue. De quoi laisser encore l'ego des auteurs se gonfler, à l'idée qu'ils détiennent, pour quelques années encore, le monopole de la connexion avec la divine inspiration.
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